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Transmises de père en fisc, des vignes foncièrement dans l’impasse
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Impôts de vin
Transmises de père en fisc, des vignes foncièrement dans l’impasse

Se chiffrant en millions €, un nouvel investissement de LVMH dans le vignoble bourguignon témoigne de la difficulté de transmettre une terre valorisée d’une génération à l’autre, sur fond de déconnexion entre prix du foncier viticole et réalité de la rentabilité vigneronne. De quoi mobiliser la filière pour obtenir, enfin, des évolutions fiscales et patrimoniales.
Par Alexandre Abellan Le 25 septembre 2024
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Transmises de père en fisc, des vignes foncièrement dans l’impasse
« Il est urgent faciliter les transmissions d’exploitations viticoles dans un cadre familial » alerte la CNAOC, pointant que « la France a perdu les trois quarts de ses agriculteurs en cinquante ans et la crise viticole va accélérer cette évolution ». - crédit photo : Alexandre Abellan (archives 2022)
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ans le vignoble, le couperet fiscal fait souvent dérailler la transmission familiale. Le premier ne cessant de rogner le second, sous forme de crève-cœur de la cession. Dernier exemple en date avec la vente pour 15,5 millions d’euros de 1,3 hectare de vignes au domaine Poisot père & fils (Aloxe-Corton, Côte d’Or). Cette cession porte sur la propriété de « parcelles de pernand-vergelesses, de Corton grand cru et de Romanée-Saint-Vivant grand cru que le vigneron continuera d’exploiter. Ainsi va la Bourgogne viticole, où un vigneron peut être dépossédé d’une partie de ses terres, tout en continuant d’y laisser la trace de ses semelles pendant des décennies » indique le Bien Public qui a révélé la vente.

Chaperonnée par la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (SAFER), cette cession des terres répond à l’impossibilité pour une famille vigneronne de répondre à la facture du fisc. Soit des « droits de succession astronomiques à la suite d’un décès » et d'une transmission de tante à neveux indique à Vitisphere le domaine familial (2 ha en exploitation, dont 1,3 ha désormais en location à LVMH). Ce qui a conduit la propriété à la « nécessité, malheureusement, de vendre une partie du patrimoine pour les acquitter (état spoliateur avec 55 % de la valeur des terres comme droits de succession) » à « un investisseur, LVMH, qui accepte de ne devenir que propriétaire des vignes tout en laissant l’exploitant, la famille Poisot, "continuer de travailler ses vignes, pour le temps qui les regarde" ». Une forme de modus vivendi qui a les qualités de ses défauts. Et les travers de ses paradoxes.

On vend notre outil de travail pour payer la succession

« Concrètement, on vend notre outil de travail pour payer la succession, c’est un non-sens » s’emporte Thiébault Huber, le président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB), pointant que « le prix du foncier et la rentabilité de l'exploitation sont complètement déconnectés ». Pour le vigneron de Meursault, « il faut que les domaines soient considérés comme des outils de travail, avec une taxation équilibrée pour les familles, une sorte de "new deal fiscal" pour les transmissions agricoles. Il est urgent d’agir, faute de quoi la déprise viticole sera très importante dans de nombreuses régions. » Les impasses de transmission n’étant pas qu’un problème de riches grands crus (voir encadré).

Pacte Dutreil

Si l’émiettement du foncier viticole d’une génération à l’autre n’est pas une nouveauté*, ce nouvel épisode de l’impossible transmission du patrimoine viticole témoigne de l’urgence de réviser la Confédération Nationale des vins et eaux-de-vie AOC (CNAOC), qui rappelle à Vitisphere que « les AOC vivent en très grande majorité d’une viticulture au modèle encore paysan, les donations dans un cadre familial concernent environ 80 % des cessions ». Regrettant qu’il n’y ait eu aucune concrétisation des conclusions du rapport de l’ancien député Éric Girardin (Marne) pour "assurer la transmission familiale du foncier et des exploitations viticoles afin de garantir la pérennité et l’indépendance stratégique de la viticulture française", la CNAOC appelle à l’élargissement du dispositif Dutreil au monde agricole. Soit une exonération à 75 % des droits de mutation ou de donation. « Aujourd’hui, Les biens fonciers affectés durablement à l’exploitation viticole par un bail à long terme bénéficient d’une exonération de 75 % dans la limite d’un plafond de 500 000 €. Pourquoi ? » demande la CNAOC.

Engagement de conservation

« Le dispositif fiscal existant ne correspond plus à la réalité du marché foncier » enfonce Jean-Marie Garde, le président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB). S’appuyant sur l’expertise d’experts-comptables, d’avocats et de fiscalistes, le vigneron de Pomerol martèle que « la solution c’est d’aligner le niveau d’exonération des biens ruraux loués à long terme sur celui du dispositif Dutreil, soit une exonération de 75 % sans plafond. En contrepartie, nous sommes prêts à accepter un engagement de conservation de l’outil de production sur le long terme, jusqu’à 15 ans. » Un dispositif que la CNAOC et ses fédérations souhaitent voir inscrites au Projet de Loi de Finances pour 2025 (PLF 2025) après de nombreux rendez-vous manqués (y compris cette année).

 

* : De successions en partages, le domaine Poisot en témoigne, provenant directement des domaines de Louis Latour qui ont été scindés en 1902, puis de générations en générations comme le rapporte la propriété.

 

Impôts partout, reprise nulle part

Pour illustrer des difficultés se trouvant dans tout le vignoble, la CNAOC fait état à Bordeaux d’une « grande exploitation viticole située en Entre-Deux-Mers, avec plus de 110 hectares de vignes en production AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur. Les deux enfants de l’exploitant travaillent sur ce domaine très dynamique sur le plan commercial malgré la crise viticole. L’exploitant souhaitant prendre sa retraite, la reprise par ses enfants a été étudiée mais les frais de mutation, de l’ordre de 900 000 euros, ont amené l’exploitant à privilégier la cession qui échappe à toute taxation. Dans l’Entre-Deux-Mers, le prix moyen d’un hectare est d’environ 10 000 €. »

Autre cas « en Champagne, un vigneron exploite 6 ha au travers de son EARL. Il détient entièrement les vignes qu’il exploite. Il a 62 ans et dans le cadre de son départ à la retraite donne la nue-propriété des vignes à sa fille unique ayant déjà rejoint l’exploitation. A 1,5 million €/ha de vigne dans son secteur, le coût de la transmission s’élève à 979 000 €. Pour payer les frais, il a mobilisé toute l’assurance-vie dont il vient d’hériter de sa mère et a souscrit un emprunt au travers de l’EARL pour qu’elle lui rembourse son compte courant d’associés qu’il a accumulé en raison de résultats qu’il n’a pas perçus pour financer les stocks de bouteilles. Ce faisant, il laisse à sa fille une entreprise plus endettée et cette dernière devra attendre quelques années pour initier ses propres projets, alors qu’elle travaille déjà sur l’exploitation depuis une dizaine d’année et qu’elle a elle-même 38 ans. »

La CNAOC pointant que ces surcoûts de la transmission réduisent également les capacités d’investissement et alimente la spéculation sur le foncier viticole.


 

 

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Tous les commentaires (13)
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MG Le 30 septembre 2024 à 16:41:03
@ Albert J'attends juste une chose : qu'il me soit clairement expliqué si ces transactions et ces mic-macs financiers ont encore à voir avec le monde du vin. : alors oui, car les intermédiaires (dans les échanges entre pays) veulent moins d'interlocuteurs et que ces derniers aient des cartes des vins et alcools clefs en mains.
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Ali Le 29 septembre 2024 à 07:16:41
Albert ,malheureusement c'est la triste réalité, certaines parcelles valent une fortune quand d'autres crèvent la faim,le monde du vin est aussi à 2 vitesses avec l'hyper luxe d'un côté et le "basique " de l'autre, et comme le luxe ne connaît pas la crise.....enfin pour le moment
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Albert Le 27 septembre 2024 à 22:11:49
Pour finir, sur cette aberrante problématique (?) d'un aménagement qui serait à prévoir en matière successorale en viti (ndlr : je conjecture que la demande actuelle ne vient pas de l'Aude !), pour finir donc, si Bernard Arnault s'approprie et rachète tous ces terroirs à la hyper de chez hyper notoriété, et autres climats, personnellement ça ne me dérange pas. Et qu'il accepte de les louer à leurs ex- proprios, ça m'est égal. J'attends juste une chose : qu'il me soit clairement expliqué si ces transactions et ces mic-macs financiers ont encore à voir avec le monde du vin. Beurk.
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Albert Le 27 septembre 2024 à 22:00:09
D'après les infos auxquelles j'ai accédé, il se confirmerait qu'un niveau de 5 à 10 mio?/ha est le cours (démentiel) auquel on peut arriver pour certaines parcelles en Bourgogne, à situer certainement dans ces fameux "climats" ! .. est-ce que ce niveau délirant justifierait un aménagement des règles fiscales applicables aux successions bourguignonnes ? .. on se moque de qui ?
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MG Le 27 septembre 2024 à 18:46:10
Faut pas diviser les 1.5 millions de l hectare par les 1000 euros du col car vous oubliez les frais de productions et la non linéarité des récoltes. En champagne, à un million l'euro l'hectare avec une moyenne de 10000 kg/ha faut entre 80 et 90 ans pour sortir le premier bénéfice dudit hectare pour les comptables.
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Albert Le 27 septembre 2024 à 06:58:59
À tout hasard, pour un éclairage disons "pragmatique", n'ayant pas l'habitude (sic !) de taquiner les bouteilles de Bourgogne de haute volée, je signale que je viens de découvrir qu'on peut (?) s'offrir une bouteille de Romanée Saint Vivant si on est prêt à débourser entre 350 / 1000 euro HT à l'unité. J'aurai sûrement des contradicteurs, plus au fait de ces prix. Peu importe, je précise ça pour resituer le problème des droits de succession quand la valeur patrimoniale - en viti - est devenue hors-sol, pour ne pas dire indécente.
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Ali Le 26 septembre 2024 à 17:59:45
Mon cher Bonsay , la valorisation et la fiscalité sont 2 choses différentes, la vigne reste un outil de travail au service d'une pme , tout comme le serait un bâtiment d'exploitation ; la valorisation en est une autre , Romanee st vivant c'est comme si vous achetez sur les champs élysées ,le problème est que le prix du foncier est decorélé du prix de vente même à un prix élevé, hors exploiter ces parcelles ne permet pas de retour sur investissement de ces 15,5 millions avant 40 ou 50 ans à minima, il faut être fou pour s'engager dans cette voie, surtout qu'une exploitation n'a pas que le foncier à songer en terme d'investissement ; le prix du foncier c'est comme tout le reste c'est l'offre et la demande, les vignerons ne métrisent pas toujours, un appart sur les Champs est plus chère qu'un appart dans la creuse ,et pourtant la fiscalité est la même, là c'est pareille sauf qu'on parle d'un outil de travail, donc à long terme si ces vignerons ne capitalisent, ils deviendront les locataires longue durée de propriétaires, avez vous compris le sens mon résumé ?
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bonsay Le 26 septembre 2024 à 13:59:05
Ont va les plaindre. Pourquoi ces terres sont estimées à ce prix ? N'est-ce pas corrélé au prix des bouteilles, qui flambent aussi par des hausses voulues par les domaines ? A jouer à ce petit jeu, on perd à un moment. Réclamer une fiscalité réduite spécifiquement dans ces cas de haute valorisation reviendrait à profiter du beurre, de l'argent du beurre, et de la crémière en plus.
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Albert Le 26 septembre 2024 à 07:50:57
Foncier viticole : L'évolution du prix des vignes en 2023 bassin par bassin ... Je me permets de renvoyer à ce lien > je maintiens que notre système AOC est une machine à créer de la valeur indépendamment du travail fourni sur l'exploitation - bon, passons.
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Albert Le 26 septembre 2024 à 07:29:15
Merci à la Rédaction de bien vouloir confirmer le niveau15,5 mio? pour 1,3 ha (si je ne me trompe pas, on est à peu près à+ ou - 1 mio? l'ha en Champagne).
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Ali Le 25 septembre 2024 à 22:36:21
Et pour compléter mon propos précédent ,cet exploitant devait savoir que tôt ou tard la transmission de ce patrimoine formidable allait devenir un problème pour son entreprise(certes problème de riche);le choix de lvmh , n'est à mon sens pas un très bon choix , il existe d'autres solutions ( plus complexes)pour un même prix vendu, mais je ne connais pas tout les détails, dès qu'il le pourra ce groupe tentaculaire ( dont nous devons être fier ) rapatriera ce terroir directement dans son groupe. Je rappelle que le chiffre d'affaire lvmh en France est dérisoire ( moins de 10% du total) ,et que ce groupe a des usines de fabrication et des magasins partout en France, même si bien évidemment ces groupes font de l'optimisation fiscales ( il aurait tort de s'en privé puisque les concurrents en use et abuse) , ce groupe français crée énormément d'emploi en France avec un chiffre fait en grande partie à l'extérieur de France, soyons fier de ça et pourvu que ça dure
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Ali Le 25 septembre 2024 à 21:55:40
Cher Albert ,mélanger AOC et fiscalité c'est comme mélanger le café et le thé, ça n'a rien à voir et le problème est bien plus complexe qu'il n'y paraît ; fort heureusement pour ces vignerons, ils travaillent un patrimoine qui garde et prend de la valeur ( bourgogne , champagne etc), demandez à Bordeaux si l'effondrement de leurs fonciers n'est pas un problème ; la valeur du foncier n'est que le fruit du travail de plusieurs générations de vignerons qui font qualité et renommée avec leurs terroirs; ainsi ces vignerons pourront dans la mesure de leurs moyens s'appuyer sur ce foncier pour sécuriser leurs entreprises au niveau du capital, puisque l'état prend tout le pognon à un moment ou un autre. Quand on investie en france ,les banques sont plus enclin à prêter si vous êtes propriétaire que locataire ; le capital ( au mon dieu un gros mot ) sécurise en réalité chaque entreprise qui en possède d'une manière ou d'une autre, et lui permet d'aller plus loin dans l'investissement de cette même entreprise ( matériel et immatériel), quand à cette affaire cela ne me choque guère, Romanee st vivant ....nous sommes à côté des fameuses Romanée conti soit les vignes (pour le moment) les plus chères du monde. En fait c'est tout le contraire, les entreprises françaises manquent de capital car l'état pique tout ,et je ne parle pas du cac40 ,je parle de la pme ou eti à côté de chez vous, qui paye tout en france et qui ne delocalise pas , celle là on la punie en permanence, en réalité les entrepreneurs français mérite une médaille pour rester et continuer dans ce pays qui ne les aime pas, donc priez pour les garder
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Albert Le 25 septembre 2024 à 18:57:16
Personne n'ose évoquer la surenchère sur le prix du foncier "classé" en aire AOC .. je veux bien que soit mise en avant la fiscalité qui plombe les successions mais c'est globalement qu'il faudrait, sereinement, débattre de toutes les conséquences du système AOC (prix des bouteilles délirants de certaines AOC par exemple ! .. il y a bien un lien étroit entre "chiffre d'affaire" et prix du foncier "AOC" .. grand merci à ce système AOC qui a bien impacté la valorisation du foncier .. ça me fout les boules qu'on ne pointe que la fiscalité de la succession patrimoniale quand le monde viticole se satisfait largement de ce système avant cette étape !). Si je n'ai pas tout compris, j'accepte bien sûr qu'on m'explique. Encore que ...
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