ualifiant son initiative de « changement de paradigme » dans la distribution de ses vins et spiritueux à travers l’Europe, la célèbre maison espagnole priorise désormais le transport ferroviaire. Un choix stratégique qui doit lui permettre de poursuivre la baisse de son empreinte carbone. « Sur le plan logistique, nous essayons d’obliger nos clients à privilégier les trains au détriment des camions », expliquait déjà fin 2022 à Vitisphere Josep Maria Ribas, directeur du changement climatique chez Torres. Certains clients, comme le grand distributeur britannique Tesco y voyait d’emblée un intérêt : « Ils nous ont demandé d’expédier davantage de bouteilles par train à cause des problèmes rencontrés au niveau de la douane à Londres. Et en termes d’émissions de carbone, la réduction est très nette ».
Un virage logistique d’envergure
D’où la poursuite du programme qui s’inscrit dans le cadre de son plan d’action climatique Torres & Earth, lancé en 2008. La société a désormais conclu des accords avec plusieurs distributeurs européens pour favoriser l’utilisation du transport intermodal où l’emploi de camions est limité au strict minimum, sur des sections où aucune alternative n’existe. Deux distributeurs, l’un allemand (Wein Wolf), l’autre néerlandais (Walraven Sax), se sont déjà engagés à faire appel à des opérateurs logistiques intermodaux. Dans les deux cas, des conteneurs sont placés sur des trains à la frontière franco-espagnole pour ensuite traverser la France en direction du Luxembourg, de la Belgique ou des Pays-Bas. La société affirme « s’inspirer de l’expérience de son distributeur suédois qui utilisent le transport ferroviaire depuis des années » et se dit « confiante dans sa capacité à étendre ce modèle logistique à l’ensemble de ses distributeurs européens ». A la clé : « Une réduction estimée entre 30 et 40% des gaz à effet de serre liés au transport, selon l’itinéraire ». Actuellement, 14% de l’empreinte carbone de la société est attribué à la distribution, d’où l’intérêt de réduire l’impact environnemental du transport.
La Catalogne en première ligne du changement climatique
Pour Miguel Torres, fervent défenseur de l’environnement et lanceur d’alerte sur la nécessité de lutter contre le changement climatique, « la distribution est souvent reléguée à l’arrière-plan. Or, son impact environnemental est particulièrement significatif ». Située dans une région très touchée par la sécheresse, la société a beaucoup investi dans les moyens de lutte contre les événements climatiques. Depuis 2008, elle a alloué 23 millions € à des initiatives d’adaptation et des mesures d’atténuation du changement climatique. Si les résultats sont au rendez-vous – la réduction de ses émissions de CO2 a atteint 40% par bouteille depuis la vigne jusqu’au consommateur en 2024 par rapport à 2008 – la bataille continue. Dans un entretien récent accordé au journal britannique « The Guardian », Miguel Torres a affirmé que d’ici 30 à 50 ans la société pourrait être contrainte d’abandonner ses terres ancestrales en Catalogne à cause de la sécheresse et de la chaleur. « Cette région pourra convenir à l’activité touristique mais je ne pense pas que la viticulture se poursuivra ici ».