On n’a pas l’habitude de manifester en Anjou. On n’est pas très nombreux, mais on exprime un ras-le-bol et on montre aussi à nos collègues en difficulté qu’ils ne sont pas seuls. Qu’on est tous solidaires." Avec une quinzaine d’autres vignerons angevins, Jean-Marie Gazeau de Martigné-Briand s’est mobilisé ce mercredi matin dès 8 heures devant le siège du groupe Terrena à Angers. En cause, le prix annoncé par la filiale du géant coopératif, Ackerman, sur le Cabernet d’Anjou pour la récolte à venir. Un rassemblement dans le calme.
“Ils ont été les premiers à lancer un prix bas. A 145 €/hl en vin fini. On craint que d’autres s’alignent. On sait que d’autres opérateurs se sont positionnés à 155”, indiquait Nicolas Bouleau, un vigneron de Notre Dame d’Allençon. “A ce prix-là, on ne couvre pas les coûts de production”, insistait Jean-Marie Gazeau. “Selon les données de la Chambre d’Agriculture, un hectare de Cabernet d’Anjou s’élève à 12 000 € en coût de production. On va nous payer 7 000 €/ha. Ça ne peut pas tenir. C’est la survie des entreprises qui est en jeu”.


En ciblant Terrena, les vignerons angevins voulaient aussi dénoncer le fait que ce soit “une coopérative d’agriculteurs qui continuent à appauvrir notre secteur viticole”. Et de lancer également un mot d’ordre de boycott d’une autre filiale du groupe : LVVD, l’un des fournisseurs de la viticulture en produits en tout genre (bouteilles, bouchons, produits phyto…).


Les vignerons ont pu échanger avec Laurent Reinteau, le directeur général d’Ackerman venu à leur rencontre : “on a aligné notre offre de prix sur celui de la campagne qui était à 142 €/hl. A 145, on est dans une réalité économique. Le marché du Cabernet d’Anjou est en souffrance. C’est une appellation qui se vend essentiellement en France, via la grande distribution. Les volumes sont en baisse et les négociations sur les prix de la récolte 2024 ont été très difficiles. Je comprends les réactions des viticulteurs. Nous sommes aussi producteurs. On travaille avec une centaine d’apporteurs au total à 90 % en contrats pluriannuels. Pour rééquilibrer les choses, on a demandé à nos vignerons de produire plus de Crémant de Loire, qui est plus rémunérateur, avec un marché porteur”.
Sur cette AOC de rosé tendre, la situation s’est tendue depuis bientôt deux ans. Alors qu’elles oscillaient entre 315 et 340 000 hl entre 2018 et 2022, les sorties de chais ont plongé à 290 000, puis 270 000 hl sur les campagnes 2023 et 2024. Un important stock de 2023 a plombé les cours de la récolte 2024. Les sorties devraient se situer autour de 290 000 hl sur la campagne close ce 31 juillet, avec un stock estimé à 197 000 hl. Encore un peu trop. Au vu de ces chiffres, les producteurs réunis en assemblée générale début juillet ont décidé de contenir le volume 2025 à mettre sur le marché à 50 hl/ha, assortis d’un Volume Complémentaire Individuel (VCI) de 10 hl/ha ou un Volume Substituable Individuel (VSI) de 19 hl/ha.
Selon les retours du vignoble, pas sûr que ce volume soit accroché dans les vignes cette année. Une faible récolte permettrait de rééquilibrer l’offre et la demande. C’est l’espoir en tout cas. A condition que les sorties se maintiennent.