es exportations de vins français sont depuis quelques années en perte de vitesse en termes de parts de marchés volume, sur des marchés clés. Lors du VinoBravo 2014, qui s’est tenu le 5 décembre dernier à Dijon, Jean-Philippe Perrouty, du cabinet Wine Intelligence, a cherché des explications, en allant voir notamment du côté de nos amis concurrents espagnols et italiens.
Le premier constat est que les vins français restent trop compliqués pour un consommateur étranger. « On ne va pas tuer les 400 appellations pour simplifier l’offre, mais il faut la rendre plus lisible et décodable », estime le consultant. L’accord mets-vin et les explications liées aux goûts décrits sur l’étiquette, les mots « terroir », « typicité » notamment, ne veulent souvent pas dire grand-chose pour un étranger. L'explication manque souvent de simplicité: « On s’adresse à des consommateur éclairés mais aussi et surtout à des consommateurs normaux », rappelle Jean-Philippe Perrouty. Le rapport qualité-prix, qui en découle, est aussi pointé du doigt : « c’est un critère important, précise le consultant : vont-ils en avoir pour leur argent ? ». Et vu que le produit est mal compris, les consommateurs dans le rayon vin des supermarchés ont sans doute du mal à répondre à cette question. Selon une enquête consommateurs du cabinet conduite aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Chine, le cépage reste le premier critère d’importance lors de l’achat d’un vin. Pour une meilleure compréhension, « Le nom du cépage pourrait donc être inscrit sur la contre-étiquette, même si on est en AOP », propose Jean-Philippe Perrouty.
« Les appellations doivent-elles être nécessairement difficiles à décoder ?» questionne par ailleurs le spécialiste. Pour tenter de répondre à cette question, celui-ci s'est intéressé aux vins espagnols et à leur site internet : « Les facteurs de succès des vins espagnols sont divers : rapport qualité-prix, marques fortes, image pays et gastronomie, mais aussi une gamme lisible, structurée en grande partie sur un critère simple et compréhensible par le plus grand nombre : le vieillissement des vins ». Même constat pour le site internet des vins espagnols : « A partir des mots clés ‘wines of spain’ sur Google, on tombe directement sur un site, en anglais. Le site est tourné vers l’action, l’achat, la vente ». A titre de comparaison, la même recherche sur internet, mais pour les mots clés « wines of France », "n'aboutit à aucun résultat sur Google ! », se désole Jean-Philippe Perrouty. En y ajoutant le mot « website », l’internaute finit par tomber sur la page « vinsdefrance.com ». « Il n’est pas traduit en anglais et renvoie vers le site de l’Inao… C’est un peu aride pour expliquer les vins français à un consommateur étranger !», ironise celui-ci. Côté vins italiens, leurs pizzérias, omniprésentes aux quatre coins du monde, seraient une des raisons du succès de leurs vins. « Les restaurants français sont peu nombreux au Royaume-Uni et souvent hauts de gamme, donc peu accessibles », ajoute le consultant.
Pour la gastronomie comme pour le vin, l’image « France » renvoie donc souvent « au luxe, ou, a minima, au haut-de-gamme, donc à un positionnement des vins sur le ‘spécial’, avec en principe des achats rares ». Un « fossé » se creuse donc entre cette perception et la réalité, « les vins français étant vendus à tous les prix ». « Il ne faut donc pas forcément appuyer sur la notion ‘d’excellence française’ ; le côté trop « haut de gamme » n’est pas bon », conclut celui-ci. Et ce, d’autant plus que le gros des volumes reste absorbé par des consommateurs dits « moyens » ou "normaux". « Au Royaume-Uni, le marché correspondant aux vins vendus à plus de 7£ reste très réduit, rappelle le consultant ; à l’inverse, ceux situés dans la tranche de prix 4£-6£, représentent le gros des ventes dans le pays, et les vins positionnés sur ce créneau marchent bien… ».
Illustration: site wines from spain.uk