homas Solans le reconnaît : « Pour lutter contre le mildiou, je faisais mes petites expériences, un peu de bicarbonate, des huiles essentielles, sans observations précises ni protocole. » En 2024, ce coopérateur, à la tête de 45 ha en bio depuis 2023, à Courpiac, dans l’Entre-Deux-Mers, intègre donc le réseau participatif de lutte contre le mildiou mis en place cette année-là par l’interprofession (CIVB), la chambre d’agriculture de la Gironde, les Vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine et l’IFV. Objectif de ces organismes ? Proposer aux viticulteurs des essais carrés de lutte antimildiou pour progresser dans ce domaine. Alors que ce réseau est ouvert à tous, ce sont surtout des bios qui l’intègrent.
Le problème de Thomas Solans est simple : il sauve ses récoltes au prix d’un nombre important de traitements (23 en 2024). Question : comment traiter moins et avec moins de cuivre ? En 2024, il se lance dans un essai sur 18 rangs de merlot. Le protocole prévoit d’appliquer quatre traitements, tous les huit à dix jours, entre le stade six feuilles étalées et la nouaison, avec une demi-dose de cuivre additionnée de prêle et d’osier. Mais la météo exécrable en décide autrement.
« Compte tenu de la pluviométrie, j’ai traité mon vignoble tous les trois jours, y compris les 18 rangs d’essai dans lesquels j’ai appliqué, en plus, les quatre traitements prévus, explique le vigneron. À l’arrivée, il n’y a eu que 3 à 4 % d’intensité de mildiou en moins par rapport aux autres rangs. C’est décevant. »
Pour lui, le bénéfice est ailleurs : « Avec ce réseau, on a la primeur des résultats. Nous nous réunissons en début de campagne, durant l’été, et en fin de campagne. C’est enrichissant. On ne peut pas rester seul. »
Cette année, Thomas Solans teste l’effet antimildiou de Carpet, un produit à base d’hydrogénocarbonate de sodium déjà homologué contre l’oïdium. Son protocole comprend quatre modalités : du cuivre classique, du cuivre classique + Carpet, une dose de cuivre réduite de 30 et 50 % et, pour finir, cette dernière modalité + Carpet. Contre l’oïdium, le vigneron applique du soufre. Un protocole mis au point avec la chambre d’agriculture qui a débuté en mai pour des résultats en fin de saison.
Au Château Palmer, un grand cru classé du Médoc de 70 ha cultivés en biodynamie depuis 2014, Federico Coltorti, le chef de culture, garde encore en mémoire le millésime 2018 : 50 % de la récolte perdue à cause du mildiou. En 2022, il intègre un réseau pour évaluer l’intérêt des capteurs de spores de mildiou dans la lutte contre ce parasite. Et en 2024, le réseau participatif, afin de partager ses observations avec d’autres viticulteurs et des chercheurs.
« Ce réseau m’apporte une vision et une compréhension plus globale de la lutte contre le mildiou, déclare-t-il. Ce que j’ai retenu des dernières rencontres concerne le rapport entre le microbiome des feuilles et du sol et le mildiou montrant qu’il existe des antagonistes du mildiou dans le sol. C’est un sujet très important qui présente un fort potentiel pour l’avenir. »
Yohann Baudin, lui aussi, a intégré le réseau participatif en 2024. Une évidence pour le directeur technique du Château Puyfromage, 54 ha à Saint-Cibard, dans les Francs Côtes de Bordeaux, certifié bio depuis l’an dernier. Lui aussi veut appliquer moins de cuivre.
En 2024, il mène un essai sur 1 ha de merlot consistant à ajouter Alliance Vigne à ses bouillies de cuivre. « Cette préparation est censée stimuler les défenses de la vigne. Nous l’avons utilisée tout au long de la saison », explique-t-il.
Cet essai visait à évaluer l’efficacité de cette préparation prête à l’emploi à base d’ail, de prêle, de saule et de camomille vendue par L’Herbier Phylae. Mais, comme Thomas Solans, Yohann Baudin a dû revoir ses plans. En raison de la météo, il n’a pris aucun risque en ajoutant simplement Alliance Vigne à son programme établi pour assurer la protection de la vigne. Cela l’a amené à appliquer 8 kg/ha de cuivre l’an dernier sur ses parcelles. À l’arrivée, « il n’y a pas eu de différence entre le témoin et cette modalité ». La préparation n’a donc rien apporté.
Cette année, à côté de son programme habituel de traitements, il mène un essai avec 25 % de cuivre en moins et un autre avec cette dose réduite renforcée par Alliance Vigne.
En attendant les résultats de l’essai 2025, Yohann Baudin se dit satisfait d’appartenir à ce réseau : « On se questionne sur l’usage des produits, sur nos pratiques. Le mildiou est un adversaire que l’on connaît mal », lâche-t-il, espérant trouver un moyen de le maîtriser tout en utilisant moins de cuivre.
Marie-Charlotte Michaud, animatrice du Plan Mildiou à la chambre d’agriculture de la Gironde explique : « Chaque vigneron expérimente dans son coin pour tenter de juguler le mildiou. D’où l’idée d’un réseau d’essai afin de mettre en commun les expérimentations de chacun. En 2024, ce réseau a réuni une trentaine de viticulteurs, tous en bio, sauf trois en conventionnel. Cette année, ils sont une quarantaine, avec toujours trois conventionnels. Lors de ces essais, on peut tester des méthodes prophylactiques, un produit de biocontrôle en association avec du cuivre, un produit alternatif au cuivre, une augmentation du volume de bouillie sur la zone des grappes, etc. Dès mars, le viticulteur identifie une parcelle pour conduire son essai. Et il garde un témoin non traité pour qu’on puisse mesurer la pression sanitaire. Les conseillers proposent alors un protocole et sont là tout au long de l’expérimentation pour l’épauler et mesurer les résultats. L’an dernier, la pression de mildiou a été tellement forte qu’il a fallu, dans la plupart des cas, utiliser des doses de cuivre très importantes pour la juguler. Il est donc difficile de donner des résultats significatifs sur cette période. »