e matin du 16 juin, ils sont une trentaine de déficients visuels venus de Strasbourg avec leur association "Vue (d’)ensemble" à avoir rejoint les vignes de la maison Ruhlmann-Schutz à Dambach-la-Ville (Bas-Rhin). Antoine Schutz leur demande de rentrer dans les rangs par groupes de cinq pour "découvrir la vigne avec les mains". « Tu sens les feuilles ? Les découpures sur les bords ? Elles sont différentes selon chaque cépage. Là , c’est le sarment qui va grandir chaque année. C’est un pied de pinot noir de cinq-six ans. Dans un peu plus de deux mois, la grappe sera mûre et juteuse » explique-t-il à Mireille qui ressent « une impression de bien-être » en effleurant feuilles et bois et qui se demande « où va apparaître le raisin ? ». « Il faut prendre le temps de bien décrire ce que nous voyons pour qu’ils puissent le « voir » à leur tour » indique Antoine.
Trois autres ateliers attendent les participants : une approche des vins du domaine avec une naturopathe, un parcours guidé dans la cave où les mains entrent en contact avec les foudres, les barriques, la cuverie inox ou les différents formats de bouteilles et la dégustation géo-sensorielle de trois vins aux textures différentes, deux rieslings et un pinot noir 2022. « Ne cherchez pas les arômes ! Concentrez-vous uniquement sur ce qui passe en bouche quand vous mâchez le vin » recommande l’intervenante, Pascale-Marie Proust. « Cela me change des dégustations traditionnelles que j’ai l’occasion d’effectuer avec des voyants » confie Clémence, mal voyante férue d’œnologie.


La journée a joué un peu le rôle de laboratoire aux étudiants de l’Ecole de management de Strasbourg qui ont conçu le projet et qui doivent maintenant, à la lumière des expériences réalisées et des témoignages recueillis auprès des participants, rédiger un guide des bonnes pratiques répertoriant les critères d’accueil et les détails d’organisation à prévoir pour ce type de public. Le ratio préconisé est d’avoir un voyant pour accompagner chaque non voyant. « La famille Ruhlmann-Schutz souhaite proposer une telle offre œnotouristique régulièrement et sur la durée. L’idéal serait d’avoir des groupes de dix à quinze personnes sur un format trois heures pour proposer tous les ateliers. Je pense former les quatre personnes en charge du caveau ainsi que les quatre membres de la famille qui sont aux commandes du domaine » réfléchit à haute voix Antoine Schutz. « La première motivation est qu’une telle offre soit avant tout un échange qui privilégie l’humain. Aucun tarif n’est encore fixé. La question du chiffre d’affaires est secondaire. L’essentiel est seulement de ne pas perdre d’argent ».