êtant ses 30 ans d’existence, l’appellation ligérienne Côte Roannaise prépare ses 30 prochaines années en prenant à bras le corps la pression urbaine et le changement climatique en imaginant une sortie par le haut : « l’urbanisation a mité le territoire depuis 30 ans, ce qui fait des dents creuses (des parcelles au milieu de lotissements et de maisons) », alors que dans le même temps « on cherche plus de fraîcheur dans les vins (plus d’acidité et moins d’alcool), avec un débourrement plus tardif par rapport aux gels de printemps (en supprimant des zones gélives) » résume Yann Palais, le président de l'AOC Côte Roannaise (32 opérateurs sur 182 hectares en production dans le département de la Loire pour 6 300 hectolitres de vin), qui imagine une solution en forme de simple relocalisation : « on a de la réserve foncière en haut de l’appellation. Ce que l’on enlèverait en bas pourrait être compensé en altitude. On a la chance d’avoir cette configuration des monts de la Madeleine qui permet de le faire » en revoyant la délimitation (en augmentant les altitudes autorisées et en autorisant les expositions nord-ouest).
Une stratégie qui impose de revoir l’aire de l’appellation : 1 825 ha délimités actuellement, au dessus de 370 mètres et au maximum 550 m en excluant les expositions Nord. Le syndicat AOC souhaiterait à l'avenir pouvoir monter jusqu'à 620 m sur les coteaux bien exposés, mais sans s'interdire les pentes Nord Ouest sur des altitudes basses. Une approche qui vient d’être étudiée et validée dans le principe par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Réuni ce 11 septembre, son comité national des appellations d’origine viticoles nomme une commission d’enquête pour étudier cette « première demande de modification de la délimitation conséquente aux évolutions climatiques » pour prendre en compte « l’évolution de l’urbanisation qui a de fait rendu inexploitable une partie des terrains actuellement classés en AOC (environ 137 ha) » et « le changement climatique qui rend plus difficile sur une partie des parcelles délimitées l’élaboration des vins fruités et vifs qui caractérisent l’appellation (sécheresses à répétition et épisodes de débourrement précoce) » liste un communiqué.
Précurseurs
L’avenir dira si l’appellation Côte Roannaise fait école, mais en l’état « c’est une première. C’est la mise en musique de notre stratégie en termes d’adaptation au changement climatique pour la filière viticole » note Christian Paly, le président du comité national des vins AOP pour l’INAO, notant que cette première adaptation de délimitation complète les outils en déploiement de Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA) et Dispositif d’Évaluation des Innovations (DEI, voir encadré). Inaugurée par l’AOC Côte Roannaise, cette possibilité d’intégrer les évolutions climatiques à la doctrine de la délimitation se fait « sans abandonner le reste. L’usage et la pédologie continueront à être étudiés. On complète et on adapte en intégrant de nouveaux éléments à la prise de décision » souligne Christian Paly.
En se dégageant de l’étreinte urbaine et en prenant de la hauteur face au changement climatique, l’appellation ligérienne pourrait monter jusqu’à 600 mètres de haut indique Yann Palais (la plus haute vigne de l’AOP étant actuellement à 550 m). Les travaux vont désormais se poursuivre avec l’INAO, sachant que le président du syndicat viticole se dit « très positivement accueilli par le comité national. On trouve que ça va assez vite : on pensait que ça prendrait un temps énorme. Ils sont très réactifs. On sait qu’il y aura un peu de temps avec changement de cadastre, mais on part avec des bons points. »
Ouvert aux Organismes de Défense et de Gestion (ODG) le souhaitant, cet outil d’évolution de la délimitation de l'aire AOC dépendra de chaque terroir et de chaque situation de changement climatique. Conduit par l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), le conseil scientifique et technique de la filière vitivinicole est sollicité par l’INAO pour étayer scientifiquement la lecture de l’INAO.
Dans la série des essais de cépages adaptés au changement climatique et résistants aux maladies cryptogamique, l’appellation gardoise des Costières de Nîmes vient d’en demander cinq. L’appellation Cognac pourra expérimenter en DEI les alambics à la vapeur (par échangeur externe). Les appellations Alsace, Alsace Grand Cru et Crémant d’Alsace vont tester la couverture du sol par un bâchage dégradable pour lutter contre les mauvaises herbes.