ue ce soit en Val de Loire ou en Bourgogne, la projection d'une future récolte 2016 bien amputée n'a pas, dans la grande majorité des cas, eu de répercussions sur les transactions du marché vrac. Dans la plupart des appellations, y compris dans beaucoup de régionales, la quantité restante de vins disponibles à la vente avant le gel était faible ou nulle. « Il n'y avait donc plus de vin à vendre et les contrats déjà quasiment tous passés », résume un courtier de Bourgogne. « Cela n'a pas provoqué de mouvement sur les transactions. Les négociants se sont juste empressés de procéder aux enlèvements », confirme un second, opérant sur la région Anjou-Saumur. Dans les quelques appellations où il restait du stock -en Mâcon villages ou en Muscadet – là non plus, pas d'empressement de la part des acheteurs. Etant déjà « couverts », ils préfèrent attendre d'avoir des informations plus précises sur les potentiels de récoltes à venir.
L'événement climatique a même provoqué l'effet inverse, en ralentissant ou en annulant les quelques transactions qui pouvaient encore se faire. « Les vignerons qui habituellement vendent quelques pièces à cette époque vont finalement les garder pour tenir 2016, qui va être une année compliquée », témoigne Sébastien Bullier, courtier dans la Côte de Beaune, secteur très touché par le gel. Autre exemple, en appellation Pouilly-Fuissé, qui a subi les conséquences de la grêle : « Avant, on avait beaucoup de mal à en trouver. Maintenant, on n'en trouve du tout, car plus personne n'en met en vente », constate Geoffroy Jacquemont, un autre courtier de la région. « Les marchés sont bloqués ; les propriétaires attendent la fleur pour s'engager sur des volumes », indique de son côté un courtier de Chablis.
Le niveau des échanges étant quasiment nul, les cours des vins n'ont donc, pour la plupart, pas évolué depuis les épisodes de gel ou de grêle, hormis peut-être pour l'appellation Bourgogne Aligoté. Pour celle-ci, les cours ont bien remonté : « De 550€ la pièce il y a quinze jours, il est dorénavant à 650€ la pièce. Les viticulteurs avaient du stock mais ne souhaitaient pas vendre car le prix leur semblait trop bas; depuis, ils ont plusieurs demandes de négociants prêts à acheter à 650€ », explique Jean-Hugues Jonnier, courtier.
Plus que sur la campagne en cours, c'est finalement beaucoup plus sur celle à venir que l'inquiétude porte : « Selon moi, c'est entre 40 et 50% de la production de Bourgogne qui a disparu, estime ce dernier. Or la moitié des volumes environ est traditionnellement écoulée par le négoce, le reste par la vente « directe ». La part restante au négoce va donc être très petite... ». Pour les courtiers également, le problème d'approvisionnement va être prégnant. Selon Sébastien Bullier, entre 70 % et 80 % de leurs contrats vendanges 2016 seront annulés. « Les domaines qui nous vendent habituellement quelques pièces par an annuleront leur vente. S'ils n'ont que 30 % de leur récolte, ils les garderont pour leur activité bouteille ». L'appellation Crémant de Bourgogne risque en particulier d'en pâtir. Pour être « intéressant » d'un point de vue économique, le rendement autorisé de 78 hl/ha doit être atteint. Un chiffre qui a de fortes « chances » de ne pas l'être. « Les viticulteurs ne seront pas intéressés pour en faire, il y aura un gros impact sur les volumes de Crémants », prédit Jean-Hugues Jonnier.
Ces professionnels craignent par ailleurs, de façon unanime, une envolée des cours, « déjà trop hauts » en Bourgogne. Or qui dit rupture de vins et inflation dit aussi perte de marchés...De l'avis de tous, la campagne 2016-2017, mais également la suivante, pour récupérer les "lignes" perdues, s'annoncent véritablement très « compliquées », pour l'ensemble des opérateurs. « C'est une situation qui ne satisfait personne », conclut Jérôme Prince, président du syndicat des courtiers.