es microbiologistes ont beau affirmer, et répéter*, que la levure de terroir est une vue de l'esprit, le concept a la peau dure pour les partisans des levures indigènes, qui n'en démordent pas. A l'occasion du dixième colloque d'œnologie de Bordeaux, David Mills (professeur à l'Université de Californie-Davis) alimente le débat en proposant « un outil de biogéographie ». Grâce aux dernières technologies de séquençage ADN, il explique en effet que l'un de ses thésards, Nick Bokulich, a mis à jour des critères permettant de différencier les populations microbiennes de raisins et vins issus de deux régions viticoles (par exemple Napa Valley et Central Valley).
Une découverte qui s'apparente à un début de cartographie des terroirs. Du moins de manière comparative entre deux régions données, les résultats étant moins discriminants, et significatifs, quand il s'agit de distinguer plusieurs terroirs en même temps. Si le concept de levure de terroir pourrait sembler renforcé par ces résultats, « les populations microbiennes sont clairement différentes d'une année à l'autre » souligne David Mills. Ce qui met à mal le concept de levures inféodées à un terroir, même si ces évolutions sont toujours de moindre importance que les différences mesurées entre deux régions viticoles.
« Il faudrait une quinzaine d'années d'expérience pour trancher ces questions. Nous n'en avons eu que deux » reconnaît David Mills. Le dispositif expérimental californien présente d'autres limites, comme de ne pas savoir a priori si les micro-organismes échantillonnés sont morts ou vivants (seule la présence de matériel génétique est mesurée), ou d'avoir étudié l'activité de ces organismes sur les processus de vinification (notamment aromatiques).
* : A l'occasion du symposium international d'œnologie de Bordeaux, Raphaëlle Tourdot-Maréchal (Enseignant-chercheur à l'Université de Bourgogne) présente d'ailleurs ce 30 juin une communication intitulée on ne peut plus explicitement : « la levure Saccharomyces cerevisae de terroir ou de domaine n'existe pas !!! »
[Photo : Conférence de David Mills ce 29 juin au Palais de la Bourse de Bordeaux]