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"Le but de FranceAgriMer est-il d’aider la filière vin ou d’enrichir des avocats ?"
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Les pieds dans le plat
"Le but de FranceAgriMer est-il d’aider la filière vin ou d’enrichir des avocats ?"

Ayant obtenu gain de cause devant le tribunal administratif pour obtenir l’intégralité de son aide à la promotion, Nicolas Carreau pensait clore son contentieux avec FranceAgriMer. L’établissement a fait appel : à la stupeur du vigneron. Le point avec les parties, qui ne partiront pas en vacances ensemble.
Par Alexandre Abellan Le 11 juillet 2025
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« On nous met des bâtons dans les roues avec acharnement pour ne pas nous verser un centime » regrette Nicolas Carreur, pointant que « les coûts en avocat deviennent plus élevés que les fonds en question ». - crédit photo : Vignobles Carreau/S.Chapuis
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ranceAgriMer, l’Établissement national des produits de l’Agriculture et de… l’amer ? Avec ses refus d’aides et ses recours en justice, « FranceAgriMer en train de pourrir la vie de beaucoup de monde » soupire Nicolas Carreau, qui témoigne moins en tant que président de l’appellation Blaye Côtes de Bordeaux que de vigneron (dirigeant les Vignoble Carreau, en Gironde). « C’est infernal » témoigne-t-il, alors qu’il se débat depuis 2021 pour obtenir la totalité des aides à la promotion du vin sur les pays tiers pour l’appel à projet lancé de novembre 2018 et une convention signée l’été 2019. Soit 15 512,22 € non versés en 2021 sur les 31 992,17 € demandés, pour 63 984,34 € dépensés en 2019 pour des actions en Chine, aux États-Unis et au Japon. FranceAgriMer ayant rejeté un recours grâcieux l’été 2022, les Vignobles Carreau ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux, qui a annulé le refus de paiement de l’établissement dans son jugement du 7 novembre 2024.

La juridiction invalide notamment les arguments de FranceAgriMer sur le manque de comparaison d’offre et de mise en concurrence pour les dépenses de prestation services supérieures 20 000 €. « Une telle condition ne figurait pas dans l’article 3.9 de la décision du 14 septembre 2018 mais a été rajoutée, au même article, dans la décision du 8 octobre 2019 qui n’était pas applicable car entrée en vigueur postérieurement à la signature de la convention » explicite le tribunal administratif, pour qui « dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée du premier juillet 2022 est entachée d’une erreur de droit ». Ne reconnaissant pas une application de règles postérieures à la convention signée l’été 2019, FranceAgriMer relance la querelle devant la cour d’appel de Bordeaux ce début 2025.

L’administration dans toute sa splendeur

« Candidement, je pensais que le fait d’avoir obtenu raison au tribunal administratif mettrait fin à la procédure et que j’aurai les aides de 2019. Mais ils font appel. Je trouve ça complétement fou : c’est odieux, c’est l’administration dans toute sa splendeur » bouillonne Nicolas Carreau. « Alors que la filière meurt à petit feu, voir cette administration affirmer sur son site qu’elle verse des aides en soutien, c’est kafkaïen » pour le vigneron, qui a monté seul son dossier d’aides et se félicite de ne pas avoir demandé d’avancer : « sinon ils m’auraient demandé un remboursement avec des pénalités… »

Les réponses de FranceAgriMer

Ne commentant pas les dossiers judiciaires individuels, FranceAgriMer précise à Vitisphere que l’établissement « agit en justice en fonction de considérations strictement juridiques ». Pas d’acharnement procédural, mais une le principe général d’intransigeance en allant au bout des affaires judiciaires : « en tant qu’organisme payeur d’aides financières dont l’allocation et la gestion sont précisément encadrées et vérifiées par de nombreux organismes de contrôle et d’audit externes (Cour des comptes française et européenne, Commission de certification des comptes des organismes payeurs du Ministère des finances, Commission européenne, Agence française anticorruption notamment), il lui revient de veiller au respect des normes qui les régissent. Ainsi, une gestion des mesures d’aide qui ne serait pas scrupuleuse se solderait par d’importantes corrections financières (jusqu’à plusieurs millions d’euros), des sanctions administratives ou disciplinaires, voire de poursuites pénales. »

FranceAgriMer confirme ce qui se dit dans la filière vin : la peur du gendarme européen tétanise l’administration. Quitte à être plus royaliste que le roi dans l’application de la réglementation communautaire grince-t-on également dans le vignoble. Il faut dire que les fonctionnaires eux-mêmes peuvent être inquiétés : « la responsabilité personnelle des agents de l’établissement ordonnateurs des dépenses indues pourrait également être engagée et ce, y compris pour des fonds versés plusieurs années auparavant, les délais de prescription étant d’ailleurs rallongés en cas de contentieux » indique FranceAgriMer.

Respect de la réglementation

Plus précisément, le choix de faire appel est acté « dès lors que notre établissement estime que les conclusions des tribunaux de première instance ne sont pas conformes aux normes juridiques applicables ou qu’un éclairage du juge d’appel est requis, lorsque subsistent des questions d’interprétation du droit » poursuit FranceAgriMer, notant cependant que l’établissement « attache la plus grande attention aux différents recours qui lui sont soumis, et tient compte des situations individuelles, en particulier lorsque les demandeurs d’aide rencontrent des difficultés, et s’efforce systématiquement de trouver des solutions adaptées, dans la limite de ce que permet le respect de la règlementation nationale et européenne. »

Fonds retournés à Bruxelles

Autre interrogation dans la filière vin : que deviennent les fonds alloués que FranceAgriMer ne versent finalement pas ? « Les sommes recouvrées retournent dans le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) » répond l’établissement, précisant qu’« elles ne sont pas déduites des futures campagnes d’aide. Il n’y a pas de "plus-value", c’est un jeu d’écriture à somme nulle pour l’établissement. Quand les comptes sont apurés (validés par les autorités européennes), les montants versés par l’Europe ne sont jamais supérieurs à ce qui est prévu par enveloppe annuelle, soit environ 270 millions € par an pour les mesures vitivinicoles du Plan Stratégique National (PSN). » En termes de chiffres, FranceAgriMer précise qu’« il n’existe aucun chiffrage ni estimation de ce que ce volume financier représente annuellement ou sur une moyenne d’un exercice FEAGA ».

« On se prive de fonds potentiels, on marche complétement sur la tête » réagit Nicolas Carreau, qui ne comprend pas la logique administrative : « quel est l’intérêt de faire appel quand la justice leur donne tort, sinon nuire aux administrés ? On nous met des bâtons dans les roues avec acharnement pour ne pas nous verser un centime. Les coûts en avocat deviennent plus élevés que les fonds en question. Cela doit représenter des sommes faramineuses d’argent public dilapidé. Le but de FranceAgriMer est-il d’aider la filière vin ou d’enrichir des avocats ? » Ayant déjà écarté le projet d’attaquer un refus d’aides de 6 000  € à cause de son coût en frais de justice, Nicolas Carreau pointe que « dans la campagne, et même dans les interprofessions, tout le monde a été empapaouté, mais peu attaquent. Je ne redemande plus d’aides pour prospecter dans de nouveaux pays, c’est trop risqué. Même si le tribunal leur donne tort, ils continuent… Alors qu’on ne va pas bien. »

Traitement plus humain

Mais FranceAgriMer annonce mener un « important travail de simplification des mesures, à tous les niveaux, que les professionnels ont salué à plusieurs reprises dans les instances de concertation, et en particulier au sein du conseil spécialisé vin et cidre. » Un cap que confirme Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui pointe des simplifications dans les dossiers d’aide à la promotion, ainsi que la refonte des contrôles pour la restructuration/reconversion du vignoble et les investissements vitivinicoles. S’il peut suivre les recours grâcieux d’aides refusées, le viticulteur languedocien indique que si la procédure amiable n’aboutit pas et débouche sur un contentieux, ni le conseil spécialisé, ni son président, ni le conseil d’administration de FranceAgriMer n’ont plus la main sur le dossier. « Je souhaite que FranceAgriMer ait un traitement plus humain des conflits. Il informer rapidement les bénéficiaires de l’avancée des recours » indique Jérôme Despey, constatant qu’« aujourd’hui, la situation n’est pas satisfaisante. Il y a aussi un sujet humain : quelqu’un peut se tromper, mais le droit à l’erreur actuellement applicable n’est pas satisfaisant. »

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Tous les commentaires (4)
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JFD Le 14 juillet 2025 à 09:51:09
Je l'ai toujours dis, FAM ne sert à rien, des fonctionnaires payés pour nous mettre des bâtons dans les roues qui engorge les tribunaux pour rien. Les dossiers de demandes d'aides devraient être gérés localement par les ODG ou préfectures régionales selon les filières. FAM devrait pour moi ne plus exister.
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Thouroude Le 11 juillet 2025 à 15:04:22
Voilà la démarche habituelle de FAM quand vous contester leur position. Je vous parle d'expérience. Après des contrôles FAM contradictoires, tentative de négociation, demande de recours gracieux, contrôle de l'inspection des finances, quels que soient vos arguments, ils confirment leur désaccord sur tout ou partie de votre demande d'aide. On va alors devant le tribunal administratif mais avec un dossier très bien ficelé car que penser d'un fonctionnaire qui juge d'autre fonctionnaire. 80 % des dossiers tous domaines d'activité sont rejetés. Nous avons eu un jugement favorable. Du coup FAM a fait appel et ils ont perdu de nouveau. Il faut savoir que dans les deux premiers jugements c'est le service juridique de FAM qui fait l'avocat et vous imaginez ce que je pense de ces professionnels. Ce jugement est difficile à admettre pour FAM car c'est un précédent qui peut inciter d'autres vignerons à aller en justice ce qui fait mauvais effet et entraine entre autres du travail supplémentaire. Ils adorent... Donc, troisième étape, FAM porte le dossier en conseil d'état. Pour ce faire ils doivent engager à grand frais un avocat agréé. Ce dernier a transmis la demande de FAM en une trentaine de pages mal fagotées alors que notre mémoire tenait en moins de 5 pages. Préférez-vous 5 pages synthétiques ou 30 pages brouillonnes où vous ne vous rappelez pas ce que vous avez lu au bout de quelques pages ? Il faut savoir qu'avant de passer en jugement les dossiers sont instruits par un auditeur qui élimine ce qui ne lui parait pas justifié. La dernière demande de FAM a finalement été rejetée, ce qui a confirmé que nous avions raison de protester. La démarche nécessite de trouver de l'aide pour exposer de façon logique et synthétique votre réclamation, ce n'est pas le rôle de l'avocat. On fait ensuite appel à un avocat qui met en forme juridique nos arguments. Pour limiter les frais, l'idéal est de trouver par relation un avocat expérimenté auprès des tribunaux administratifs. Bon courage, il y a moyen d'arriver à les faire plier. Mais il faut de l'obstination...
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bill et boule Le 11 juillet 2025 à 14:08:24
C est devenu un grand classique .Les petits demandeurs se font taper sur les doigts ... tandis que les plus riches grands crus classes, cimme l révèle le canard enchaîne l an dernier , décrochént a Bruxelles des subventions pour rénovation de chais qui se chiffrent en millions , les dossiers ayant été habilement ficelés par les avocats spécialistes de Paris 8 ème. Et les préfets font encore mine de s étonner, à mi chemin entre incompétence et machiavélisme. Écœurant.On privilégié aujourd hui la forme sur le fond .
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Renaud Le 11 juillet 2025 à 12:52:28
Ubuesque et non isolé. Le préfet me demandait il y a quelques semaines pourquoi sommes nous pas aussi performants que l'Italie ou l'Espagne? Ce à quoi j'ai répondu qu'en France nous n'avons pas d'administration remplissant leur rôle de service public. Le public est à leur merci. Certes Ils sont dépositaires de l'argent public. Mais au final les budgets dédiés ne sont pas consommés et la France les renvoie à l'Europe. Délirant !
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