ontre toute attente, la récolte cette année outre-Rhin ne dépassera pas 7,3 millions d’hectolitres, soit un recul de 7% par rapport à l’an dernier et de 16% comparée à la moyenne décennale (8,7 Mhl). En cause : une diminution significative des volumes dans les quatre principales régions productrices que sont la Hesse rhénane (-23%), le Palatinat (-18%), le Bade (-15%) et le Wurtemberg (-22 %) due aux petites baies et surtout à un tri sévère suite aux précipitations en septembre. Un bilan compliqué pour les vignerons à titre individuel, mais peut-être une aubaine au niveau macroéconomique.
Demande inattendueEn effet, la filière allemande ne reste pas en marge d’un mouvement généralisé au niveau européen et international vers la réduction du potentiel de production. La crise viticole allemande se faisant entendre de plus en plus fort, ses politiques ont porté leurs demandes devant le Conseil de l’Agriculture et de la Pêche du Conseil Européen fin septembre. « Ce que nous demandons, c’est une boîte à outils avec des mesures de crise comme la vendange en vert – qui n’est pas encore pratiquée en Allemagne mais pourrait servir en cas de forte récolte – la distillation et l’arrachage », explique Christian Schwörer, le secrétaire général de l’Association Allemande des Viticulteurs (DWV). Si ces revendications s’inscrivent dans la droite ligne de plusieurs demandes nationales au sein de l’Europe, celle d’un arrachage pan-européen, formulée par la délégation allemande, a de quoi surprendre, d’autant plus qu’elle ne fait pas l’unanimité au niveau européen, loin de là. « Pour notre part, nous l’avons demandée au niveau national », précise Christian Schwörer. « Nous avons appris trois jours avant la réunion du Conseil par la voie des associations européennes que l’Allemagne avait déposé cette demande et nous avons été plutôt surpris. Comme apparemment il n’y a pas de financements nationaux, la délégation allemande a demandé à Bruxelles ».
De guerre lasseEn réalité, la filière allemande privilégie des mesures moins définitives que l’arrachage. « Notre priorité, c’est la jachère tournante parce qu’on a toujours l’espoir qu’au bout de huit ans, la situation aura évoluée. Or, avec l’arrachage définitif on perd les droits de plantation. Clairement, l’arrachage est notre plan B, mais s’il n’y a pas de jachère tournante, il y aura de l’arrachage, notamment pour ceux qui veulent quitter la profession », insiste le secrétaire général de la DWV. A l’heure actuelle, les économistes allemands estiment que jusqu’à 30% des superficies pourraient être concernées par des mesures de réduction du potentiel de production. « Nous espérons que ce scénario ne se produira pas, mais si on considère la baisse continue de la consommation et les mouvements démographiques, ce scénario est réaliste ». Quoi qu’il en soit, c’est l’absence d’intervention des autorités allemandes qui exacerbe la crise outre-Rhin. « Les producteurs attendent des mesures pour pouvoir prendre des décisions, que ce soit la jachère tournante ou l’arrachage ». De plus, au-delà des difficultés économiques, cette situation commence à poser des problèmes au niveau sanitaire : « Les responsables régionaux parlent de 7 à 10% des parcelles qui sont laissées à l’abandon », confirme Christian Schwörer, qui déplore la lenteur de la prise de décision : « Cela fait deux ans et demi qu’on demande la jachère tournante. Tout le monde dit que c’est une bonne mesure, qui va dans la bonne direction, mais qu’il n’y a pas de financements pour. C’est pour cela qu’on est arrivé à l’arrachage ».
Le financement, le nerf de la guerre
Inévitablement, le financement se trouve au cœur du débat. « Nous demandons d’avoir une prime de 3 000 euros à l’hectare via les éco-régimes. Ce montant se base sur les calculs réalisés par nos experts économiques qui estiment les coûts fixes entre 2 700 et 2 800 euros/ha. Le montant vise aussi à inciter les producteurs à pratiquer cette mesure ». Une demande qui rencontre une fin de non-recevoir de la part des autorités allemandes : « Elles estiment que la somme est importante et que d’autres cultures n’en bénéficient pas ». L’argumentation de la DWV pointe le reliquat important de l’enveloppe de 80 millions d’euros prévue pour la viticulture sans pesticides et les bandes fleuries : des mesures qui n’ont pas suscité l’adhésion des producteurs, d’un côté parce que « le danger est trop grand », de l’autre car la prime ne s’avère pas très élevée. « Sur les 80 millions d’euros prévus pour ces deux mesures, on n’en a utilisé que 12 millions. Plus de 60 millions ont été utilisés par d’autres cultures. Comme il n’y a pas de viticulture dans tous les Länder, notre demande de pouvoir récupérer cet argent n’a pas été approuvée ».
La DWV entend de nouveau adresser un courrier au ministre pour solliciter la mise en œuvre des mesures demandées, l’ayant déjà rencontré à plusieurs reprises ces derniers mois. En amont de son congrès début décembre, l’association réclame « un plan que l’on peut donner à nos membres. Au mois de janvier, nous organisons toujours des rencontres vitivinicoles dans les régions et il faut que l’on puisse présenter quelque chose ». Le paquet vin n’étant pas encore terminé et les mesures ne générant pas d’effets immédiats, la DWV exhorte les pouvoirs publics à « proposer quelque chose de concret aux vignerons » vu la gravité de la crise.



