ans reconnaître d’erreur de pilotage dans le conflit commercial avec les États-Unis, la Commission Européenne met le pied sur le frein face à l’exposition de ses vins et spiritueux à des droits de douane de 200 % annoncés ce 13 mars pour le 2 avril par le président américain Donald Trump, en réaction aux taxes européennes de 50 % ciblant les bourbons à partir du 1er avril et dévoilées le 12 mars avant que ne soient annoncés mi-avril d’autres produits taxés (dont des vins et spiritueux). Si les bordeaux, bourgognes, champagnes et cognacs ne sont pas spécifiquement cités, il semble bien que Bruxelles se décide à les prendre en considération pour sortir de la surenchère du conflit commercial transatlantique sur l’acier et l’aluminium.
« À la lumière de l'annonce récente selon laquelle les États-Unis prévoient d'introduire des droits de douane supplémentaires le 2 avril, nous envisageons maintenant d'aligner le calendrier des deux séries de contre-mesures de l'Union Européenne, de sorte que nous puissions consulter les États membres sur les deux listes en même temps. Cela nous donne également plus de temps pour les négociations afin d'essayer de trouver une solution mutuellement acceptable » annonce le commissaire européen au Commerce, Maro? ?efčovič, à l’occasion du Comité sur le commerce international du Parlement Européen.


« Par conséquent, toutes les contre-mesures de l'Union Européenne annoncées le 12 mars [en réaction à l'imposition de ces droits de douane injustifiés] prendraient effet à la mi-avril [en même temps que la deuxième vague de pénalités dont la liste est soumis aux états membres jusqu’au 26 mars] » indique l’ancien ambassadeur slovaque, précisant que « ce paquet comprend les contre-mesures suspendues par l'Union Européenne en 2018 et 2020 qui ciblent une série de produits américains, en réponse au préjudice économique causé à 8 milliards d'euros d'exportations d'acier et d'aluminium européens. » Si des échos annoncent que le bourbon a été supprimé de la liste des mesures de rétorsion, conformément à l'exigence du président Donald Trump, pour l'instant la Commission ne confirme ni n'infirme rien.
Négociations
« Nous continuons à croire que le dialogue est toujours plus efficace que les tarifs » espère Ignacio Sánchez Recarte, le secrétaire général du Comité Européen des Entreprises du Vin (CEEV), indiquant accueillir « positivement cette nouvelle. D’un côté, le fait de réviser la première liste est une opportunité pour l’Union Européenne de la faire plus efficace et dans ce cadre de ne pas cibler le bourbon (nous croyons que ce n’est pas la meilleure des solutions). De l’autre ça donne un peu plus de temps pour négocier entre les administrations. »
Et éviter d'agiter de nouveaux chiffons rouges… Parmi les produits ciblés par la Commission dans sa première liste, le bourbon américain était taxé à 50 % quand les autres produits étaient ciblés à 25 %. Une erreur qui n’a pas manqué d’irriter la filière des vins et spiritueux qui alertaient sur un risque disproportionné mettant en péril l’accès au marché américain. Comme ils alertaient sur la prise d’otage des cognacs et armagnacs dans le conflit avec la Chine sur les voitures électriques.


Ministre de l’Agriculture, Annie Genevard indique, lors d’un déplacement dans les vignoble de Bordeaux et de Cognac ce 20 mars, que « la France demande expressément que les mesures de de rétorsion aux taxes initiées soit par les États-Unis, soit par la Chine, tiennent compte du préjudice qui pourrait en résulter pour les filières. Je prends l'exemple de la viticulture européenne : 12 milliards d'exportations de l'Union européenne vers les États-Unis, mais c'est 500 millions € des États-Unis vers l'Union européenne. Vous voyez, on n'est pas du tout dans le même rapport de préjudice de l'un par rapport à l'autre. » La France demandant à la Commission Européenne de retirer les vins et spiritueux des listes de mesures de rétorsion et enclenchant de nouvelles négociations avec la Chine (le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se rendant à Pékin du 27 au 28 mars).
Dans l’immédiat, « la Commission annonce le report des droits de douane sur le bourbon américain » salue l’eurodéputé Eric Sargiacomo sur Linkedin. Le co-président de l’intergroupe vin du Parlement Européen prévenant que « c’est une avancée positive, mais il reste encore beaucoup à faire pour assurer une protection durable à nos filières agricoles et viticoles. L’Europe doit rester proactive et ne plus laisser nos producteurs être pris en otage des conflits commerciaux. » Rien n’étant joué, la Commission se donnant 2 semaines pour trouver un accord d’apaisement loin d’être gagné au vu de la logique du bras de fer appliqué par Washington. Sans reconnaître d’erreur de pilotage dans le conflit commercial avec les États-Unis, la Commission Européenne pourrait maintenant passer la marche arrière.