ans la liste toujours plus longue des caves en difficultés économiques, c’est un nom qui interpelle par le prestige de son appellation : la coopérative agricole du Marquis de Saint-Estèphe et la Châtellenie de Vertheuil réunis sont placés en redressement judiciaire depuis ce 16 mai par un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux. La date de cessation des paiements étant fixée au 28 mars. Ayant pris la présidence de la coopérative ce 10 mars, le viticulteur Henry Michelon ne cache pas qu’il était candidat par inquiétude: « j’étais au courant de la situation financière et je voulais tout faire pour nous sortir d’une situation de trésorerie en déclin », mais il « ne porte la faute à personne : c’est à nous tous d’être responsables, c’est l’esprit de coopération et de solidarité entre adhérents auquel je suis attaché. Les membres fondateurs sont partis de rien et ont réussi, nous avons un outil et nous allons nous battre. »
Précédemment vice-président (poste qu’occupe désormais Stéphane Lepoitevin, l’ancien président), Henry Michelon ne souhaite pas communiquer le niveau d’endettement de la cave, mais reconnait que la coopérative pâtissait dans sa rentabilité de la réduction continue de ses surfaces apportées. Avec aujourd’hui 37 coopérateurs pour 64 hectares (35 ha d’AOC Haut-Médoc et 27 ha d’AOC Saint-Estèphe), dont le domaine de la cave (château Léo de Prades avec 14 ha en Saint-Estèphe et 13 ha en Haut-Médoc), le pic des 200 adhérents pour 350 ha des années 1960-1980 semble bien loin (avec plus de 15 000 hl produits). Faisant tomber les commercialisations à 300 000 bouteilles, la baisse des apports s’est nourrie du départ de coopérateurs s’installant en chais particuliers ou vendant leurs terres à des crus voisins (classés en 1855, bourgeois et artisans). Ce qui a conduit en 2002 la cave coopérative du Marquis de Saint-Estèphe (fondée en 1934) à fusionner avec la Chatellenie de Vertheuil (créée en 1932), pour garder une certaine superficie et une taille critique pointe Heny Michelon, notant que la baisse des surfaces adhérentes explique une partie des difficultés de la coopérative, mais pas tous ses problèmes.
Réflexions à mener
Pèsent également sur les performances économiques de la cave de Saint-Estèphe la fermeture de marchés export (comme la Chine), l’inflation des coûts de production (par rapport à un marché n’acceptant pas les hausses de prix) et la déconsommation des vins rouges (notamment en grande distribution). Sur ce denier point, « les jeunes ne sont pas le point fort de notre clientèle » indique le président de la cave, qui indique travailler sur plusieurs pistes qui ne sont pas encore finalisées, mais peuvent aller de nouveaux produits (la cave produit déjà un rouge élevé en amphores et un vin rosé) à des rapprochements commerciaux (un partenariat existe avec l’Union des Caves du Médoc pour la vente sur le marché de Montalivet). Ces réflexions sont « en cours, je ne peux rien avancer tant que rien n’est décidé. Il faudra que ce soit validé par l’ensemble des coopérateurs » évacue Henry Michelon, qui se pose comme condition préalable que « la cave perdure ».
Si le tribunal a écarté le risque de liquidation judiciaire, tout est encore à faire pour que la coopérative rebondisse. « On n’est pas battu d’avance : j’y crois, sinon je ne serai pas là. Mais je ne vends pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué » pointe Henry Michelon,