omment le type de couvert et son mode de destruction influencent-ils la vulnérabilité des vignes face au gel printanier ? En 2024, Laetitia Bau, ingénieure agronome de l’École Supérieure des Agricultures d’Angers (ESA) et Thomas Chassaing, conseiller viticole de l’association technique viticole du Maine-et-Loire (ATV 49), ont cherché à le comprendre en comparant dans le cadre du projet ClimatVeg trois types de couverts (un enherbement naturel principalement composé de Lolium perenne, Poa trivialis, Rumex obtusifolius, Medicago arabica, Ranunculus sardous, Allium schoenoprasum, Veronica arvensis et de Crepis mollis, un engrais vert à base de Vicia faba, et une alternance d’inter-rangs recouverts d’un enherbement naturel et d’un engrais vert semé à base de Vicia faba, Avena sativa, Pisum sativum et de Vicia sativa) et trois méthodes de destruction (un roulage cinq jours avant la prévision gel, un broyage un mois avant, et l’absence de destruction) dans une parcelle de grolleau taillée en cordon de royat à 100 cm du sol.
Un épisode de gel radiatif a eu lieu dans la nuit du 22 au 23 avril 2024, quand la parcelle avait atteint le stade 3-4 feuilles étalées. Dans les modalités non détruites, l’enherbement naturel atteignait 25 cm de hauteur contre 50 cm pour l’engrais vert plurispécifique.
Le roulage 5 jours avant l’épisode de gel de la Vicia faba a créé le microclimat le plus défavorable aux ceps de vigne, avec une température de -9.05°C à la surface des couverts et 86% d’humidité relative à 60 cm du sol, contre -3,79°C et 80% d’humidité relative au-dessus des mêmes couverts broyés un mois plus tôt. C’est au-dessus de l’enherbement naturel broyé que la température est descendue le moins bas (-3,5°C), et dans les modalités semées avec des engrais verts, que les températures à 60 cm au-dessus du sol sont restées plus longtemps en-dessous des -1°C, limite de sensibilité des bourgeons au stade 3-4 feuilles étalées en conditions humides.
Les comptages ont montré que l’alternance d’inter-rangs couverts d’un enherbement naturel et d’un engrais vert plurispécifique présentait le pourcentage moyen de bourgeons gelés le plus élevé (75,65 % par cep), tandis que le même type de couvert végétal broyé un mois avant l’épisode de gel présentait uniquement 55,50 % de bourgeons gelés.
« Mais seul le type de couvert végétal a eu un effet significatif sur l’intensité des dégâts de gel observés, notent Laetitia Bau et Thomas Chassaing. Celle-ci étant la plus faible dans l’enherbement naturel où la majorité des bourgeons présentaient principalement des dégâts de gel sur feuilles. À l’inverse, les modalités semées avec des engrais verts comprenaient le plus grand nombre de ceps dont la majorité des bourgeons présentaient des feuilles, des apex et/ ou des inflorescences endommagés par le gel, à l’exception de la base des rameaux. »
Selon eux, ces résultats s’expliquent par la plus forte densité de biomasse des engrais verts qui piège le froid au-dessus du sol. « De plus, les légumineuses présentes dans les engrais verts semés, et en particulier la Vicia faba, ont une teneur en matière sèche inférieure à celle des graminées. Une fois les engrais verts détruits, les résidus de légumineuses émettent alors plus de vapeur d’eau dans l’environnement des ceps », continuent-ils.
Pour conclure, Laetitia Bau et Thomas Chassaing indiquent que quel que soit le type d’espèces qui compose le couvert, les couverts végétaux augmentent le risque de gel printanier, surtout s’ils ne sont pas détruits. « Pour limiter les dégâts de gel, les viticulteurs peuvent donc privilégier l’implantation de couverts végétaux sur des parcelles non-gélives et les détruire par broyage au strict minimum 6 jours avant un épisode de gel en conditions humides. »