Choisir des variétés résistantes ne signifie pas juste planter et laisser pousser, s’agace Laurent Delière, directeur de l’unité expérimentale vigne et vin à l’INRAE de Bordeaux. Ces variétés doivent être conduites de la même façon que les cépages sensibles, avec une protection phytosanitaire, des sols entretenus, un relevage et un palissage soigneux pour limiter la pression mildiou et oïdium. La seule différence, c’est le nombre de traitements : deux au minimum, en général en encadrement de la fleur. Mais lorsqu’il faut 15 à 20 traitements pour protéger les variétés sensibles, comme c’était le cas sur certains secteurs en 2024, traiter 4 ou 5 fois les variétés résistantes pour protéger les gènes de résistance ne semble pas délirant. »
Difficile pour Laurent Delière d’être plus précis dans ses recommandations. « Nous sommes encore en phase expérimentale, reconnaît-il. Nous savons qu’il faut traiter les variétés résistantes mais il est difficile de déterminer avec précision le nombre et le stade d’application. Il faut se référer aux conseillers viticoles des secteurs ».
Anne Sandré, la responsable du service viticulture à la Chambre d’agriculture du Gard n’apportera guère plus de précisions. « Le nombre de traitements dépend de la pression fongique de l’année, comme c’est le cas pour les cépages classiques. La théorie c’est à minima deux traitements contre le mildiou et l’oïdium en encadrement de fleur, en même temps que le reste du vignoble. Et contre le black rot, on protège les variétés résistantes comme le reste du vignoble, à la même dose et à la même fréquence. »
Anne Sandré ajoute qu’il est inutile de traiter contre mildiou si la pression est nulle. « En revanche, quand elle est extraordinaire comme 2024, il faut ajouter un troisième antimildiou après les deux premiers. Le plus simple étant de traiter les cépages résistants en même temps que le reste du domaine, avec les mêmes produits et à la même dose/ha. »
Sur les parelles qui ont subi un contournement de résistance l’année dernière, Aline Mourgues, conseillère viticole à la Chambre d’agriculture de l’Hérault préconise d’appliquer la protection qu’aux vignes classiques. « En s’appuyant sur le bulletin Performance Vigne pour décider du début de la protection, du rythme des renouvellements ainsi que des doses à utiliser », détaille-t-elle.
Laurent Delière rappelle que toutes les variétés résistantes doivent être traitées ajoutant : « il va falloir apprendre à les protéger pour s’assurer dans le temps de leur résistance vis-à-vis du mildiou et de l’oïdium ».
Le Comité Champagne a opté pour une stratégie différente des autres organismes s’agissant du Voltis, le seul cépage résistant autorisé dans cette AOC. « Nous préconisons un à trois traitements après la floraison afin que ce cépage, hautement tolérant au mildiou, conserve cette tolérance, explique Marie-Laure Panon, responsable du service Ecosystème et Protection au Comité Champagne. En l’absence de black rot en Champagne, il n’y a aucun intérêt à traiter le Voltis au moment de la fleur. Le premier traitement est à positionner après la fleur car c’est là, bien souvent, qu’il y a le plus d’inoculum de mildiou. Et on renouvelle ce traitement une à deux fois selon la pression parasitaire de l’année, l’état sanitaire de la parcellaire et la pluviométrie. Mais les stratégies sont toujours révisables, avec l’évolution des connaissances et du parasitisme »