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Les vignerons surpris ou sévères face à l'affaire Lacheteau pour "pratiques commerciales abusives"
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Les vignerons surpris ou sévères face à l'affaire Lacheteau pour "pratiques commerciales abusives"

Après deux années d’enquête, le service des Fraudes a assigné devant la justice la filiale ligérienne des Grands chais de France en réclamant une amende de 6,6 M€. Les producteurs réagissent, entre partenariat traditionnel jugé satisfaisant ou pratiques à revoir pour les rééquilibrer..
Par Patrick Touchais Le 02 juin 2025
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Les vignerons surpris ou sévères face à l'affaire Lacheteau pour
Lacheteau dispose de six centres de vinification dans la Loire, pour un chiffre d'affaires de plus de 105 M d'euros. - crédit photo : Patrick Touchais
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’affaire était restée secrète. Jusqu’à ce 15 mai, quand l’AFP révèle que la Répression des fraudes a diligenté une enquête visant la société Lacheteau, l’un des plus gros négociants de la Loire (plus de 105 millions € de chiffre d'affaires). Menées de 2020 à 2021 et portant sur les exercices 2016 à 2018, ces investigations ont débouché sur l’assignation de la filiale ligérienne des Grands chais de France (GCF) devant le tribunal de commerce de Rennes, pour « pratiques commerciales abusives ». L’affaire porte sur les relations du négociant avec quarante-quatre de ses fournisseurs.

En cause, les réductions pratiquées par Lacheteau à ses livreurs de raisins et moûts. En clair, le négoce calcule le prix à payer en partant du cours du vin, auquel il retire les charges de vinification, plus 2 % du volume pour les prestations viniques et, le cas échéant, les frais d’enrichissement. « Des coûts qui incombent aux vinificateurs », estiment les Fraudes.

Pour cette raison, le ministère de l’Économie demande au tribunal de commerce de Rennes de prononcer une amende civile de 6,6 M€, correspondant au triple du montant des sommes indûment obtenues par Lacheteau pendant trois ans. L’audience prévue le 22 mai a été repoussée.

Réaction à chaud

Dès l’annonce de cette affaire, la filière a fait bloc derrière le négociant, indiquant qu’il s’agissait d’une pratique courante. « On part du prix du vin, on déduit des frais pour parvenir au prix du moût ; ça ne me pose pas de problème, pose Valentin Chauviré, coprésident des rosés de l’Anjou. On a toujours fait comme cela. Si le prix est digne, il n’y a pas de souci. En revanche, d’autres choses me choquent. La première, c’est que la filière n’avait pas à réagir sur une affaire qui n’est pas encore jugée. Et, en tant que responsable syndical, je suis beaucoup plus choqué par le non-respect des délais de paiement ou des dates d’enlèvement, et de voir des prix inférieurs aux coûts de production. »

Depuis 2023, la situation des cabernets et rosés d’Anjou s’est dégradée. Du fait du recul des ventes en grande distribution, une partie des volumes de vrac ne trouve pas de débouché et les cours ont chuté de 15 %. Ainsi, le Cabernet d’Anjou 2024 s’échange actuellement à 152 €/hl.

Producteur à Saint-Jean-des-Mauvrets, en Anjou, Philippe Moget livre environ 650 hl de moût de rosé et 300 hl de vin, à trois maisons. « Toujours les mêmes, indique-t-il. Tous les prix sont bâtis à partir du cours du vin. Les frais de vinification retirés s’élèvent à 17 €/hl. J’ai signé des contrats pluriannuels. Tous les ans, le prix est fixé début juillet, mais en ce moment, on n’est pas en position de force sur les rosés. Pour le reste, les délais de paiement sont respectés. Globalement, la relation se passe bien. »

Pas tous d’accord

Plus sévère, ce producteur angevin – resté anonyme –, qui livre des raisins en crémant de Loire à plusieurs maisons, est d’un avis différent. « Le négoce a totalement la main sur le volume et sur le prix, déplore-t-il. Le vigneron ne négocie rien. C’est bien que les pouvoirs publics se mêlent de notre filière. Il y a des choses à revoir. La preuve… » Il s’agace d’ailleurs du mode de fixation des prix. « Dans le cadre des contrats pluriannuels, le prix de la future récolte peut être révisé jusqu’au 31 juillet, soit un mois avant les vendanges ! »

Président de l’association des vignerons d’Anjou-Saumur qui livrent chez Lacheteau, Damien Jouin, à la tête de 90 ha à Tigné, dont les deux tiers sont destinés au négoce, s’étonne de cette affaire. « On a toujours construit les prix de cette manière. » Cette association compte une centaine de vignerons, qui ont tous signé des contrats pluriannuels. « Le fait d’être ensemble nous permet de défendre nos positions. Évidemment, chacun protège ses intérêts. En ce moment, alors que la situation est compliquée en rosé, les contrats pluriannuels nous assurent un débouché, et en crémant de Loire, c’est Lacheteau qui a fait grimper les cours. »

Son alter ego en muscadet, Jean-Yves Bretaudeau, qui préside Vignerons Nantes Atlantique, se dit lui aussi « surpris par cette affaire ». Son groupement rassemble quatre-vingts producteurs. « Évidemment, on souhaiterait toujours être payé plus. Mais on a des échanges. C’est un partenariat qui fonctionne. »

En bonne entente

Apporteur de moût de crémant de Loire sur une douzaine d’hectares, un autre producteur apprécie la relation établie avec son acheteur, une des maisons historiques de Saumur. « J’ai travaillé pendant longtemps via des contrats spot. La transaction passait par le courtier qui venait nous rencontrer, voir ce qu’on avait à proposer. Ensuite, le négociant commandait selon ses besoins. Cette année, j’ai signé un contrat pluriannuel en engageant 12 ha. Le prix du moût est fixé par le négociant, mais avec cette maison, il est toujours supérieur à la moyenne, et les délais de paiement sont respectés. Tout comme les enlèvements. » Comme ailleurs, le prix est construit sur la base de celui du vin, ce que le vigneron ne conteste pas. Le seul hic, selon lui : la déduction, au titre des prestations viniques, de 2 % du volume livré.

Une vieille histoire

« Ce sujet des lies et bourbes, c’est une vieille histoire, confie un producteur de rosés. Mon père se battait déjà contre ça. » Si certains producteurs ont réussi à faire sauter cette déduction, elle semble encore très répandue selon les témoignages que nous avons recueillis. Reste à savoir pour combien de temps, car viennent de s’ouvrir les discussions entre négoce et production sur les accords interprofessionnels pour la période 2026-2029. Du côté de la Confédération des vigneronnes et vignerons de la Loire, l’heure doit être au changement. « À l’heure des lois Égalim, nous souhaitons un renforcement des conditions qui encadrent le régime des délais de paiement dérogatoires pour les contrats pluriannuels, la fixation d’un prix net et ne pouvant faire l’objet d’aucune réfaction, ou encore l’absence de clause de renégociation annuelle du prix, au profit d’une formule de révision automatique en année 2 et 3 du contrat. »

La maison Lacheteau se défend

Dans un communiqué adressé à la presse le 16 mai, la société Lacheteau conteste « formellement les allégations formulées à son encontre. Les pratiques mentionnées dans cette assignation relèvent d’usages professionnels établis dans le bassin viticole ligérien dans le cadre de contrats librement négociés de gré à gré entre les parties, notamment en ce qui concerne la détermination du prix des raisins ou des moûts, en tenant compte d’une information sur la référence base vin donnée à titre indicatif comme point de repère […]. Ces dispositions contractuelles ne sauraient être assimilées à des pratiques abusives ».

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