’est une première dans le vignoble français : un président d’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) d’un vin d’appellation (AOP) vient d’être placé en période d’observation dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire par le tribunal. Souhaitant garder l’anonymat, ce vigneron l’affirme : « il faut dédramatiser la chose. Le redressement est un outil pour aider les entreprises à passer le cap lors de difficultés. Ce n’est pas la mort de l’entreprise. Plutôt que de courir sans fin après 1 000 € pour payer une facture, c’est une pause pour tout remettre à plat. Il reste un espoir pour passer la vague. »
Sans sacraliser les mises en sauvegarde ou redressement alors que les difficultés économiques s’amoncellent dans la filière, le président d’AOC plaide pour le recours au bon outil au bon moment (il existe également le mandat adhoc), à sélectionner et actionner avec l’appui d’experts judiciaires selon chaque situation. « Chaque cas est particulier » souligne le vigneron, qui reconnait une difficulté de taille à surmonter avant toute action : « il faut ravaler sa fierté » et se dire que « si dans 10 ans mon entreprise est toujours là grâce au redressement, je serai plus fier que si j’avais persisté et étais allé dans le mur sans me remettre en question ». Assumer la précarité économique de son entreprise à l’extérieur est d’autant plus difficile dans le monde viticole que les vignerons croient souvent que les défaillances sanctionnent ceux qui ont mal travaillé.
Sentiment d’injustice
« En discutant avec des experts, on voit que cela dépend beaucoup des investissements » pointe le président d’ODG, qui constate tristement que « beaucoup de belles structures sont en difficulté alors qu’ils ont fait ce qu’il fallait. Ils ont bien œuvré pour produire des vins et les commercialiser en investissant et en engageant du personnel… Tout ça a un coût qui pèse très vite quand le marché se retourne. À l’inverse, d’autres structures ont un endettement moindre parce qu’elles n’ont pas investi et vont moins souffrir. » Un sentiment d’injustice ressenti par nombre de vignerons en difficulté alors qu’ils ont fait tout ce qu’il fallait pour moderniser leurs profils de produit et être présents sur les marchés valorisés.
Dans ce contexte difficile, « le redressement judiciaire est un outil technique qui permet de faire une pause pour remonter la pente, alors que nous avons les outils pour faire de bons vins et les commercialiser » pointe le vigneron AOC, notant que « le regard des fournisseurs reste assez bienveillant. Même s’ils sont plus méfiants et demandent des garanties, je n’ai pas eu un fournisseur qui m’a tourné le dos. »