’est un équipement convoité. Dans les trente-quatre Cuma viticoles du Maine-et-Loire, le filtre tangentiel ressort comme le matériel de cave le plus commun avec 18 machines en tout, loin devant les groupes d’embouteillage. Celui de la Cuma du Lattay, à Saint-Lambert-du-Lattay, est même davantage utilisé que les matériels viticoles tels que le broyeur ou les effeuilleuses. « Quinze de nos vingt adhérents ont recours au tangentiel », précise Laurent Blouin, président de la structure, également à la tête du Domaine des Hardières et salarié chez Ackerman.
Cette Cuma en est à son troisième filtre tangentiel, un FX3 de Bucher Vaslin acquis neuf en 2021 grâce à une subvention de 30 % octroyée par FranceAgriMer. Un investissement de 67 325 € HT, le plus important de la Cuma, après la tour antigel. « Avec cet équipement, nous filtrons environ 7 500 hl/an », rapporte Laurent Blouin.
À titre personnel, ce vigneron est engagé à hauteur de 100 hl/an de parts sociales, bien moins que son employeur, lui aussi membre de la Cuma, qui filtre dix fois plus. « Pour prendre des parts sociales, chaque vigneron s’engage sur un volume pour un coût de 2 €/hl », explique-t-il. À cela s’ajoute le coût d’utilisation, variable selon les années. « L’an dernier, nous étions à 0,90 €/hl. S’il y a de grosses révisions, le tarif augmente. De même quand la récolte est petite », précise Laurent Blouin.
Côté emploi, les choses sont bien rodées. L’outil est partagé selon un calendrier reconduit quasiment à l’identique chaque année, avec des jours de battement pour gérer les urgences. Le dernier utilisateur apporte le filtre au suivant et, en période creuse, l’appareil est stocké chez le responsable du matériel.
À la Cuma de Chançay, en Indre-et-Loire, les vignerons utilisent un agenda en ligne proposé par la fédération. « Il suffit de s’inscrire sur l’application mobile My Cuma Planning, précise le président Guillaume Paris, vigneron à la tête de 11 ha au Domaine Paris. C’est très pratique, même si cela implique un abonnement payant. »
En 2016, la Cuma a acquis un FX3 de Bucher Vaslin, en remplacement de son ancien filtre à terre. Un choix largement approuvé puisque quinze des dix-neuf adhérents ont pris des parts dans ce nouvel équipement. « C’est beaucoup plus simple d’utilisation que le filtre à terre », poursuit Guillaume Paris. Malgré cela, pour s’en servir, les adhérents ont dû suivre une formation dispensée par Bucher Vaslin.
En moyenne, cette Cuma filtre environ 11 000 hl par an. Guillaume Paris, lui, y passe entre 200 à 400 hl selon les années. « La part sociale, versée une seule fois par l'adhérent, est fixée à 1,36 €/hl, indique le président. Le coût d’utilisation varie entre 0,80 et 1,50 €/hl. Cette année, après une grosse révision, nous sommes à 1,10 €/hl. C’est bien moins cher que les prestataires. Et, l’an prochain, sans panne ni entretien, nous espérons descendre à 0,40 €/hl car la machine sera amortie. »
Le système montre toutefois ses limites lors des années maigres. « Certains se sont engagés sur 250 hl de parts sociales mais n’ont filtré que 40 hl, à la suite d’épisodes de gel ou d’attaques de mildiou. Et nos charges fixes peuvent paraître lourdes à ceux qui filtrent très peu », reconnaît Guillaume Paris.
Pour le nettoyage du filtre, ces deux Cuma misent sur la responsabilité de chacun. « Après une filtration, un cycle de nettoyage s’enclenche, explique Laurent Blouin. Si l’indice de propreté affiché n’atteint pas 100 % à la fin de ce cycle, l’adhérent doit effectuer un nouveau lavage. » Ce qui n’empêche pas les vignerons de prendre leurs précautions. « Avant d’utiliser un filtre, on le désinfecte selon le programme prévu par le constructeur ainsi que les vannes d’entrée et de sortie, chacun avec ses propres produits », ajoute Guillaume Paris. Jusqu’à présent, aucune contamination en levures ou en bactéries n’a été signalée dans les deux Cuma.
Même engouement à la Cuma œnologique du Gaillacois. « Jusqu’alors, les embouteilleuses étaient le matériel le plus utilisé. Dorénavant, ce sont les tangentiels car, vu la conjoncture, les mises en bouteilles sont en chute », indique Fabien Pendaries, responsable technique de cette Cuma qui possède deux tangentiels acquis par 90 des 130 adhérents.
Lucas Merlo, propriétaire du Domaine Laubarel de 10 ha à Gaillac, les utilise depuis qu’il s’est installé il y a dix-sept ans. « Je filtre environ 250 hl par an, surtout les vins blancs et rosés secs et les presses de rouge, détaille-t-il. J’accède à un matériel de pointe que je ne pourrais pas acheter en tant que petit producteur. Cette année, les presses étaient chargées. Je viens de les filtrer. Au nez, c’est net et on conserve bien le fruit. Je n’aurais jamais réussi à les filtrer sur un filtre à plaques. Et c’est beaucoup moins cher qu’une prestation. » Filtrer mieux tout en dépensant moins : de quoi ravir les petites structures en ces temps difficiles.
Depuis le 15 septembre, l’un des adhérents de la Cuma de Saint-Lambert-du-Lattay est en redressement judiciaire. « Il a pris environ 1 000 hl de parts sociales sur le filtre tangentiel. Pour le moment, on essaie d’être solidaire. On ne lui demande pas de régler ses arriérés de paiement. Mais, dorénavant, sur les conseils de notre comptable, on transmet des factures tous les mois au mandataire chargé du redressement et on lui adresse un devis pour validation à chaque nouvelle prestation que l’adhérent demande. »


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