n l’absence d’inondations, de gelées, de sécheresse persistante et de pression sanitaire durant la saison 2025, l’Afrique du Sud entrevoit une production potentiellement supérieure aux 10,2 millions d’hectolitres récoltés pour le millésime 2026. La deuxième prévision de récolte publiée ce 10 décembre par l’organisme professionnel South Africa Wine confirme que la trajectoire positive amorcée en 2025 devrait se poursuivre en 2026. Cela, malgré une contraction des superficies, passées à 86 544 hectares, et le vieillissement progressif du vignoble.
La restructuration amorcéeLa restructuration du vignoble est, en effet, bel et bien en marche, comme en témoigne Rianco Van Rooyen, directeur de la cave coopérative Robertson Winery dans la Breede River Valley. « Nous remplaçons les vieilles vignes par un meilleur matériel végétal. Globalement, la superficie de notre vignoble progresse, avec un gain net de 25 à 30 hectares par an ». Elaborant environ 380 000 hectolitres chaque année sur une superficie de 2 400 ha, la cave doit donc accompagner cette croissance : « Suite à une hausse de 5 % de nos superficies, nous agrandissons nos installations, notamment pour accueillir davantage de vins blancs, les rafraîchir aussi. En agrandissant la cuverie, notre objectif est également de gagner en efficacité et d’augmenter la capacité dédiée aux rouges ». Rencontré lors de la World Bulk Wine Exhibition à Amsterdam fin novembre, Rianco Van Rooyen tablait alors sur une hausse d’environ 15 à 20 % de la production en 2026 : « Ce sera probablement une récolte record ». Si les conditions climatiques au cours des prochaines semaines resteront déterminantes, l’échéance se rapproche : « Nous commencerons à vendanger dès la troisième semaine de janvier », précise-t-il.
Le marché africain dynamiqueSur le plan commercial, la dynamique est tout aussi favorable : « Tous nos vins sont déjà sous contrat. Nous devrons sans doute commencer à mettre les vins de la nouvelle récolte en bouteille dès le mois de mars ». Commercialisant ses vins sous sa propre marque ainsi que sous des marques de distributeurs sur des marchés clés comme le Royaume-Uni et la Scandinavie, la Robertson Winery bénéficie surtout d’une belle implantation en Afrique : « 85 % de nos volumes sont vendus en Afrique du Sud et dans les pays voisins, notamment la Namibie et le Botswana où la croissance est solide ». Un avantage non négligeable alors que les Etats-Unis appliquent désormais 30% de droits de douane aux importations sud-africaines.
Innovation techniqueL’innovation constitue l’un des autres piliers de sa stratégie commerciale : hormis un portefeuille de produits aligné sur les tendances actuelles (vins sans alcool et allégés en alcool, bulles, cocktails à base de vin…), la coopérative a lancé cette année ce qu’elle qualifie de « première bag-in-box entièrement recyclable au monde ». Chaque composant est recyclable et ce, sans séparation préalable. Première entreprise productrice de sauvignon blanc en Afrique du Sud, la cave investit également dans des panneaux photovoltaïques et un forage pour lui permettre d’être plus autonome en énergie et en eau. Une démarche hautement stratégique dans un pays qui souffre d’un réseau électrique défaillant et d’épisodes de sécheresse prolongés.
Recours aux importationsLa Robertson Winery illustre à la fois la dynamique actuelle de la filière vitivinicole sud-africaine et la dichotomie entre un positionnement historiquement axé sur le rapport qualité-prix et la nécessité de poursuivre une stratégie de premiumisation. « Cette année, nous avons importé environ 8 millions de litres. D’autres caves ont fait de même pour maintenir des prix équitables et pérennes », explique Rianco Van Rooyen. « Certaines caves retenaient des vins pour faire monter les prix, alors nous avons importé ». Résultat : « A l’heure actuelle, beaucoup de caves sont pleines, surtout de vins secs génériques ». Florian Ceschi, directeur de Ciatti Europe, confirme ses dires sur le premier point : « l’Afrique du Sud, qui était encore récemment plutôt un pays exportateur net, se met à importer, notamment des génériques d’Australie et peut-être même de Californie ».
Dans un communiqué, le directeur de South Africa Wine, Rico Basson, insiste sur l’importance d’une « bonne récolte qualitative dans les dix régions viticoles » en 2026. Un élément qu’il juge « vital pour renforcer la compétitivité de la filière à long terme. Avec un ratio national entre les stocks et les ventes de vin à l’équilibre, le secteur est mieux placé pour saisir les opportunités du marché. Il est essentiel de continuer à réinvestir de manière ciblée dans les vignobles et les caves afin de garantir l'approvisionnement futur et de maintenir la dynamique positive acquise grâce à des saisons consécutives stables ». Dans un contexte mondial en recomposition, cette stabilité retrouvée offre à la filière vitivinicole sud-africaine l’occasion d’accélérer sa transition vers des modèles plus résilients, après des années de tension.




