uivant son cours, l’examen à l’Assemblée du Projet de Loi de Finances pour 2026 (PLF) valide notamment des dispositifs de soutien au vignoble, dont l’avenir législatif reste aussi incertain que ce texte budgétaire, mais qui témoignent d’un désir parlementaire de soutien à la filière en pleine crise. Lors de la première séance du vendredi 14 novembre, les députés ont ainsi adopté 6 amendements sur la transmission familiale des baux à long terme pour autoriser « le transfert de l’obligation de conservation fiscale lors d’une donation à un descendant sans perte d’exonération, afin d’adapter le régime des baux à long terme à la réalité des successions familiales toujours plus tardives (l’âge moyen où l’on hérite de ses parents dépasse 50 ans) » explique la députée Sandra Marsaud (Charente, Ensemble Pour la République).
Ce qui doit « permettre au bénéficiaire d’une première transmission de procéder à son tour à une nouvelle donation à la génération suivante » résume le député Charles de Courson (Marne, Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), et ce « tout en maintenant l’obligation de conservation sur la tête du bénéficiaire de cette nouvelle donation, tandis qu’actuellement, il n’est pas possible de transmettre l’obligation de conservation. Le dispositif de soutien fiscal conserve pleinement son objectif, qui est de favoriser la stabilité des exploitations et des terres agricoles qui en sont le support. » Ces six amendements « ont été élaborés avec la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin AOC (CNAOC) » précise le député Jean-René Cazeneuve (Gers, Ensemble Pour la République), ajoutant qu’« au sein d’une même famille, la double transmission peut se présenter car du fait de l’augmentation de l’espérance de vie, l’âge moyen auquel nos concitoyens héritent est de plus en plus tardif. Il faut vraiment stabiliser les successions au sein de ces familles et pour cela faciliter sur le plan fiscal cette continuité d’activité. » Des arguments qui n’ont pas convaincu David Amiel, ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l'État, qui affirme l’opposition du gouvernement en jugeant « important de conserver l’obligation de conservation pendant cinq ans du bien par le donataire ».
« Arrêtons de défiscaliser ceux qui possèdent d’immenses patrimoines ; ils représentent à peine 1 % du monde agricole » lance, durant le débat, le député Dominique Potier (Meurthe-et-Moselle, Parti Socialiste) annonce l’opposition de son groupe politique : « si nous voulons favoriser le renouvellement des générations, aider le commun des paysans et en particulier les jeunes agriculteurs, il faut y consacrer des moyens plutôt que de les employer à défiscaliser de tels montants. Au lieu de financer 100 millions d’euros de défiscalisation, nous pourrions augmenter de 5 000 euros la Dotation Jeunes Agriculteurs (DJA). » Pour le député, « faisons des choix clairs en faveur de la solidarité et de l’esprit d’entreprise et non de la rente, du patrimoine et du capital ».
Des arguments rejetés par le député Jean-Paul Matteï (Pyrénées-Atlantiques, Mouvement Démocrate), qui défend des amendements amenant « à instaurer des dispositions similaires à celles du pacte Dutreil. Je sais bien que celui-ci est critiqué, cependant il ne s’agit pas seulement de grands patrimoines mais d’entreprises. Je ne vois pas pourquoi le foncier agricole est plus maltraité que les biens d’entreprises. » Le notaire de Pau pointant que « dans le cadre du pacte Dutreil, cette double transmission est possible dès lors que le donataire reprend les engagements. Ces amendements tendent donc à aligner le dispositif pour la transmission du foncier agricole sur ce qui existe déjà en matière de transmission d’entreprises. »
Elargissement d’exonération
Six autres amendements adoptés ouvrent l’exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les biens ruraux donnés à bail à long terme dans le cas des sociétés. « L’article 793 bis du Code général des impôts, dans sa rédaction actuelle, impose une conservation en nature du bien transmis, sans tenir compte de l’évolution croissante de la gestion agricole au travers des structures sociétaires, notamment les groupements fonciers agricoles (GFA), les sociétés de droit commun et les sociétés d’exploitation agricoles, civiles ou sous forme commerciale » détaille le député Hubert Ott (Haut-Rhin, MoDem) pour qui « il est souhaitable de permettre, pendant la durée d’engagement de conservation, l’apport pur et simple des biens transmis à une société, à condition que l’objet social de cette dernière soit strictement limité à la propriété ou à l’exploitation de biens agricoles et que l’engagement de conservation se trouve transféré de plein droit sur les parts reçues en contrepartie. »
Durant cette séance, le dispositif de Déduction pour Épargne de Précaution (DEP) a également été amendé pour « réviser la valeur des stocks soumis au régime réel d’imposition. Le produit de la vente du stock resterait imposable, mais seulement l’année de la transaction » explique le député Éric Martineau (Sarthe, MoDem), ajoutant qu’« il s’agit ainsi d’éviter qu’une partie de la fiscalité des exploitations agricoles soit fonction de stocks dont la valeur augmente faute de vente, ce que les exploitants demandent. La disposition permettrait également d’aider les viticulteurs. » Une évolution portée par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) indique le député Jean-René Cazeneuve, afin d’autoriser « le cumul du blocage des stocks, qui empêche la progression de leur valeur virtuelle, et le mécanisme d’étalement des revenus exceptionnels. Cette mesure soutiendra nos agriculteurs et nos viticulteurs. » Ce qui semble être un constat transpartisan : « compte tenu des aléas climatiques et des crises de marché que subit le secteur viticole, l’amendement nous a paru pertinent » déclare le député Dominique Potier pour le groupe socialiste. Ce qui laisse circonspect le gouvernement : « le blocage de la valeur des stocks a été conçu pour prendre le relais de l’étalement des revenus exceptionnels, dans les cas où ce deuxième dispositif se révèle inefficace. Ils ne sont pas censés être cumulés » indique le ministre délégué, David Amiel.
Cinq autres amendements ont relevé de 150 à 250 000 € le plafond pluriannuel de la DEP. « Cette mesure présente l’intérêt de réévaluer un montant déterminé il y a quinze ans, dans le cadre du dispositif de déduction pour aléas (DPA) et qui a été repris sans actualisation lorsque la DEP a été créée » explique le député Vincent Descoeur (Cantal, Les Républicains). « Nous souhaitons relever le plafond pluriannuel de la DEP, ce qui permettrait de lisser la réponse aux aléas climatiques, devenus très nombreux » abonde la députée Marie-Christine Dalloz (Jura, Les Républicains). « Le plafond pluriannuel de la DEP des groupements agricoles peut déjà être majoré, pour atteindre 600 000 euros » rétorque David Amiel, notant que « pour les autres exploitations, ce plafond n’a jamais évolué, mais les amendements tendent à l’augmenter de 65 %, c’est-à-dire d’un taux bien supérieur à l’inflation constatée depuis 2019 » et la création du DEP. « Nous pourrons continuer à travailler sur ce dispositif dans le cadre de la navette parlementaire mais, dans l’attente, mon avis est défavorable » indique le ministre délégué. La suite au prochain épisode parlementaire.




