ans un vieux vignoble morcelé comme la Champagne, « 30 ares par parcelle en moyenne, c’est déjà assez important », reconnaît Laurent Liébart, installé avec sa femme Valérie et leurs filles Alexandra et Marion sur 11 ha de vigne répartis sur 35 parcelles qui vont de 2 ares à 1,16 ha. « Ici, une parcelle de 30 ares peut avoir huit à dix numéros cadastraux ! », ajoute-t-il.
Basés à Baslieux-sous-Châtillon, ces vignerons indépendants ont des vignes sur deux sites de part et d’autre de la Marne, à Baslieux et Vauciennes, que leurs familles cultivent depuis sept générations. « Ces sites sont distants de 15 km mais, sur chacun d’eux, les parcelles sont regroupées dans un rayon d’un kilomètre, reprend Laurent Liébart. C’est une dispersion faible pour la Champagne car, au fil des ans, nous avons échangé de nombreux terrains. Nous avons ainsi organisé le parcellaire pour faciliter et mécaniser le travail. À Baslieux, en particulier, des aménagements collectifs ont été réalisés grâce à une ASA (Association syndicale autorisée) pour lutter contre l’érosion et le ruissellement et pouvoir circuler plus facilement. »
Côté terroir, les deux sites se complètent. « À Vauciennes, les sols sableux et calcaires sont plus chauds et plus réactifs aux pluies qu’à Baslieux, observe le vigneron. Malgré son exposition nord, ce secteur est plus précoce que Baslieux, qui est exposé Sud/Sud-Est, mais sur des sols argilocalcaires plus lourds et tardifs. » Sur les deux sites, certaines vignes sont accidentées : pentes, dévers, pierres…
Huit cépages s’y épanouissent, une rareté en Champagne où 99 % de l’encépagement se partage entre le chardonnay, le meunier et le pinot noir. La famille Liébart a réintroduit tous ceux autorisés par l’appellation. En conjuguant la diversité de ses terroirs et de ses cépages, elle compose onze cuvées dont cinq parcellaires qui racontent toutes une histoire. « En 2008, nous avons planté 4 ares de petit meslier, d’arbane et de pinot blanc au milieu d’une parcelle de chardonnay, relate Laurent Liébart. Nous avons d’abord tout vinifié ensemble, puis nous avons vinifié séparément le petit meslier avec l’aide de notre œnologue-conseil. Le résultat nous a plu et nous en avons planté une parcelle de 40 ares d’où nous tirons la cuvée L’Enclos. »
Une autre cuvée valorise une parcelle complantée à parts égales avec ces trois cépages sur l’ancien potager familial. En référence à l’histoire de ce terrain, nommé Les Jardins, cette cuvée s’appelle Horti.
Les vignes les plus anciennes – du pinot noir planté en 1964 au lieu-dit Les Grès –, sont également vinifiées à part. Enfin, un 100 % chardonnay baptisé Blancs de Blanche fait honneur à Blanche de Castille, les vestiges millénaires de son château bordant la parcelle dont il est issu. Ces parcelles chargées de petites ou grandes histoires sont vinifiées séparément. « Mais nous ne mettons pas les vins en bouteille chaque année, précise Laurent Liébart. Nous faisons parfois vieillir la vendange un an de plus pour assembler deux millésimes d’une cuvée parcellaire. »
Après le petit meslier, l’arbane et le pinot blanc réintroduits en 2008, Laurent Liébart a planté deux rangs de pinot gris en 2018 « pour voir ». Le trouvant trop fragile à cause de sa peau très fine, il en est resté là. Récemment, il a planté vingt-cinq pieds de voltis par curiosité, un nouveau cépage tolérant au mildiou et résistant à l’oïdium, autorisé à l’essai par l’Inao pour dix ans. Avec le chardonnay, le pinot noir et le pinot meunier, le domaine compte huit cépages.