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« Un jour, il faudra arrêter le travail du sol dans la vigne »
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Agronomie
« Un jour, il faudra arrêter le travail du sol dans la vigne »

Par Juliette Cassagnes Le 31 janvier 2014
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« Un jour, il faudra arrêter le travail du sol dans la vigne »
L
'agriculture et plus encore la culture d'une vigne, qui est une monoculture, appauvrit les sols. Le travail du sol, qui s'est fortement redéveloppé ces dernières années en viticulture, y contribue fortement. Pour Alain Canet, président de l'Association française d'agroforesterie, l'implantation d'arbres dans les vignes, pourrait être une solution d'avenir pour permettre, entre-autres, la restauration de la qualité des sols viticoles et de la ressource en eau.

« Le travail du sol, c’est la mort de toutes les agricultures... Un jour, je ne sais pas quand ni comment, il faudra l'arrêter dans les vignes » estime Alain Canet*, président de l’Association française d’agroforesterie. « Cela me paraît absolument nécessaire pour remettre en route l’activité biologique dans nos sols viticoles ».

Pour de nombreux experts, le travail du sol répété, que ce soit en grandes cultures ou en viticulture, a en effet pour conséquence d’appauvrir celui-ci. D’abord à cause de l’érosion, qui est un véritable « drame », selon ce dernier. Ensuite, parce qu’il empêche le stockage du carbone normalement permis par la photosynthèse, dans des proportions très importantes : « l’équivalent de la moitié de ce qu’on devrait stocker tous les ans en France en carbone est évacué par le travail du sol, dans tous les types de cultures », poursuit celui-ci. Or le carbone permet d’indexer de l’eau, de la matière organique, de l’activité biologique et de l’azote et les sols viticoles ont, selon lui, « un grand besoin de recapitaliser en carbone ».

Le travail du sol implique également sa déstructuration : « A chaque fois que l’on passe un outil, on fait souffrir le sol ! On casse la maison-mère, celle des vers de terre ; or ils jouent un rôle clé », rappelle Alain Canet. La plupart du cycle de l’azote passe en effet par le tube digestif des vers de terre. Pour lui, un sol est « un poumon qui respire, qui injecte de l’air et qui fixe l’azote ». Les lombrics ont aussi pour rôle, grâce aux galeries qu’ils creusent, de créer un chemin pour le passage et l’exploration des racines de la plante. Donc pour que la plante soit bien enracinée, en profondeur, et qu’elle aille chercher ce dont elle a besoin, ce premier travail créé par les vers de terre est essentiel. De plus, les racines sont elles-mêmes un « cortège de microbes, bactéries et mycorhizes, avec une fixation multipliée par 10 ou 15 quand il y en a ». « Or malheureusement, à chaque fois qu’on touche les trois premiers centimètres d’un sol, on détruit les galeries des vers de terre, qui sont la base des cycles essentiels de la fertilité du sol » déplore celui-ci… « Beaucoup de viticulteurs reconnaissent que cela coûte très cher de toucher à la fertilité des sols ».

Les viticulteurs doivent donc avoir en tête que la vie du sol « se joue dans les quatre premiers centimètres » et que celui-ci doit être nourri en matière fraîche « absolument tous les jours ». Se basant sur le postulat qu’une plante ne peut être en bonne santé que si le sol est lui-même nourri et en bonne santé, arrêter le travail du sol représenterait même « un pilier pour arrêter un certain nombre de traitements ».

Un exemple de viticulture agroforestière, ici au domaine de Restinclières (Hérault)Un exemple de viticulture agroforestière, ici au domaine de Restinclières (Hérault). (©Agroof)Pour améliorer la vie des sols viticoles, Alain Canet reste convaincu que l’un des moyens serait d'implanter des rangées d’arbres ou de haies, associées à des couverts végétaux, dans les parcelles de vigne... Une solution  plus communément appelée « l’agroforesterie de troisième génération », qui s'adapte aujourd'hui à la mécanisation (voir encadré). Le principe de base restant que le sol doit toujours être couvert et avoir une plante « la plus grande possible ». Même si beaucoup de questions subsistent sur l’impact que pourrait avoir une telle pratique sur la vigne, notamment en termes de concurrence hydrique et d’ensoleillement, celui-ci est persuadé que les vignerons doivent plus « s’inspirer » de l’écosystème de l’arbre. « On a beaucoup plus de production de biomasse et de biodiversité dans une forêt, sans qu’aucun intrant (engrais, phytos) ne soit amené ! », explique-t-il.

L’arbre non pas un intrus mais un intrant

Pour aller plus loin...

L’agroforesterie innovante d’aujourd’hui (dire de « 3ème génération ») repose sur toutes les formes d’association entre arbres et production végétale et/ou animale sur une même parcelle (alignements forestiers, haies, bordures de chemins, de parcelle, de cours d’eau (végétation qui se développe spontanément), bandes enherbées, couverts végétaux)…En fonction des objectifs recherchés, les aménagements peuvent prendre des configurations diverses.

Elle s’inscrit ainsi dans une optique plus large de changements des pratiques agricoles vers une réduction du travail du sol et de l’utilisation d’intrants chimiques. Chaque parcelle agroforestière doit être adaptée à la situation. Voir un aménagement possible grâce à la photo en bas de l'article.

Mises côte à côte, ces deux plantes seraient complémentaires et non concurrentes : « Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des champs à explorer, des demandes, des besoins et que des interactions existent entre les arbres et la vigne », indique t-il. L'une d'entre elles se faisant grâce aux mycorhizes : par leur système racinaire, certains arbres sont par exemple capables « d’injecter » une quantité importante de matière organique dans les sols. 

Autre exemple : certaines espèces sont aptes à produire de l’eau, ce qui pourrait être utile à la croissance de la vigne... La complémentarité passe également par la biodiversité qu’ils hébergent, qui « pourrait être régulatrice de certains prédateurs de la vigne » et permettre de «  retrouver un équilibre ravageurs-auxiliaires ». D’une façon générale, Alain Canet estime en effet qu’« il faut mettre un peu plus de diversité dans les écosystèmes vigne, car cela reste un pilier important du développement durable ». L’implantation d’arbres permet aussi, dans un contexte de changement climatique, de protéger les cultures des « coups de chaud ou de froid », du vent, ou encore de protéger le sol de l’érosion.

En résumé, l’arbre « doit être perçu non pas comme un intrus, mais comme un intrant, déclare celui-ci. Il prend un peu de place mais il apporte pas mal de choses ; du point de vue agronomique, il amène un certain nombre de services ».  

Aménagement agroforestier en viticulture. (©Alain Canet) 
*Alain Canet, président de l'association française d'agroforesterie, qui s'occupe de réarbrement des campagnes en France, est intervenu lors du colloque « Premières assises du Sud-ouest » organisé par l'Ifv. A lire prochainement, sur le même sujet : « L'agroforesterie et la vigne, état des lieux des recherches et des connaissances actuelles » « L'agroforesterie, exemples de domaines qui y sont passés »
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Tous les commentaires (14)
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Barraud Denis Le 17 avril 2020 à 08:19:25
Bonjour, j'ai 1ha 60 de vignes plantés de 0,90 a 1m10 de larges, 8000 pieds ha. Les arbres sont compliqué pour moi. Dans des sols argilo-calcaire, quels couvert me conseillez vous? Cordialement. Denis Barraud
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Camille MALARD Le 21 janvier 2018 à 21:08:16
Article bien construit. C'est un système de production que nous mettons en place chez nous au Clos Sainte Pauline dans l'Hérault, mais c'est aussi une pratique que je propose à d'autres vignerons qui le souhaitent, (implantation d'engrais vert, concept de permaculture, légumineuse crucifère, graminée, plus de labour et plus d'intrant organique a partir de la 2° année d'implantation). Des sols qui restent meuble, utilisation du Rolofaca pour coucher le semi et ainsi éviter l'évapotranspiration de moitié, cela se traduit par des sols plus vivant (vers de terre...mychorise...) une flore maitrisée ( pas de stress hydrique car roulé au mois d'avril ) et un apport azoté par le bulbe des légumineuse. Une vie microbienne qui se restaure progressivement, un sol qui se recarbonne et qui arrive a stocker de la matière organique. Concept et photos sur http://www.cropsservices.com ( PermaVitis ). Nous produisons donc nos vins Nature ( sans déviance ) , Sans sulfite ajoutés et en production Permaculture depuis deux ans. ( Clos sainte Pauline - Paulhan 34230 )
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Alexis Le 09 décembre 2017 à 12:30:35
J ai des vignes près de haie et j ai de gros problèmes avec les oiseaux qui ce servent de arbres comme perchoir et viennent manger tout les raisins. Je serai favorable aux arbres dans les parcelles c'est une bonne chose agronomiquement si il y a des solutions pour éviter les ravages des oiseaux ou autres bêtes blaireaux et sangliers
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Mohamed Le 18 décembre 2016 à 20:36:37
Beaucoup ''ignorent'' que le système racinaire superficiel d'un arbre '5cm' est presque seul spécialisé dans l'absorption des nutriments. Le reste en profondeur absorbe l'eau seulement. Si on 'renverse les trois premiers centimètres du sol, on ruine tout. Autre chose, une couverture végétale du sol reste une solution contre l'évapotranspiration en saison chaude. Merci.
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PEDRENO REMY Le 02 septembre 2016 à 18:16:38
L'étude sur l'agroforesterie et la vigne est-elle sortie ? D'avance grand merci ! Domaine Roc d'Anglade
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joseph machado Le 30 août 2016 à 02:28:41
I love vitisphere
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Lentz michel louis Le 30 août 2016 à 01:04:52
Superbe article !
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Nico Le 29 août 2016 à 18:47:46
Merci pour cette article. Je cultive la vigne en Champagne. Je n'utilise plus de désherbant et aucun labour ou intercep! La biodiversité qui est apparu dans les vignes me laisse à penser que c'est la bonne voie . De plus pour l'instant aucune concurrence n'est à voir entre "l'herbe" et la vigne. À voir avec le temps!
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franckDub Le 29 août 2016 à 13:34:48
Cet article très intéressant rejoint l'opinion de quelques agronomes et conseils pour l'agriculture sans pesticides dont Claude et Lydia Bourguignon. Pour en savoir plus sur la précieuse vie du sol et du sous-sol anéantie par les pesticides, lire le solide ouvrage (472 p.) « Agriculture biologique, une approche scientifique » de Christian de Carné-Carnavalet, ingénieur conseil en AB, préface de Claude et Lydia Bourguignon, Editions France Agricole, 2011. Franck Dubourdieu www.bordeauxclassicwine.fr
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Jules Le 29 août 2016 à 11:02:07
"certaines espèces sont aptes à produire de l’eau"... En êtes-vous certain ? Des arbres produisant de l'eau ? A partir de quoi ? de l'air et du soleil ?
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Gabman Le 29 août 2016 à 08:22:19
C'est instructif et cohérent sauf que les viticulteurs ne plantent pas d'arbre ils les enlèvent. Un cep rapporte quitte à ce que ce soit avec des traitements un arbre non en terme financier
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ADAM Le 11 mars 2016 à 06:52:10
Il est bon de constater que les solutions vertes sont de moins en moins stigmatisées. L'enjeu est de taille : la VIE de nos sols.
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Max Le 09 août 2015 à 18:51:43
Bonjour a tous, Je trouve cette article plein de bon sens. Future vigneron avec ma femme dans le languedoc roussillon, nous aimerons produire des vin NATUREL, alors cette article est une aubaine. Amoureux de notre terre auvergnate ou les hectares de céréale et de fourrage remplie le paysage. Le climat et le manque de vigne nous amène à quitter de région. Ou pourront nous trouver plus d'imformations sur cette pratique et technique. Plein de question nous trote dans la tête. Merci et chapeaux.
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maurice Le 05 mai 2015 à 18:30:40
Enfin un raisonnement qui tiens la route!
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