Le plus difficile, c’est de prendre la décision d’arrêter de produire du vin. Maintenant, c’est fait. Psychologiquement ça va très bien » pose Géraldine Dubois, la fondatrice de La Têtue, productrice de vins naturels à Lyon qui met un terme à l’activité ce mois de juillet. « Têtue, je l’ai été pendant quatre ans, mais ça ne veut pas dire que je suis bornée. Cela n’empêche pas de réfléchir et de prendre les bonnes décisions avant qu’il ne soit trop tard » souligne la vigneronne lyonnaise. Qui a vu, comme d’autres dans la filière vin, sa trésorerie s’épuiser sans que les ventes ne suivent et que la sortie de crise ne s’approche. Double active pour joindre les bouts, Géraldine Dubois a tiré ses conclusions : « ça fait quatre ans que je porte à bout de bras ce projet toute seule et que je ne me suis pas payée. Cela vaut-il vraiment le coup de mettre en jeu ma vie et ma santé pour du vin ? Je n’en suis pas sure. Mieux vaut arrêter de produire des vins avant d’arriver à des drames. »
Ce que Géraldine Dubois a créé en 2021 à Lyon, ce n’était pas un chai urbain, mais un domaine urbain comme elle a exploité jusqu’à 7 hectares de vignes bio en appellation Coteaux-du-Lyonnais. Son projet cochait toutes les cases du développement durable : production bio vendue en circuit court, avec le réemploi de ses bouteilles en verre. Visant une réduction du coût global écologique de la production de vin, la vigneronne n’a pas vu d’optimisation des ventes de ses flacons. Après avoir stoppé ses fermages en début d’année, elle a décidé de ne pas acheter de raisins ce millésime 2025 et annonce cet été son arrêt d’activité. « C’est dommage. Tout le monde me dit que ce que je faisais était génial, mais je n’arrivais pas à le vendre. Mon bilan, c’est que l’éthique du vin ne fait pas vendre » résume-t-elle, ajoutant que « l’argument du circuit court dans le vin, les particuliers y sont sensibles, mais les professionnels s’en fichent. À niveau de qualité égale, que le vin soit produit à 400 m ou à 200 km, ça ne les intéresse pas. »
Mérite Agricole
« Ce que j’ai fait est unique en France. J’ai été seule et n’ai pas reçu de soutien de la métropole lyonnaise, des vignerons de l’appellation et des acheteurs » soupire-t-elle. Venant de commencer un nouvel emploi, la vigneronne va passer à autre chose après avoir réglé ses dernières factures et vendu ses dernières bouteilles. Restera la menée jusqu’au bout d’un projet salué par la réception du mérite agricole. Une médaille d’entêtement pour la nation vigneronne, qui ne doit jamais aller jusqu’au sacrifice.