ans les Côtes-du-Rhône, Thomas, viticulteur sur une quarantaine d’hectares, a revu son management il y a cinq ans pour fidéliser ses salariés. « Je ne parvenais pas à garder mes salariés, mais j’avais trop la tête à mon travail pour y réfléchir », témoigne-t-il. En 2019, son alternant en BTS lui fait remarquer que l’embauche du matin n’est pas assez structurée. Fort de cette critique, Thomas modifie son approche et prépare mieux les journées de travail, en veillant par exemple à ce que les outils de chacun de ses trois salariés soient prêts à 8 h.
« On commence le travail plus rapidement le matin, ce qui m’a permis d’instaurer une pause-café de 10 h à 10 h 15 tous les jours, explique Thomas. Durant ce temps, on discute des projets des uns et des autres, de leurs enfants, etc. Depuis trois ans, on participe aussi ensemble à une journée technique. Tout le monde apprécie beaucoup ce moment. Sur les conseils de mon comptable, j’ai ouvert en 2024 un PEE qui est un outil assez intéressant fiscalement. » Toutes ces attentions et décisions ont porté leurs fruits. « Je n’ai plus de démission ! », assure le vigneron.
Emmanuel Pujol, président du domaine Pujol à Saint-Frichoux, dans l’Aude (140 ha, 400 000 bouteilles), s’investit également dans les relations avec ses onze salariés. « Avec les difficultés de recrutement au sein de notre filière, il est important de mettre de l’énergie dans la gestion des équipes, précise-t-il. Nous faisons en sorte de garder un esprit convivial et humain. Nous fêtons les anniversaires et nous organisons des pots avant les vendanges, à la fin de la taille ou d’une plantation. »
Dans le même esprit, le domaine Pujol autorise aussi une grande flexibilité au niveau des horaires. Il prête ses utilitaires à ses employés pour leurs déménagements ou son tractopelle pour leurs travaux dans leur jardin.
Sur un plan plus formel, il réalise des entretiens individuels d’une à deux heures tous les deux ans. « C’est prenant mais cela permet de faire le point sur ce qui va et sur ce qui est à améliorer, constate Emmanuel Pujol. En ce moment, avec le climat économique qui se détériore, on communique sur le fait que c’est difficile mais qu’on va y arriver tous ensemble. On essaie de maintenir le dialogue et une bonne ambiance. On met nos tripes pour être à l’écoute de nos salariés. Cela prend du temps et de l’énergie émotionnelle. Mais ces efforts paient car nous avons peu de turn-over. »
Rémy Hyacinthe, consultant chez AOC Conseils détaille « Seulement 22 % des salariés quittent leur entreprise pour un meilleur salaire. La rémunération, même si elle importante, n’est pas le premier motif de démission. C’est le manque de sens et de reconnaissance qui entraînent un départ. On peut donc agir positivement au quotidien pour fidéliser ses équipes sans forcément engager des dépenses importantes. Cela commence dès le recrutement en soignant l’intégration des nouveaux venus, en leur faisant découvrir les différentes fonctions de l’entreprise, ses façons de travailler et ses objectifs. Il est important aussi que le poste de chacun soit bien précisé et de faire des entretiens annuels. » « Bien d’autres dispositions simples et concrètes contribuent à la fidélisation et à la motivation, comme une salle de repos agréable, des outils de travail performants et qui réduisent la pénibilité, une formation bien ciblée, la participation de l’exploitation à une course solidaire ou à une plantation d’arbres. Pour partager le projet de l’entreprise, il faut que le salarié perçoive le sens de son travail. »