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2024 dans le rétroviseur
Le vin nature se prend le mur de la crise

[Article paru le 29 août 2024] Affichant depuis dix ans une croissance insolente, la petite bulle du vin naturel semblait pouvoir toujours voguer à contre-courant de toutes les crises du vin. Las, ce microcosme semble aujourd’hui gagné par la morosité économique, et l’inquiétude règne chez les producteurs.
Par Julie Reux Le 27 décembre 2024
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Le vin nature se prend le mur de la crise
Les galères commerciales sont nombreuses dans le réseau 'nature'. - crédit photo : Adobe Stock
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n Alsace, le vigneron Julien Albertus (domaine Kumpf & Meyer) n’est pas encore dans le rouge, mais déjà en alerte. « Ça fait un an que c’est tendu et qu’on a zéro lisibilité. On ne sait pas ce qui va marcher ou pas, si c’est une question de prix ou autre chose. » En Ardèche, Antonin Azzoni dresse le même constat : « J’ai envoyé en juin vingt tarifs à vingt professionnels, pour zéro commande. Là j’ai 60 000 bouteilles en stock, au lieu de 25 000 habituellement, alors que jusque-là, j’étais en croissance continue. Mon chiffre d’affaires a été multiplié par trois en dix ans. »

Et ainsi, dans le réseau « nature », les galères commerciales des uns et des autres alimentent les conversations et révèlent des fragilités insoupçonnées. Déjà, en février, l’effervescence des salons d’Angers et Montpellier laissait entrevoir une certaine fébrilité. « Tout le monde a du vin à vendre, résume Julien Albertus. Alors qu’avant, on n’en avait jamais assez. »

Là où il y avait dix vignerons nature, il y en a vingt aujourd’hui

Il reste toutefois impossible d’avoir des chiffres précis, cette « micro-niche » aux contours flous restant sous les radars des analystes. « Chez nous, on est à 3 ou 4% de moins depuis le début de l’année, par rapport à 2023, après des années à +5% », tempère ainsi Mikaël Lemasle, caviste de Crus et Découvertes, institution « nature » du 11e parisien depuis vingt ans. Son analyse : « Depuis le Covid, on est passé de 500 à 700 caves à Paris. Et là où il y avait dix vignerons nature, il y en a aujourd’hui vingt. J’entends l’inquiétude des vignerons, mais je commande autant de vins qu’avant. Mais peut-être des vins plus carrés…»

Pour Fleur Godart, grossiste et agent en vin naturel, les difficultés ont démarré en septembre 2022, avec la hausse des prix de l’énergie suivie de ventes divisées par deux. « Depuis, on attend que ça redémarre, mais rien ne se passe. On espérait un effet JO, mais ça a été l’inverse. » Alors qu’elle était passée de 80 000 à 1 million d’euros de chiffre d’affaires en huit ans, son entreprise est aujourd’hui au bord du dépôt de bilan, après avoir licencié tous ses salariés. « C’est très dur à vivre », confie-t-elle, désemparée.

Des consommateurs moins tolérants aux défauts

Les vignerons nature ont historiquement pu compter sur l’export, même quand la France les boudait. Mais à l’étranger aussi, ça devient compliqué, à commencer par l’Asie. « La Corée du Sud me prenait quinze palettes, mais cette année trois, relate Antonin Azzoni. Il y a trois ans il y avait une demande énorme, c’était un marché très mode, et ça a été divisé par dix ou quinze. » Le marché japonais, pilier historique du vin naturel français, donne aussi des signes de ralentissement. En Europe, « les Anglais, on ne les voit plus. Les Hollandais c’est compliqué, la Suède aussi », énumère le vigneron.

Reste donc à explorer des marchés moins évidents… et les Etats-Unis. Là-bas, ce n’est « pas ouf non plus », comme le résume Antonin. Mais ça reste aujourd’hui « le plus gros marché pour le vin naturel français », explique Zev Rovine, importateur de vin naturel à NYC depuis 2007. « On est beaucoup plus forts aujourd’hui qu’il y a deux ans », explique-t-il même. « Aujourd’hui, n’importe quel truc qui ouvre, il veut du vin nat’. On a des cinémas qui en vendent ! Et ce n’est que le début, parce que ça ne se passe pas qu’à NYC, c’est partout aux Etats-Unis. » Mais à Brooklyn comme dans le 11e, le succès du vin naturel aboutit au même revers : « Les consommateurs ont plus de choix sont moins tolérants aux défauts. Il faut être compétitif en tarif et en qualité.» D’autant plus, ajoute-t-il, qu’un verre de vin naturel d’une bouteille vendue 6€ (prix pro départ cave) « coûte au minimum 15$, plus les pourboires, alors qu’une bonne craft beer, c’est 8$ et un cocktail 14$. » Et que déboulent des vins naturels autrichiens, slovaques, croates, slovènes, etc. « Du vin de Savoie, il n’y en a pas assez. Mais des vins nature du Sud, des grenache et des syrah, il y en a tellement », soupire Zev Rovine.

Cette ambiance compétitive se retrouve à Paris : « On a aujourd’hui affaire à toute une génération de sommeliers qui veulent mettre ‘ zéro soufre ‘ sur leur carte, décrit pour sa part Fleur Godart. Mais ils demandent un vin qui n’a aucun défaut, coûte moins de 8€, tient une semaine dans la bouteille ouverte et si possible avec le service logistique qui va bien. Et bien ça n’existe pas…» Pour Aaron Ayscough, journaliste anglo-américain vivant à Paris (auteur de la newsletter Not Drinking Poison), les vignerons ont leur part de responsabilité aussi, « certains ont eu trop d’argent dans les yeux, ont grossi trop vite, créé des structures de négoce. Il y a trop de vin naturel, ou à moitié naturel, sur le marché français. »

Malgré tout, si on leur demande si la mode du vin naturel n’est pas tout simplement en train de passer, vignerons et experts restent unanimes : absolument pas. « Ça va repartir, complète Julien Albertus. Mais il y aura un avant et un après, et il va falloir essayer des choses qu’on n’avait plus fait depuis un bon moment. Comme prendre notre bâton de pèlerin pour aller vendre notre vin. »

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