our raconter son histoire, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Bernard Magrez le sait bien, dévorant des autobiographies d’entrepreneurs et relatant sans compter chaque année son parcours dans la presse, sur les ondes, en podcast, en film (le Dernier Pape, attendu ce printemps et désormais sans date de sortie sur la plateforme Amazon Prime). Sur son propre site, son autobiographie est ainsi résumée : « à 13 ans, il est envoyé dans un centre d’apprentissage durant 3 ans pour y obtenir un CAP de scieur de bois, son seul diplôme. Il y rencontrera notamment François Pinault. À 19 ans, parfait autodidacte, il intègre le groupe Cordier, une grande maison de vins de Bordeaux, qu’il quittera à 21 ans. Il y découvrit tous les rouages du métier. Dans les années 1980, Bernard Magrez entame son ascension avec l’acquisition de son premier cru classé ».


Bien rodée, l’histoire agace certains opérateurs de la place de Bordeaux. Ainsi un propriétaire médocain voit en Bernard Magrez « un bon businessman local, un remarquable annonceur publicitaire au niveau national, un expert des coups de communication à grand renfort de stars de cinéma ou de chefs étoilés, mais pas un génie des affaires lui permettant de marcher sur les eaux ». Quand ils n’évoquent pas les rumeurs de cession de ses propriétés, les contempteurs de Bernard Magrez critiquent une hagiographie exagérée dans l’histoire d’un homme parti de rien et s’étant fait tout seul, alors qu’il aurait bénéficié de formations et de soutiens familiaux passés sous silence dans ses succès. « Je ne suis pas maitre des biographies que l'on m'attribue ; il en est ainsi pour beaucoup de responsables d'entreprises » répond vertement à Vitisphere Bernard Magrez, rejetant fermement des « informations malveillantes, parfaitement fausses ».
Reprenant le fil de son histoire face aux rumeurs hostiles, Bernard Magrez martèle n’avoir qu’un diplôme : « à l’âge de treize ans, mon père a décidé de m’éloigner de la famille pour atterrir pendant trois ans, en 1949, dans un centre d'apprentissage qui avait une mission glorieuse, c'est-à-dire tenter de faire passer à des jeunes de mon âge, un CAP d'affûteur-scieur à Luchon dans un massif forestier des Pyrénées. J'ai obtenu le diplôme. Après celui-ci, j’ai tenté une école du bois, où malheureusement, je n'ai connu aucune réussite. Je n'ai donc jamais eu de diplôme d'ingénieur, ce qui d'ailleurs m'aurait rapproché des succès de mon frère, qui, avec un an de moins que moi, avait fait HEC et docteur en droit. »
Disparu en 2023, son frère Jean-Paul Magrez a même ajouté à son diplôme d’école de commerce de 1961 un doctorat en sciences sociales et économiques sur le négoce du meuble en France, avant de rejoindre en 1966 l’entreprise familiale Bayle spécialisée dans l’ameublement. « Mon père n'a jamais été dans les meubles mais bien un petit entrepreneur en maçonnerie avec quatre compagnons » reprend Bernard Magrez, indiquant que « ma mère avait effectivement un magasin de meubles à Bordeaux, dont mon frère a hérité, et a agrandi considérablement grâce à son talent pour arriver le jour de son décès à avoir 32 magasins en franchises ».
Concernant le premier cru classé d’une série unique de quatre*, l’achat facilité du château Pape Clément par son statut de gendre du propriétaire de l’époque, Léo Montagne, Bernard Magrez indique que « cet achat a été progressif pour en devenir à 100 % propriétaire après avoir fait l'acquisition des actions, d'une part à une très riche famille de Versailles, et d'autre part effectivement, à mon beau-père qui en détenait par héritage une partie. Je dis bien acquis sur valeur d'expertise. Donc ce n'était en aucun cas un cadeau. » Fin de la mise pour au point pour Bernard Magrez, qui veut profiter de sa « quatre-vingt dixième année dans le calme... Et à l'abri de fausses informations. » Mais pas fin de l’histoire, l’homme aux quatre grands crus classés (2 millions cols/an) venant d’embaucher un directeur général adjoint alors qu’il souhaite trouver un partenaire financier pour développer de nouveaux réseaux de commercialisation.
* : Les châteaux Pape Clément, cru classé de Graves de 75 hectares en AOC Pessac-Léognan, Fombrauge, cru classé de Saint-Émilion en 2022 sur 58 ha, Tour Carnet, grand cru classé en 1855 de 250 ha d’AOC Médoc, et le clos Haut-Peyraguey, grand cru classé en 1855 de 12 ha en AOC Sauternes.