tablir des chiffres précis s’avère d’autant plus difficile cette année que le secteur vitivinicole espagnol constate un retard d’une à deux semaines de la véraison par rapport à l’année dernière. Les différents aléas climatiques et attaques de mildiou conjugués aux dégâts causés par la faune sauvage (lapins, sangliers et même escargots) sont venus s’ajouter à la menace persistante de sécheresse. Toutefois, cette année, des précipitations enregistrées par périodes ont apporté du répit et contribué à la reprise des vignobles durement touchés par la sécheresse les années précédentes.
Vendange en vert activée
Comme toujours, les chiffres nationaux masquent des disparités régionales. Ainsi, si Castille-et-Léon, la Rioja et l’Andalousie ont subi par endroits l’impact important de mildiou, Castille-La Manche prévoit d’atteindre environ 24 Mhl, ce qui constituerait une hausse de 5% par rapport à 2024. Si les prévisions nationales se confirment, la récolte sera, peu ou prou, équivalente à celle de l’an dernier, estimée à 36,8 Mhl par le ministère de l’Agriculture. Celui-ci, pour la troisième année consécutive, avait activé en février dernier le mécanisme de la vendange en vert pour éviter « une éventuelle offre excédentaire de raisins ». Les viticulteurs ayant eu la possibilité d’appliquer la mesure jusqu’au 15 juillet, il reste à savoir quelle impact elle aura eu sur les volumes finaux.


Toujours est-il que la filière vin espagnole termine la campagne avec des chiffres plutôt positifs. Les stocks étaient estimés au 31 mai 2025 à 33,8 Mhl, soit un million d’hectolitres de moins par rapport à l’année précédente à pareille époque et ce, malgré une baisse de 7% des exportations au cours des douze mois jusqu’en mai 2025. Il faut dire que l’Espagne est bien moins exposée que l’Italie ou la France aux mesures tarifaires appliquées au marché américain. Le courtier international Ciatti note d’ailleurs dans son rapport mensuel en août que les exportations espagnoles ont progressé de 6,4% en mai, signe, peut-être, d’une reprise des échanges et non d’un simple rattrapage des retiraisons. Ainsi, le secteur aborde la nouvelle campagne avec « un optimisme prudent » selon la fédération nationale des coopératives agroalimentaires.
Un positionnement prix inchangé
D’après Ciatti, les disponibilités de vins issus du millésime 2024 sont désormais limitées, notamment pour les blancs génériques et les rouges titrant plus de 13,5%. « Les fournisseurs espagnols de vrac semblent être globalement contents des volumes vendus pendant la campagne et se sont permis de partir en vacances plutôt que d’essayer de susciter des ventes de fin de campagne… Chez beaucoup de fournisseurs il ne reste plus que des volumes faibles voire insignifiants en cuve ». Par conséquent, le courtier estime que « les prix des vins en vrac risquent de démarrer en début de campagne à des niveaux comparables à ceux de la fin de la précédente campagne, puisqu’ils semblent avoir trouvé un positionnement sur lequel acheteurs et fournisseurs peuvent s’entendre ».
Plus à l’ouest, le Portugal prévoit une régression de 11% des volumes récoltés cette année. L’Institut de la Vigne et du Vin (IVV) annonçait fin juillet un volume de 6,2 millions d’hectolitres qui, s’il se confirme, s’inscrirait en recul de 12% par rapport à la moyenne quinquennale. Les baisses les plus significatives sont attendues dans les régions du Douro (-20%), de Lisbonne (-15%) et de l’Alentejo (-15%) entraînant potentiellement une chute conjointe de 679 000 hl par rapport à 2024. A contrario, d’autres vignobles comme ceux de Dão, de l’Algarve et des Açores présentent des perspectives de croissance. L’instabilité météorologique marquée par des précipitations intenses a créé des conditions propices au développement de maladies cryptogamiques. Notons, par ailleurs, qu’une demande en berne pour certaines typologies de vins – notamment les Portos – aura sans doute un impact sur les volumes finaux. En effet, comme l’expliquait à Vitisphere Paulo Amorim, président de l’association nationale des négociants et exportateurs de vins et spiritueux (ANCEVE), « cette année risque d’être encore pire [que l’an dernier], beaucoup de viticulteurs ayant été informés par leurs acheteurs traditionnels qu’ils n’achèteront pas leurs raisins. Et cela ne concerne pas uniquement le vignoble du Douro mais aussi bon nombre d’autres régions ».