arrotés financièrement, Émilie et Benjamin Faucheron jettent l’éponge bio. Ces viticulteurs gèrent le Domaine de la Grande Canague, 60 ha à Montady dans l’Hérault et adhèrent aux Vignerons du Pays d’Ensérune. Depuis des années, ils partagent avec succès leur expérience viticole sur YouTube. Début mai, leur vidéo annonçant qu’ils ont arrêté le bio a été vue 100 000 fois. Cette décision, ils l’ont prise à contre-cœur. « Pour nous, c’est un gros coup dur. Mais on n’a pas le choix. Notre modèle n’est plus viable économiquement. A force de se le répéter depuis deux ans, l’hiver dernier, on a tranché », témoigne Emilie Faucheron. Avec des coûts de production jusqu’à 30 % plus chers, le couple n’avait plus de retour sur investissement depuis deux ans. « Qu’on soit adhérent HVE ou bio on est payé pareil, car les raisins sont vinifiés ensemble ».


Après un sentiment de colère, « nos gouvernants ont poussé pour que la filière s’engage dans le bio mais il n’y a pas de suivi », les Faucheron ont choisi d’aller de l’avant. « Je viens d’une famille de vignerons, je savais que ce métier exige de faire des choix pour s’adapter au marché. On va se réinventer », assure Emilie, remplie d’énergie. L’hiver dernier, le couple passe des heures à étudier les différentes matières actives autorisées en HVE 4, autre label obtenu il y a deux ans. « On a un technicien privé qui passe au domaine, mais je tenais quand même à maîtriser le sujet. On voulait des produits phytos efficaces, mais pas de produits exigeant 100m de ZNT, pas de délais de rentrée longs et pas de produits non respectueux des applicateurs ». Ce 14 mai, ils ont fait trois traitements. Un premier mi-avril avec du soufre couplé à de l’Essen’ciel, du Fosétyl aluminium et du folpel à demi doses. Un second le 28 avril avec un Profiler, du soufre et un IBS et un 3e passage le 8 mai avec un Rocca et un Pass Orondis. « Avec ce printemps très pluvieux, nos collègues en bio subissent plus de pression que nous. C’est sûr, on a davantage de leviers de sécurité ». Plus de facilité aussi contre la pousse de l’herbe, grâce à un premier désherbage chimique effectué en sortie d’hiver. Emilie et Benjamin tiennent toutefois passer à une conduite mixte. Ils ont apporté des engrais organiques en mars, le premier épamprage en cours est soit chimique, soit mécanique en fonction des parcelles et ils souhaitent continuer à utiliser la confusion sexuelle.


Un constat, depuis la dizaine d’années qu’ils sont installés, ils disent n’avoir jamais été aussi efficaces. « On est plus qu’à l’heure dans nos travaux ! Cela nous dégage du temps pour notre activité oenotouristique ». Déjà très actif avec la proposition de balades vigneronnes, de gîtes, d’une salle de réception avec un village de tipis pour les mariages, le couple dit encore regorger d’idées pour développer l’œnotourisme. Un atout financier indispensable pour pérenniser le domaine. Arracher des vignes pourrait aussi aider. « Si on écoutait les chiffres, il faudrait arracher 13 ha. Mais on a beau raisonner en chefs d’entreprise, il y a bataille entre le cœur et la raison », souffle Emilie.