e pas prendre de risque ! Ce principe guide les viticulteurs qui ont décidé d’intervenir tôt cette année. À Puisserguier, dans l’Hérault, Stéphane Grolier n’a pas tergiversé. Il est passé avec son aéroconvecteur, buses hautes fermées, dès le 4 avril, pour appliquer 3 kg/ha de soufre mouillable à raison 120 l/ha sur ses chardonnays à 4-5 feuilles étalées et ses carignans à 3 feuilles.
« Je suis coopérateur, je dois assurer un rendement. L’oïdium me préoccupe. J’échange beaucoup avec mon conseiller. Il m’a incité à traiter préventivement. Je préfère démarrer tôt, avec peu de volume, dans la perspective d’arrêter mes traitements fin juin », explique Stéphane Grolier, qui a prévu d’effectuer son deuxième traitement vers le 20 avril.
Dans l’Hérault, « l’oïdium était déjà présent début avril avec des symptômes en drapeau sur carignan. Il fallait traiter dès 2-3 feuilles étalées. Le chardonnay pouvait attendre 4-5 feuilles. La précocité de 2024 rappelle celle de 2020 », signale Thomas Gautier, consultant viticole à l’ICV.
Dans le sud de l’Ardèche, après une recharge hivernale importante, quatre épisodes cévenols et des températures élevées, les vignerons sont sur leurs gardes. À Lablachère, Vincent Mercier est intervenu sur ses 4 ha de gamay dès le 5 avril, histoire de contrer l’oïdium dont la pression augmente d’année en année. « Compte tenu de cet historique, j’ai apporté 2,5 kg/ha de soufre mouillable. Je suis passé à la lance pour limiter la dérive et cibler au mieux », rapporte-t-il.
Le 12 avril, il a élargi la protection à ses chatus, carignans et merlots, qui étaient à 2 feuilles étalées, en ajoutant du métirame de zinc au soufre pour prévenir le mildiou. « L’oïdium est devenu très difficile à maîtriser. J’ai stocké 100 kg/ha de soufre en prévision de la campagne. Il ne faut pas lésiner sur les doses car rattraper la maladie c’est la croix et la bannière ! »
À Saint-Martin-de-Lerm, en Gironde, Benoît Tartas a appliqué 600 g/ha de cuivre et 3 kg/ha de soufre le 7 avril. Avec son pulvérisateur à jet porté Win’Air, il a traité ses merlots, cabernets francs et sémillons, soit la moitié de ses 21 ha en production. « Je n’avais jamais commencé aussi tôt, explique-t-il. J’ai hésité les vendredi 5 et samedi 6 avril. Puis la météo a prévu un orage pour lundi, ce qui m’a décidé à y aller. J’avais encore en tête les attaques de mildiou de juillet 2023 et le risque pour l’oïdium était de 3 sur 5. Finalement, il n’est tombé que 6 mm le lundi. Mon traitement n’aura peut-être servi à rien, mais je préfère l’avoir fait plutôt qu’être obligé de rattraper le coup. »
Dans le même département, Fabien Pougeard, installé sur 11 ha au Pian-sur-Garonne, a fait intervenir son prestataire le 12 avril avec vingt jours d’avance par rapport à 2023. Ce dernier a traité 9,5 ha de merlot et tous ses cépages blancs avec 1 kg/ha de sulfate de cuivre et 4 kg/ha de soufre. « J’avais terminé la taille le 1er avril, précise Fabien Pougeard. Tous mes rangs sont enherbés. Mes sols étaient ressuyés. Les conditions étaient bonnes pour traiter. Il n’y avait pas beaucoup de végétation mais j’ai voulu me garantir contre le mildiou. Désormais, le deuxième traitement peut attendre. »
À Orsan, dans le Gard, ce 10 avril, Théo Marignane a appliqué 4 kg/ha de soufre et 400 g/ha de cuivre sur son carignan à 3 feuilles étalées. Il a suivi le conseil du technicien de la coopérative à laquelle il livre ses 26 ha de cépages rouges. « C’est la première fois que je débute aussi tôt. D’habitude, c’est autour du 25 avril. Je veux partir sur des bases saines. La pousse est rapide. Je m’attends à devoir intervenir tous les sept à dix jours. Cela correspond à une cadence normale dans la vallée de la Cèze. Je ne ralentirai pas. Je préfère rentrer du raisin qu’économiser sur les intrants », insiste-t-il.
Dans d’autres secteurs, conseillers et viticulteurs apprécient le risque différemment mais sans le négliger. Dans le Var, le premier foyer primaire de mildiou a été détecté le 9 avril à La Londe-les-Maures. Mais Julie Mazeau, conseillère viticole à la chambre d’agriculture n’y a pas vu de danger immédiat. « Il y a du vent et aucune pluie n’est annoncée. On peut se permettre d’attendre », explique-t-elle, le 11 avril. Dans l’ouest gardois aussi, selon Lucas Pouillaude, conseiller à l’ICV, les premiers traitements ne devaient commencer qu’autour du 15-20 avril.
Basé à Puisserguier comme son confrère Stéphane Grolier, Pierre-François Comps ne perçoit pas le même danger que lui. Interrogé le 10 avril, ce vigneron pensait positionner son premier traitement vers le 20 avril pour ses 17 ha de cépages, majoritairement rouges. « Des collègues s’y sont déjà mis sur chardonnay. Mes vignes ont dix jours d’avance mais elles n’ont pas eu de pluie récemment. Et il n’y a pas d’oïdium sur mes carignans. Je déciderai du premier traitement en fonction de la météo », déclare-t-il. Le jour J, il appliquera du difénoconazole, du phosphonate de potassium et de l’amétoctradine sur toute sa surface.
En ce début de campagne, l’herbe est sous contrôle. Dans le Gard, Théo Marignane, qui désherbe mécaniquement la ligne des souches, a déjà effectué un buttage courant mars. Prochain passage prévu : un binage entre le 1er et le 15 mai. En Gironde, Benoît Tartas enherbe ses vignes un rang sur deux et travaille l’autre interrang. Sauf cette année, où il n’a pas travaillé le sol et ne compte pas le faire, mais passer la tondeuse partout. Si bien qu’il a pu entrer dans ses parcelles et désherber. À la mi-avril, les vignes de Stéphane Grolier, dans l’Hérault, sont propres également. Il a profité d’un ébourgeonnage chimique pour appliquer un défanant sur le rang. Par la suite, il interviendra soit avec des doigts Kress, soit avec un intercep.