« Tout est mutualisé », explique-t-il. Pour être dans les clous de la réglementation, chaque vigneron doit adhérer à un groupement d’employeurs qui embauche 4 à 10 salariés. « Ces salariés vinifient pour les vignerons à qui je refacture la main-d’œuvre au prorata du volume qu’ils ont vinifié. » Autre règle de fonctionnement : tous les vins doivent être sortis du chai au 31 juillet.
Et Laurent Cornud ne se limite pas à son rôle de chef d’orchestre : « Je décide avec le vigneron de la date des vendanges et de l’itinéraire de vinification. Je les conseille, j’ai besoin de m’impliquer dans la stratégie de leur entreprise. Ensuite, on leur attribue les cuves en fonction de leur récolte qui varie de 30 à 1 000 hl pour les plus gros. »
Dans le chai, l’équipement ne manque pas : 12 000 hl de cuverie composée de cuves de différentes tailles et matières – inox, acier ou fibres de verre – avec ou sans chapeaux flottants, trois pressoirs pneumatiques de 30, 50 et 65 hl, du matériel de réception de vendange, un groupe de froid, un filtre à terre…
Pour vinifier en bio, tout est prévu également : « On a deux quais de réception, un bio et un conventionnel. » Et la quasi-totalité des intrants fournis par Laurent Cornud est certifiée AB. Pour la mise, c’est au choix du client. « Il peut la faire chez moi avec un prestataire ou bien récupérer son vin. » Laurent Cornud facture entre 40 et 100 €/hl les vins prêts à la mise, en fonction du volume et de l’itinéraire de vinification choisi.
« Depuis 2021, de moins en moins de vignerons nous quittent pour créer leur propre chai, indique-t-il. Nos clients sont généralement des petits vignerons qui font 80 % de leur chiffre d’affaires avec de la vente directe et une bonne valorisation à la clé. »
C’est le cas de Stéphane Chatal, propriétaire des 6 ha du Domaine du Chat Blanc à Saint-Didier, à seulement 20 minutes en tracteur du chai. « Je travaille avec Laurent Cornud depuis 2017, relate-t-il. L’an passé, j’ai déboursé environ 7 500 € pour vinifier 140 hl. C’est très compétitif et ça me dégage beaucoup de temps. Dans mon cas, il me faudrait environ 1 million d’euros pour construire un chai. Au vu de la crise actuelle, je ne regrette pas de ne pas avoir franchi le cap. Sans compter que je bénéficie des précieux conseils de Laurent. »
Au Wine Studio Les Pépites, sorti de terre en Bourgogne en 2023 à Chassagne-Montrachet, le principe est différent. Ici, chaque vigneron vinifie sa propre récolte « comme il le souhaite, explique Sarah Moreau, l’une des fondatrices du Studio, œnologue responsable des laboratoires Moreau Œnologie. Ce chai est un tremplin pour les petites structures ou les jeunes vignerons qui ont des difficultés à trouver des locaux ».
Avec ses deux collègues et associés, Richard Angonin et David Moreau, elle a investi 1,5 million d’euros dans un chai de 500 m² équipé de pressoirs, d’égrappoirs, d’un groupe de mise, d’une étiqueteuse… « Les vignerons apportent leurs cuves, leurs fûts et leurs produits œnologiques ; nous leur louons le local et le matériel », indique Sarah Moreau.
Pour avoir une place, c’est « premier arrivé, premier servi ». Chacun réserve son matériel et le temps qu’il compte l’utiliser en amont de la vendange via un calendrier Google. « Nous avons également un groupe WhatsApp pour échanger sur le matériel. En début de vendange, on y explique le fonctionnement des pressoirs, des laveuses de caisse, du groupe de froid, etc. »
Sur place, c’est Adrien Lattard qui orchestre l’entrée des raisins et gère le planning. Embauché par Wine Studio, ce dernier produit également 5 000 bouteilles de bourgogne blanc pour son compte. « J’aide les vignerons si besoin, on s’entraide et on se conseille. Tout est bien rodé », soutient-il.
Côté hygiène, les consignes sont strictes : tous les matériels doivent être nettoyés à la soude et désinfectés à l’acide peracétique après utilisation. « On effectue des rappels si besoin », indique Adrien Lattard.
L’année dernière, 14 vignerons ont vinifié au studio. Cette année, trois d’entre eux ont installé leur propre chai. « Il y a beaucoup de mouvements. Le studio est un incubateur de jeunes talents », affirme Adrien Lattard. Et les absents sont vite remplacés. « On est déjà complet, explique Sarah Moreau le 11 juillet. On a refusé une dizaine de demandes. » Un modèle économique qui pourrait bien faire des émules par ces temps incertains.
« Les vignerons doivent avoir un statut de négociant vinificateur pour pouvoir vinifier dans notre cuverie partagée », précise Sarah Moreau, cofondatrice du Wine Studio Les Pépites. Beaujolais, Bourgogne, Côtes du Rhône… Plusieurs appellations sont représentées au sein du chai. « Chacun doit gérer sa traçabilité, explique Sarah Moreau. Les vignerons doivent rester dans la zone définie qui leur est attribuée et chaque contenant doit impérativement être étiqueté avec le nom de l’exploitation qui le vinifie, l’appellation et le volume exact de la cuve. » Des conditions négociées avec les Douanes.