Béatrix Esposito : En préalable, il faut intégrer que chaque salarié a sa motivation. Pour les uns, le travail est important dans leur vie, pour les autres, c’est alimentaire. Le vigneron n’a pas de prise sur cela. Il peut en revanche agir sur plusieurs leviers en donnant un cadre, en communiquant correctement, en faisant un retour sur le travail réalisé et en déléguant.
B. E. : Les salariés ont besoin de règles claires. L’idéal est de les rédiger dans un règlement intérieur, même si ce n’est pas obligatoire dans les petites entreprises. Vous pouvez préciser si vos salariés ont le droit ou non d’utiliser leur portable pendant le travail, s’ils peuvent fumer sous un hangar, etc. Quand on annonce les règles, c’est plus facile de les faire respecter.
B. E. : Oui, c’est essentiel. Le chef d’exploitation a souvent les consignes dans sa tête, mais ne prend pas le temps de les formuler ni, surtout, de s’assurer que le salarié les a bien comprises. C’est ainsi que l’on se retrouve avec un salarié qui griffonne la mauvaise parcelle ou un autre qui traite quatre lignes de la vigne du voisin. Il ne faut pas hésiter à aller sur place au début d’un chantier. Dans le même esprit, il est important de parler des congés et de les organiser équitablement entre les salariés. Les congés sont souvent un sujet tabou car le vigneron n’en prend pas ou très peu.
B. E. : Si vous passez une annonce pour un caviste, il faut qu’une fois embauché ce salarié soit majoritairement en cave. Je connais un tractoriste qui ne faisait que 20 % de tracteur. Son patron était sympa, mais il est parti au bout de neuf mois. Dans de telles situations, tout le monde est perdant.
B. E. : J’accompagne des vignerons qui proposent à leurs salariés fidèles de prendre en charge l’entretien du matériel ou à un tractoriste qui fait du travail du sol de commencer à faire les traitements. On peut aussi demander à un employé d’avoir un rôle sur la sécurité et de faire remonter les risques et de valider que la trousse à pharmacie est complète. La montée en compétences passe par des formations. Il faut nourrir ses salariés et stimuler leur intérêt par la visite d’autres exploitations ou par la participation à des salons et à des matinées techniques.
B. E. : L’accueil d’un nouveau salarié est souvent négligé. Il est pourtant essentiel de faire un tour de l’exploitation avec lui, en le présentant à l’équipe, en lui montrant où l’on se retrouve le matin, etc. Il ne faut pas le lâcher dans la nature ! Au début, on doit s’assurer que tout se passe bien pour lui en lui posant clairement la question : « comment te sens-tu dans l’entreprise ? », « est-ce que tu as besoin de plus d’informations », etc.
B. E. : Les salariés restent dans les entreprises où ils se sentent respectés. Il faut être attentionné, en proposant par exemple un café chaud à 10 heures du matin quand une équipe taille dans le froid et le vent. C’est bien aussi de venir parfois tailler avec ses salariés, « de mouiller sa chemise » avec eux. Enfin, même si actuellement les salariés viticoles sont en position de force, il ne faut pas tout accepter de peur qu’ils ne partent. J’en vois qui passent une heure de travail par jour sur leur portable, sans réaction du vigneron !