ambrusque (éditions Les Ateliers de l’Argol, 19 €). Voici un livre qui ne ressemble à aucun autre : écrit entièrement en vers libres, sur le modèle des Géorgiques de Virgile (il y a 2 000 ans), il résonne étonnamment bien avec des questions brûlantes de notre époque chamboulée. Catherine Bernard, qui a longtemps été journaliste à Libération avant de devenir vigneronne en 2005 dans le Languedoc, a mené une enquête. Le point de départ : le 28 juin 2019. « Ce jour-là, il y a eu un énorme coup de chaud chez nous, explique-t-elle, et mes vignes ont quasiment brûlé sur place. J’ai commencé des recherches, avec assiduité, pour retourner aux origines de la vigne et comprendre comment on en était arrivés là. »
Remontant jusqu’au point de rencontre entre Homo sapiens et Vitis labrusca, à l’orée de la forêt, la vigneronne a croisé ce récit historique et mythologique, très érudit, avec son propre parcours. La petite histoire dans la grande Histoire est celle de son enfance sous le ciel gris du pays nantais, puis de sa découverte intime de la vigne, sous le ciel plus violent du Languedoc.


Ode à la beauté du monde, aux aspects les plus sacrés du vin, et au bonheur intense que procure le métier de vigneronne, le poème se teinte aussi de tristesse, voire de nostalgie. « J’ai eu un dégoût de la viticulture, avoue Catherine Bernard, mais jamais de la vigne. » Le poème emprunte même le chemin de la colère quand le propos devient plus politique. Cette quête entre terre et ciel a en effet mené l’autrice « à la question agricole en général, à la terre. Et je pense que le fait qu’une terre nous appartienne, on en oublie qu’on appartient à la terre, au même titre que tous les êtres vivants. (…) Le capitalisme a avalé la vigne. Ça reviendra mais c’est terrible.»
Dans l’histoire qui relie la vigne sauvage apprivoisée par l’homme, ou l’inverse, au pied de vigne dégénérescent de nos temps modernes, Catherine Bernard trouve toutefois de l’espoir. « La menace est telle qu’on peut s’extirper des codes, des règles, pour réécrire, propose la vigneronne. Ça me semble une chance… Quand je me suis installée en 2005, tout allait bien, donc je n’avais aucune raison de m’éloigner des codes. Une crise, ce n’est pas négatif en soi. »