Rochegude, dans la Drôme, Frédéric Marre exploite 20 ha de vigne en IGP Méditerranée et en Côtes du Rhône. Pour désherber ses interrangs, il projetait d’acheter un déchaumeur à disques. « Je voulais des disques neufs de type Cultibio, se souvient-il. Mais quand j’ai vu les prix, j’ai renoncé. » À quelques années de la retraite, l’investissement s’avérait prohibitif. Il s’est alors tourné vers l’occasion et a trouvé son bonheur pour 450 €, chez Fert Démolition, à Valréas, dans le Vaucluse.
« J’ai un copain qui travaille dans cette casse, retrace le vigneron. Il savait que je cherchais un déchaumeur et il me l’a mis de côté lorsqu’il est arrivé. » Ce matériel hors d’âge a nécessité quelques ajustements. « J’ai enlevé les éléments situés à l’avant pour ne garder que les disques que j’utilise réglés en oblique plutôt que droits et je l’ai lesté d’une masse pour assurer un bon travail du sol », détaille-t-il.
Avant même de dénicher ce déchaumeur, Frédéric Marre était déjà client de cette casse, où il achète notamment des pièces pour ses tracteurs Renault, qui datent de 1974 et 1976. « Surtout des roues et des jantes, pour disposer d’un stock en cas de problème », précise-t-il.
Viticulteur sur 48 ha à Terranjou, dans le Maine-et-Loire, Simon Goizil possède lui aussi deux vieux tracteurs : un Fendt et un Renault. Pour les faire durer, il achète des pièces chez Tracto Pièces, à Martigné-Briand. Il y est venu la première fois il y a deux ans car il connaissait de longue date Cyril Gaboriau, récemment promu responsable du site. « J’achète des pièces une à deux fois par an selon les besoins, indique Simon Goizil. Cela peut être des rotules, des alternateurs, des poulies d’alternateurs, des démarreurs… Elles ont toujours bien fonctionné. Je n’ai jamais eu de problème. »
Comme Frédéric Marre ou Simon Goizil, de nombreux viticulteurs se tournent vers les casses pour des raisons économiques. En Charente-Maritime, Pascal Babonaud, gérant d’une casse spécialisée en tracteurs vignerons, voit régulièrement sa clientèle augmenter. « J’ai 150 appels de viticulteurs par jour, constate-t-il. Les pièces partent très vite. Les tracteurs neufs à 100 000 €, ce n’est plus possible. »
« Il y a de la demande », confirme Cyril Gaboriau. Sur l’ensemble de son offre, il divise les prix au minimum par deux par rapport à ceux du neuf, puis affine en fonction de l’état et de l’âge de chaque pièce. « Je démonte en ce moment la trompette arrière d’un tracteur vigneron Fendt de 2002, à la demande d’un client, témoigne-t-il le 2 janvier. Neuve, elle vaut 5 000 €. Si je me contente de diviser par deux, je ne la vendrai jamais vu l’âge du tracteur, donc je la propose à 1 300 € HT. »
Afin d’enrichir ses stocks, Tracto Pièces rachète des tracteurs vignerons accidentés et considérés comme épaves par les assureurs, les nettoie puis les met en vente tels quels ou en pièces détachées, en fonction de leur état. « Sur un tracteur, nous pouvons vendre de 10 à 70 pièces, révèle Cyril Gaboriau. Le moteur en lui-même peut être vendu entier ou par pièce. Ce qui est le plus recherché, ce sont les ponts avant et les distributeurs. »
Loin des clichés des casses où l’on doit zigzaguer entre des monticules d’épaves couvertes de rouille, sur le parc de Tracto Pièces, tous les engins sont bien alignés. Même rigueur dans la gestion des stocks et des ventes. « Nous avons des clients qui achètent sur place, mais la plupart achètent à distance, rapporte Cyril Gaboriau. Nous référençons toutes nos pièces sur notre site internet et nous publions des annonces sur les réseaux sociaux. Dès que nous recevons une épave, nous la nettoyons et la prenons en photo sous quatre angles : de chaque côté, devant et derrière. » Ces photos sont ensuite envoyées au siège de l’entreprise qui les met en ligne. Lorsque l’épave est pourvue d’options, tel qu’un chargeur frontal, une annonce spécifique est postée sur LeBoncoin.fr, ce qui génère généralement de nombreux appels.
Frédéric Marre et Simon Goizil assurent ne s’être jamais déplacés. Le premier est averti par son contact lorsque les pièces qu’il recherche entrent en stock chez Fert Démolition. Le second envoie une demande quand il a besoin d’une pièce particulière.
Les matériels disponibles en casse sont assez variés. En témoigne le déchaumeur déniché par Frédéric Marre. Depuis peu, Cyril Gaboriau se lance dans la machine à vendanger. « Nous commençons tout juste, précise-t-il. Nous avons reçu trois machines – deux Braud et une Grégoire –, dont nous avons déjà vendu une dizaine de pièces. »
Pour sa part, Pascal Babonaud propose, outre les tracteurs vignerons, des broyeurs et des rotavators refaits à neuf. « Je suis le seul du secteur à proposer ce type de matériel en occasion », assure-t-il. Son établissement propose aussi des tracteurs entièrement refaits. « Nous en vendons trois à quatre par mois, estime le dirigeant. Pour un engin de 50 ch, le prix s’établit autour de 8 000 €. » Intéressant, par les temps qui courent.
Afin de vendre une épave ou ses pièces, les casses doivent les dépolluer. « Nous devons vidanger entièrement, sur une dalle de béton, l’huile et le liquide de refroidissement des engins que nous recevons, puis les recycler, rapporte Cyril Gaboriau, dans le Maine-et-Loire. Si la cabine a subi un incendie, nous la retirons. » En Charente, Pascal Babonaud décide du débouché de ses tracteurs en fonction de leur état. « S’il ne démarre plus ou que la carrosserie est trop endommagée, je le vends en pièces détachées. Dans le cas contraire, je le répare pour revendre. »