Je crois que j'ai fait à peu près toutes les présidences d'instances viticoles de la région ! » s'exclame le vigneron Jean-Bernard de Larquier (domaine Pimbert, familial depuis 1837). Fraîchement élu à la présidence du Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC), il préside le comité régional de l'INAO et la Fédération des Interprofessions du bassin viticole, il a également présidé le Comité National du Pineau des Charentes, ainsi que le Syndicat Général des Vignerons de Cognac. Cheville ouvrière de la fondation de l'Union Générale des Viticulteurs de Cognac, il est d'ailleurs très satisfait de la structuration actuelle de la filière charentaise, avec des syndicats unitaires pour la production et le négoce, « trouvant des accords en leur sein et n'ayant plus que deux positions à concilier au niveau de l'interprofession ». Logiquement, il n'annonce pas un changement de cap dans la présidence du BNIC. Le pari d'une augmentation de 50 % des ventes de cognacs en 2025 est maintenu et pour le tenir, il place sa mandature sous le signe du « renforcement des outils communs qui permettent à chaque famille d'être gagnante : c’est-à-dire que le négoce ait la sécurité commerciale de ses approvisionnements et que le vignoble ait la sécurité de ses écoulements ».
Cet équilibre se veut au cœur du Business Plan de Cognac, même si ce dernier n'est pas encore finalisé, et doit d'ailleurs être révisé (comme à chaque nouvelle mandature). Jean-Bernard de Larquier espère que ce plan stratégique « sera achevé pour la fin 2014. Ce sera au vu des commercialisations*, des évolutions prévues des marchés et de l'état du vignoble que l'on sera amené à juger de la nécessité de planter de la vigne dans les années qui viennent. » Cette orientation n'est pas facilitée par l'absence de cadre national sur les autorisations de plantation, qui n'est pas attendu avant mars 2015, souligne-t-il. Aux charentais se focalisant sur ces 8 000 hectares de vignes supplémentaires annoncées, Jean-Bernard de Larquier répond qu'il ne faut pas se bloquer sur ce chiffre et craindre que la crise de surproduction, qui avait suivi les plantations massives de 1968-1974, ne se répète. Le juge de paix pour éviter de nouvelles erreurs sera la batterie d'indicateurs économiques et impartiaux. Ces fameux outils de pilotage vont permettre « annuellement de vérifier que les marchés ne s'inversent pas de manière trop forte, en comparant les prévisions de ventes à celles réalisées, en observant le mix qualité (proportions de VS, VSOP, XO et au-delà), le coefficient de rotation... Il reste à déterminer quels pourcentages d'écart seront retenus pour déclencher une réaction dans un sens, ou dans un autre. Planter oui, mais à une vitesse qui va au rythme lent du produit de qualité qu'est le cognac. »
Dans la boîte à outils du Business Plan, il y aura également le respect de l'engagement de la production d'atteindre un rendement moyen de 11,66 hectolitres d'alcool pur par hectare les dix prochaines années. Ce projet demande un réel investissement pour redonner un coup de jeune au vignoble charentais. « 10 % des pieds sont improductifs (en y incluant les complants). Nous veillons à ce que le sujet des 8 000 hectares ne démobilise pas les viticulteurs qui doivent s'investir dans la complantation. ». Le négoce soutiendrait ces investissements avec la valorisation des cours et une sécurisation des futures plantations (les achats d'eaux-de-vie seraient contractualisés sur 10 ans pour les nouvelles parcelles). « On partage le risque et la future valeur ajoutée, si demain il y en a » résume le président du BNIC.
* : « Même si le marché s'est un peu tassé, la situation commerciale de Cognac reste encore très enviable » relativise Jean-Bernard de Larquier, allant à rebours des inquiétudes suscitées par le repli des ventes en Asie et soulignant le développement des marchés nord-américains, est-européens et africains (l'Afrique subsaharienne est devenue dans sa globalité le dixième marché export des cognacs).
Crédits photo : BNIC