i Bordeaux connaît bien la route du cap Ferret, ses juridictions semblent avoir du mal à prendre le cap Ferrer. S’étant déroulée d’après l’enquête de janvier 2012 à juin 2014 sous le contrôle du négociant-commissionnaire Signes de Terres, et de sa dirigeante Sandrine Yanka Ferrer, la fraude ayant transformé 4 200 hectolitres de vins languedociens (IGP Pays d’Oc et vins de France à "typicité bordelaise") en appellations girondines (Bordeaux, Pauillac, Pomerol, Margaux, Pessac-Léognan, Saint-Julien…) reste coincée à l’instruction judiciaire depuis les contrôles administratifs de 2014 l’ayant dévoilée.
Si le procès était un temps attendu pour le deuxième semestre 2018 par le tribunal judiciaire de Libourne, la procédure traîne en langueur. D’après les informations réunies par Vitisphere, Yanka Ferrer a été mise en examen fin 2022*, la fin d’information judiciaire annoncée l’été 2023 a été suivie d’une attaque de l’ordonnance de renvoi par la défense de l’ancienne négociante, qui ne semble pas vouloir être la seule à comparaître pour les fraudes qui lui sont reprochées. Des demandes visiblement rejetées par le juge d’instruction fin 2023 avec une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel qui a été attaquée en appel par la prévenue. Ce 20 mars, une audience à huis clos de la chambre de l’instruction à la cour d’appel de Bordeaux étudiait la demande de prolongation de l’instruction déposée par les avocats de Yanka Ferrer, qui se résumerait à la demande d'audition d’autres personnes impliquées dans les 22 transports poursuivis pour falsification de comptabilité matière.
Représentant un chiffre d'affaires de 3 millions d’euros, ces volumes trompeurs ont changé d’origine par un jeu de passe-passe de Documents d’Accompagnement Électronique (DAE) en cours de route (sans déchargement du camion-citerne, mais avec changement de destination en même temps que de qualité) aboutissant à l’achat de vins contrefaits par de grands noms de la place de Bordeaux : du groupe Castel aux Grands Chais de France, en passant par le Cellier Vinicole du Blayais (la filiale du groupe coopératif Tutiac, qui a été impliquée dans une fraude encore plus massive : 34 587 hl de vins espagnols francisés de 2014 à 2016) et Grands Vins de Gironde (GVG, qui a été condamné dans une fraude de 6 000 hl de 2014 à 2015 et a employé un temps Yanka Ferrer comme assistante commerciale au début des années 2000). Se considérant victime de la fraude, GVG est le seul négoce à s’être porté partie civile dans l'affaire Ferrer, aux côtés de la Fédération des Négociants de Bordeaux et Libourne, la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB), les AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Margaux, Pauillac, Pomerol et Saint-Julien, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), la Confédération Paysanne de Gironde et l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO).
* : Une mise en examen pour circulation de produit ou bien relevant de la législation des contributions indirectes sans document d’accompagnement conforme produit vitivinicole, omission ou inexactitude dans le registre des entrées et sorties des produits vitivinicoles, tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l’origine ou la quantité d’une marchandise, tromperie pour faire croire qu’un produit bénéficie d’une appellation d’origine.