Terre de vins sonde les Français sur leur relation au vin. Les moines cisterciens de l’abbaye de Lerins remettent des valeurs dans le vin. Le temps des foires aux vins donnent des idées à Télérama qui explore la biodyanmie à Bordeaux, à Jacques Berthomeau qui dessine le profil des nouveaux cavistes, et au fromager Xavier qui veut, à Toulouse, sur le campus de Purpan, associer pain, vin et fromage. Catherine Bernard
Terre de vins sonde les Français sur le vinPour son cinquième anniversaire en version nationale, le magazine Terre de vins s’offre et offre à ses lecteurs un sondage sur la relation des Français au vin. Ce sont trois questions choc posées par l’institut Viavoice à « un échantillon de 1015 Français âgés de 18 ans et plus » : Faut-il initier les jeunes dès 17 ans à une consommation modérée du vin ? Connaissez-vous le vin ? Approuvez vous l’entrée du vin au patrimoine gastronomique du pays ? Il en ressort que « face au danger de la consommation d’alcool chez les jeunes de moins de 18 ans, 51% des Français estiment en effet qu’une initiation au vin et à sa consommation modérée serait utile ». Sur ce point, Jefferson Desport précise : « Lors d’une dégustation on ne sert pas un verre de vin, mais une « dose » de vin. Laquelle n’est pas destinée à être bue, mais goûtée et recrachée. De quoi parle-t-on ? D’arômes de parfums, de notes de fruits, de fleurs, de cuit …. Mais aussi de climatologie, d’innovation, d’assemblages ». Terres de vin tend la perche à Alain Rigaud, psychiatre et président de l’Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie), lequel confirme : « Toute prévention passe par l’éducation ». Sans surprise, « 78% des sondés se déclarent d’accord » avec l’initiative du Sénat qui a fait entrer le vin au patrimoine gastronomique. Plus intéressant, et révélateur d’une « américanisation » de la relation au vin : « 43% des cadres et profession libérales ont le sentiment de « s’y connaître », contre seulement 30% des professions intermédiaires, 20% des employés, et 16% des ouvriers ». « Ce qui prouve le caractère élitiste du vin », en déduit le magazine. On pourrait aussi parler d’un retour du réel. En tout cas, Terre de vins a fait mouche. Le sondage a été repris de concert sur les ondes et dans les colonnes de la presse papier et numérique. De tous, on retiendra la leçon qu’en retirent nos voisins britanniques du Daily Telegraph (http://www.telegraph.co.uk/foodanddrink/wine/11072706/France-has-not-lost-its-nose-for-wine-in-fact-the-future-is-rose.html), lesquels ne faillissent ni à leur réputation d’amateurs éclairés, ni à celle d’un humour pince sans rire : « La France a perdu son nez pour le vin, en fait, le rosé est l’avenir du vin ». « Certaines idées que l’on se fait des Français tombent, écrit finement Victoria Moore. L’une est que l’on ne s’imagine pas qu’ils puissent avaler huit pintes dans un pub chaque soir en hurlant et appeler cela, par surcroît, une pratique culturelle. Une autre est qu’ils s’y connaissent en vin. Nous Anglais, sommes irrationnellement agacés par notre manque d’expertise en vin. On s’inquiète de ne pas savoir faire la différence entre les Crozes-Hermitage et les Châteauneudu-Pape, tous de la vallée du Rhône. Ce complexe d’infériorité nous plonge même dans un état de panique. Voilà pourquoi il y a une telle jubilation à pouvoir écrire : « Les Français ont perdu leur nez pour le vin ». Partant de ses expériences dans le vignoble français, la journaliste britannique conclut néanmoins : « Les résultats de ce sondage ne suggèrent-ils pas plutôt que les Français ne s’y connaissent ni plus ni moins en vin qu’auparavant, mais reconnaissent simplement ne pas s’y connaître. Et ils le font avec beaucoup de panache ».
Le vin des moinesQui aurait parié sur un succès populaire du film ascétique de Xavier Beauvois, « Des hommes et dieux » relatant les derniers jours de la vie des moines cisterciens de Tibhirine en Algérie ? Et pourtant. C’est ce même phénomène qui arrive à une dépêche anecdotique de l’AFP sur le vin des moines de l’abbaye de Lerins ,« fondée au Ve siècle par Honorat sur cette île paradisiaque en Méditerranée, bordée de pins » . Catherine Marciano y dresse le portrait du frère Marie Pâques, « atypique commercial d'un vignoble de 8,5 hectares (qui) se réveille chaque jour à 4h00 sur sa petite île de Saint Honorat, au large de Cannes, et prie cinq heures dans sa communauté d'une vingtaine de moines cisterciens ». On peut lire son récit dans la Presse canadienne comme dans Terre-Net. «Je vends du vin et je vends des valeurs», «je veux me servir de l'excellence des vins pour promouvoir la fraternité», dit le frère Marie Pâques. « Il reçoit des personnes en détresse et donne des conférences sur l'équilibre travail-vie personnelle, n'a rien d'un ermite. Ses fonctions l'ont mené à New York, Moscou, Tokyo ou Hong Kong. Il revient de Paris pour la sortie d'un guide sur les vins. Autant d'occasions pour faire connaître sa marque naissante : « une île, des frères, un grand vin ». D’où le titre, « des moines au service de Dieu et du vin ». C’est aussi un retour aux origines que salue Christophe Tupinier dans Le Point. Son article sur la Romanée Conti, aussi fondée par les Cisterciens, n’est pas un énième sur le vin, mais une plongée dans les souches. « "Matériel végétal", voilà un terme bien barbare pour désigner des pieds de vigne », commence Tupinier. Il développe : « Les vieilles vignes du Domaine de la Romanée-Conti ont des ancêtres dont les origines remontent à la Renaissance et peut-être même plus loin encore. C'est un patrimoine génétique inestimable que le domaine s'efforce de préserver ». Il ramène à ce geste ultime et magnifique, le provignage : « Une fois la limite d'âge atteinte, un pied de l'ancienne Romanée-Conti était délicatement courbé, enterré, et il prenait racine en reproduisant fidèlement les caractéristiques du pied originel ».
A côté des FAVLes Foires aux vins ont cela de bien qu’elles génèrent pendant quelques semaines un intérêt pour le vin. Le magazine culturel Télérama consacre ainsi une enquête fouillée sur la biodynamie, laquelle pointe son nez à Bordeaux, à château Falfas, par un drôle de retour des choses : « C'est peut-être là que l'histoire des vins vivants a commencé. Sur les coteaux de la rive droite de l'estuaire, enchâssé dans un repli de la « petite Suisse girondine (…) « Je suis arrivée ici en 1988, par amour pour mon mari américain, avocat à Paris, qui rêvait de faire du vin », raconte Véronique Cochran. Ce que John Cochran ne sait pas alors, c'est que l'étudiante qu'il vient de rencontrer est la fille de François Bouchet, l'homme qui a introduit les théories de l'Allemand Rudolph Steiner (1861-1925) – père de la biodynamie – dans la viticulture française ». Télérama mesure aussi l’évolution : « Le tonnerre est tombé : Château Palmer, une des perles du Médoc, s'est converti à la biodynamie !Palmer, nous y étions allés en 2004. Le jeune Thomas Duroux, que l'on apercevait dans Mondovino comme un sympathique et talentueux artisan du goût mondialisé, venait d'être nommé directeur du Château. Eh bien, le responsable de cette spectaculaire conversion à la biodynamie, c'est lui, secondé par une jeune vigneronne normande, Sabrina Perne ». Dans l’une de ses chroniques, Jacques Berthomeau voit, lui, l’émergence au XXIème siècle du « caviste militant » : « Dans le paysage du commerce de détail du vin, la grande novation du XXIe siècle c’est l’éclosion d’un nouveau profil de caviste : le caviste militant qui fait du prosélytisme, défend de justes causes, s’engage pour ses vignerons, organise des dégustations, ferraille sur Face de Bouc : nature or not nature, blogue, prend son métier de prescripteur très à cœur ». A Toulouse, le fromager Xavier veut « associer le vin, le fromage et le pain sur le domaine de l’école d’ingénieurs de Purpan ». Le nom de son projet dévoilé dans le quotidien économique toulousain Touleco ? L’origine. « C’est une idée née il y a quatre ans dans la tête de François Bourgon, directeur de la célèbre fromagerie Xavier à Toulouse. L’objectif est de concilier recherche, formation et restauration autour des trois produits que sont le vin, le pain et le fromage. Etendu sur 1.300 m2, cet espace comprendra deux niveaux : un espace de restauration pouvant accueillir 500 personnes debout (300 assises), une boulangerie, une cuisine, des caves à vin et d’affinage. L’Origine sera ouvert au grand public comme aux professionnels et aux entreprises », résume Objectifnews. On finit toujours par y retourner.



