h10 La colère vigneronne ne veut plus tourner en rond-point
Une trentaine de vignerons et de tracteurs de Bergerac étaient réunis ce matin au rond-point de Creysse à l’initiative de la Coordination Rurale de Dordogne pour former un convoi se dirigeant vers Périgueux (un rendez-vous avec le préfet étant fixé à 11h30). Sur toutes les lèvres, la déception que les annonces gouvernementales de l’hiver dernier n’aient pas abouti. « Rien n’a été fait, ce sont juste des promesses en l’air qui n’ont pas été respectées a notre défaveur » lâche Fabrice Camus, vigneron à Monbazillac, attendant des avancées rapides sur le revenu avec Egalim, l’allègement des contraintes administratives, le gel de l’accord du Mercosur… Et pourquoi pas la suppression de la TVA sur les produits français afin de regagner en compétitivité.
« On ne veut pas vivre d’aides, qui font tenir les gens en haleine et remplissent des kilos de paperasse. On veut vivre de notre production » assène le membre de la CR24, pour qui la goutte d’eau de la pression normative qui fait de nouveau déborder le vase des contraintes est l’obligation d’étiquetage des informations de nutrition et d’ingrédients : « c’est du détail qui fait rigoler les jeunes, mais c’est une nouvelle pression parmi tant d’autres lourdeurs. » Pour lui, la manifestation sera une réussite si les pouvoirs publics permettent aux vignerons de produire et de ne plus faire de secrétariat : « qu’on nous foute la paix. »
8h20 « C’est une misère »
Parmi les témoignages de vignerons en détresse, ne sachant pas où a le vignoble du Bergeracois va (1 100 hectares de vignes doivent disparaître avec l’arrachage définitif à 4 000 €/ha), celui d’Éric Vuillemin marque par sa grande lassitude : « je n’ai plus de salaire depuis 5 ans. Je vis à découvert en permanence. C’est une misère. J’ai reçu 5 000 € du fonds d’urgence viticole, ça a été mangé en deux mois de charges. Je dois faire vivre ma famille, je ne sais même pas comment faire pour Noël. »
Ayant réussi à faire reconnaître des erreurs de cotisation à la MSA, le viticulteur de Monbazillac réduit par tous les moyens la voilure : il passe à 17 ha de vignes en 2025, contre 25 ha actuellement par l’arrachage et l’arrêt de fermages. Ayant choisi de s’installer dans le vignoble après une carrière dans l’élevage puis le bâtiment, Éric Vuillemin le dit franchement : « je ne sais pas s’il faut arrêter ou continuer. C’est pourtant l’un des plus beaux métiers du monde. »
8h37 Départ du convoi
Les tracteurs, vignerons et céréaliers, s’élancent vers Périgueux. « Nous sommes là pour la défense de notre métier. Nous voulons en vivre, faire vivre nos familles et garder nos fermes » pose avant le départ Justin Losson, représentant de la CR 24.
10h Formation d’une file de tracteurs et d’une pile de revendications
Chargés de pneus, les premiers tracteurs arrivent aux allées de Tourny à Périgueux. Les manifestants réclament la suspension de l’accord du Mercosur, de meilleurs revenus, une réduction de la pression administrative, l’arrêt des surtranspositions françaises sur les phytos…
11h02 Le gros du convoi arrive
Se faisant attendre, comme la concrétisation des annonces gouvernementales grince-t-on dans le cortège, les convois partis ce matin s’installent sur les cossues allées périgourdines, avec un important chargement de pneus, de débris végétaux et de pieds de vignes. Une bonne cinquantaine d’engins agricoles est réunie avant la rencontre à la préfecture.
11h25 « Je ne crois plus au père Noël »
Appelant à l’unité syndicale, « sans se tirer dans les pattes », Rémi Dumaure, le président de la Coordination Rurale de la Dordogne déclare avant d’aller rencontrer le préfet, Jean-Sébastien Lamontagne, que l’agriculture française « ne va pas mourir en silence. Nous allons nous faire entendre. Nous allons chercher le revenu qui nous manque. » Annonçant que la mobilisation commence juste et ne s’arrêtera pas ce jour, l’éleveur de volailles soupire qu’il souhaiterait que les choses tournent différemment : « j’aimerai que l’on sorte [de la réunion avec les instances] et que l’on reparte avec nos tracteurs sans avoir à tout vider » en ayant des réponses concrètes à ses demandes. « Mais Noël c’est le 25 décembre et on n’est que le 19 novembre. Je n’y crois plus au père Noël » conclut Rémi Dumaure avant de rentrer avec une délégation dans la préfecture.
13h17 3 coups
Le temps devenant long pour les manifestants en plein déjeuner, un canon effaroucheur d’oiseau est actionné.
13h24 Mise en tension
3 canons effaroucheurs sont mis en place devant la préfecture. « Ça va les faire sortir » s’amuse un manifestant surpris par l’ampleur du bruit.
13h41 Comité d’accueil
Les tracteurs et leurs bennes se positionnent en attendant la fin de l’entretien en cours.
13h46 « plus on sera nombreux, plus ça ira vite »
Surpris par les bruits de canon en sortant des 2 heures de discussion, Rémy Daumera ne semble pas étonné par le maigre bilan de ses échanges avec les pouvoirs publics. « Ils ont pris note du malaise » partage le président de la CR24 aux manifestants (répondant par un tonitruant « il était temps »), pointant de la « bonne volonté » mais « pas d’annonces qui vont changer grand-chose aujourd’hui ». Entre le contrôle unique à mettre en œuvre ou le projet de loi d’orientation agricole, l’éleveur reste sur sa faim : « ils essaient et cherchent des solutions. Mais ça ne fait pas grand-chose pour nos comptes en banque à la fin (comme l’exonération de TFNB coûtant 5 million euros au niveau de la Dordogne). »
« Ils nous endorment » lance un bonnet jaune, « c’est du bla-bla-bla » relance un autre, pour qui « on nous balade ». La pluie qui tombe sur Périgueux n’éteint pas le feu qui couve, Rémy Daumera appelle à de nouvelles actions fortes, le temps qu’il faudra. Évoquant à mots couverts des projets d’opérations, le président de la CR24 le martèle : « plus on sera nombreux, plus ça ira vite. Si on se mobilise dans tous les départements et que l’on est tous à fond, on pourra se faire entendre. Aujourd’hui on est une centaine, demain on peut être 500 ou 1 000. C’est comme ça que l’on s’en sortira. Il faut peut-être laisser son boulot pendant quelques jours pour pouvoir continuer à le faire. Si on s’en tient au plan, on va parler de nous. » Faisant une pause casse-croûte, les manifestants n’ont désormais plus qu’un impatience : déverser leurs bennes et leurs colères pour que leurs revendications avancent.