arqué par le retour de la guerre au Liban, entre Israël et le Hezbollah, ce millésime 2024 gardera un goût particulier au château Kefraya (300 hectares de vignes en bio dans la plaine de la Bekaa). Précoces, les vendanges 2024 se sont terminées juste avant les bombardements et l’invasion israélienne du Sud du Liban en septembre, rapporte Fabrice Guiberteau, le directeur technique de la propriété. « Tous les cépages sont arrivés à maturité en même temps (cabernet comme syrah). Alors qu’il y a des semaines de décalage normalement. Je ne me l’explique pas » concède l’œnologue de Dijon. Alors que des bombardements avaient lieu à quelques kilomètres du vignoble, « on ne pouvait pas prendre le risque d’aller dans les vignes. C’était hyper stressant. On devait réaliser des apports de matière organique, on ne les a pas faits. Il me faut 2 300 tonnes de matières organiques, cela demande 110 camions. Ce n’était pas possible. »
Confinés à Kefraya comme pendant le covid, tout était à l’arrêt : les 80 employés du domaine ont quitté la vigne pour vinifier et embouteiller. Dès le cessez-le-feu de la fin novembre, 37 salariés se sont mobilisés sur la taille des 300 ha de vignes. Une course contre la montre pour « terminer la taille et le tirage des bois d’ici le 10 mars » espère Fabrice Guiberteau, qui rappelle qu’un accord de cessez-le-feu n’est pas un traité de paix : « on essaie de se dépêcher. » Originaire d’une famille vigneronne de Cognac, l’œnologue vit au Liban depuis 20 ans et compte bien y rester, pour les bons comme les mauvais moments. « A la frontière Sud, ça a tapé comme pas possible. J’avais l’impression qu’un nid de guêpes se trouvait au-dessus de ma tête tellement ça frappait. Aujourd’hui, si j’entends une porte claquer, je suis sur le qui-vive » partage Fabrice Guiberteau, qui ne peut s’empêcher de constater qu’« en France on se plaint beaucoup pour des futilités. Ici, on a de vrais problèmes et on ne baisse pas les bras. On garde l’espoir. »


Remontant à la culture phénicienne du pays de Canaan d’il y a 6 000 ans comme à l’histoire romaine du début de notre ère, le vignoble libanais a déjà connu de nombreuses guerres. Si son terroir comprend une colline artificielle romaine, le vignoble de Kefraya conserve aussi des traces des guerres contemporaines : comme cette roquette non-explosée Katioucha retrouvée dans une parcelle par Fabrice Guiberteau lors de son arrivée en 2006. Ou un obus des années 1980 retrouvé lors d’une replantation de parcelle : « heureusement qu’il n’a pas pété pendant le labour… »