aut-il y voir le signe d’une filière globalement en bonne santé ? Toujours est-il que la Barcelona Wine Week attire de plus en plus d’adeptes de vins espagnols à chaque édition. Pour la première fois cette année, le salon occupera deux halls pour répondre à la progression de 33% du nombre de caves exposantes. En 2024, près de 21 000 visiteurs professionnels s’y sont rendus, dont 20% d’internationaux. C’est dire si le secteur espagnol intéresse les acheteurs, et que celui-ci entend concrétiser ses ambitions de montée en gamme. Les derniers chiffres publiés par le ministère espagnol de l’Agriculture ne contrediront pas cette volonté : prix en forte hausse, stocks en baisse et exportations dépassant 19,5 millions d’hectolitres sur douze mois jusqu’à fin octobre 2024, ce sont autant d’indicateurs de bon augure pour 2025.
Des voyants au vert, mais…
« En apparence, tout se passe bien », confirme de prime abord David Martin, courtier chez Ciatti basé en Espagne. « Mais ce qui m’inquiète un peu, c’est l’augmentation des prix ces derniers mois ». La faible récolte en France et dans une moindre mesure en Italie aidant, le prix moyen des vins blancs génériques espagnols est passé à 48,42 euros l’hectolitre, selon les chiffres du ministère, soit une hausse de 14,45% par rapport à la campagne 2023-2024 et de 41,7% sur la moyenne quinquennale. Même les rouges atteignent en moyenne 44,01 € l’hectolitre, en progression de 11,6% et de 8,16% respectivement. Si les voyants sont au vert, certains signaux alertent toutefois le courtier international. « Les chiffres sont bons, mais ils sont moins bons que l’an dernier. En début de saison en 2024, avec le millésime 2023, nous avons vu une activité supérieure de 20% à celle de cette année. L’an dernier, il fallait souvent attendre trois semaines ou plus pour transporter des vins en direction de l’Italie, de la France ou d’ailleurs. Cette année, si vous avez besoin de trois camions citernes pour l’Italie, vous les avez au bout de quelques jours ».


Sans surprise, la progression des prix au fil des mois a mis l’activité plus ou moins en pause à l’heure actuelle : « Seuls les acheteurs qui n’ont pas d’autre choix s’engagent aux prix actuels. S’ils ne sont pas pressés, ils attendront le mois de mars. Les contrats vont alors se signer ». Tout dépendra de la demande émanant de la France, de l’Italie, du Portugal ou d’ailleurs. « Si ces acheteurs se manifestent, les prix resteront stables à leur niveau actuel, mais pour le moment ce n’est pas le cas ». Certaines caves espagnoles campent sur leurs positions, d’autres s’enquièrent des opportunités sur le marché. Selon le ministère, les stocks s’élevaient à 58 237 480 hectolitres fin novembre, soit une baisse de 0,58% par rapport à 2023 et de 9,89% comparés à la moyenne quinquennale. « Lorsqu’on aura les chiffres pour fin décembre, il faudra être réaliste. Si nous avons suffisamment de vins, je pense que les prix vont infléchir légèrement. En revanche, on n’assistera pas à un changement radical, ni dans un sens ni dans l’autre ».
Les prix espagnols restent compétitifs
A plus long terme, David Martin prévoit une poursuite de la revalorisation des prix des vins espagnols. « Actuellement, les producteurs espagnols se rendent compte qu’ils vendent à des prix plus élevés, et qu’ils continuent de vendre. A terme, le changement climatique – la pénurie d’eau, les étés chauds et les fortes températures – ne favorisera pas la production de grands volumes de vins blancs et rouges génériques en Europe ». Estimée à 35,8 Mhl fin novembre par le MAPA, la production espagnole de vins reste particulièrement bien positionnée au niveau tarifaire. Les grands embouteilleurs espagnols s’inquiètent d’une perte de compétitivité actuellement en raison de la hausse des prix : « Ils avaient l’habitude de conclure des contrats autour de 40-45 cts le litre. Désormais ils ne trouvent rien en-dessous de 54-55 cts ». Mais globalement l’Espagne reste une destination attractive pour les acheteurs : « L’Espagne continue d’être la plus grande source de vins blancs génériques de bonne qualité à des prix compétitifs », reconnaît le courtier espagnol, qui pointe même un regain d’activité sur les rouges fin 2024, début 2025, à des prix en progression de 10 à 20%. « Les producteurs ne gagnaient rien sur les cépages rouges mais la situation s’améliore, et c’est tant mieux ».