Qui se sent parfois dépassé ? Impuissant ? Qui a le sentiment que tout va trop vite ? » A chaque question, une forêt de mains se lève dans la salle. Ce 12 mars, pour ouvrir les Rencontres du vin de demain à Tain-L’Hermitage (Drôme), Matthieu Dardaillon, fondateur de Ticket for Change, a pour mission de donner des clés pour « mieux agir et mieux vivre dans un monde en grande mutation ». Le public est composé de vignerons et salariés d’entreprises adhérentes aux Vignerons Engagés. Parmi les soucis majeurs exprimés : la crise de la consommation de vin, la main d’Å“uvre, le climat, la transmission des exploitations. « Et tous les problèmes se télescopent », acquiesce l’intervenant.
Deux heures plus tard, les problèmes du monde viticole ne sont pas résolus mais la salle semble plus détendue. Matthieu Dardaillon a invité à une prise de recul pour voir notre époque comme « une sorte de Renaissance à laquelle nous pouvons tous participer ». Il a donné des outils pour traverser cette zone de turbulences, inspirés du travail de divers chercheurs.
Parmi eux, cinq modes de pensée et d’action des « entrepreneurs qui avancent dans un monde d’incertitude », mis en avant par l’économiste américaine Saras Sarasvathy. D’abord, démarrer avec ce qu’on a déjà : compétences, réseaux et moyens matériels, au lieu d’attendre un alignement des planètes. Raisonner en perte acceptable plutôt qu’en gain attendu, afin d’oser prendre des risques à l’intérieur d’un cadre fixé. Ne pas partir seul mais obtenir des engagements des clients et partenaires. Tirer parti des surprises, en réajustant sa stratégie régulièrement. Enfin, faute de pouvoir prévoir l’avenir, essayer de créer celui que l’on souhaite.
« Tout commence par le rêve », assure Matthieu Dardaillon. Ce sera la « boussole » qui permettra d’avancer à petits pas en composant avec la réalité. Inutile de dessiner toute la trajectoire (sauf pour négocier avec un banquier): « pour avancer, on a besoin d’une vision à très long terme et d’objectifs à très court terme : lorsqu’on est allés du point A au point B, on fixe un point C. »


Parce que la route est longue et ardue, il insiste : « Surtout, prenez soin de vous et de vos équipes ! » Mais il a une bonne nouvelle : « afin de changer de paradigme, il suffit d’une minorité de personnes très engagées pour atteindre un point de bascule, et d’autres suivront. Vous [Vignerons Engagés] représentez 5 % du vignoble : si vous changez les pratiques sur ces 5 %, c’est déjà énorme ! » Mais pour entraîner le reste de la filière, il y a une condition. « Quel que soit l’état du monde, cultivez la joie et prenez du plaisir sur votre chemin, reprend-il. Montrer l’exemple ne suffit pas, il faut donner envie de vous suivre. »
Au milieu des applaudissements, des vignerons expriment leur « frustration que les choses ne bougent pas plus vite ». Et puis se rendent compte qu’ils sont nombreux à vivre la même frustration, dispersés sur le territoire. Au milieu de ces temps troublés, un vent d’optimisme vient de souffler et les Vignerons Engagés sont prêts à repartir pour un tour… en commençant par cultiver la joie jusqu’au bout de la nuit.
Le président de Vignerons Engagés, Rémi Marlin, l’a rappelé : cette organisation qui rassemble 6 000 membres répartis en quatre collèges (producteurs, négociants, partenaires et distributeurs) veut répondre aux défis du monde actuel sur trois piliers : économique, social et environnemental. Une priorité de 2025 sera de quantifier, qualifier et valoriser les réalisations des Vignerons Engagés auprès du consommateur et travailler sur la répartition de la richesse. Tout en continuant à améliorer les pratiques.