’est le temps des prévisions qui seront plus ou moins contredites. En Amérique, caves et projets pour la viticulture sont grandioses. Le lexicographe Tristant Hordé remonte aux origines de la carte et du menu des restaurants.
Madame SoleilC’est une carte de France des 50 départements placés en alerte sécheresse. On la retrouve sur le site de Vitisphere qui fait le tour des vignobles qui souffrent de la sécheresse. « La plupart des vignobles sont concernés, à des degrés divers : Vallée du Rhône, Bourgogne, Alsace, Bordeaux, Val de Loire, Provence (…) Dans le meilleur des cas, le stress hydrique provoque un ralentissement du cycle végétatif. Dans les pires situations, les jeunes vignes ou celles implantées sur sols légers ou drainants, les pieds se dessèchent progressivement.», rapporte Juliette Cassagnes. Ce bel été annonce des vendanges précoces. « Sous l’effet de la canicule du début d’été la plupart des vignes ont entamé le stade de début de véraison (la maturation des baies) au 20 juillet et la « sortie des grappes a été généreuse dans de nombreuses régions », relève le site Les new eco . Il reprend les traditionnelles et non moins souvent contredites prévisions du ministère de l’Agriculture : « Selon les données collectées au 20 juillet, la récolte atteindrait cette année 46,6 millions d’hectolitres, très légèrement inférieure à 2014 (-1%) mais toujours mieux que la moyenne des cinq dernières années (+2%), affirme Agreste». Idealwine prend soin de préciser : « Rien n’est encore joué, car le stress hydrique pourrait faire baisser ces chiffres s’il venait à se prolonger ». Idealwine conclut : « Il est en effet vrai que tout peut arriver tant que les raisins ne sont pas rentrés au chai … même si à en croire les derniers millésimes, les années en 5 (comme les années en 0) sont toujours de grands millésimes … ! ». Vitisphere franchit le cap des vendanges : « Selon les estimations de la Fédération Agroalimentaire des Commissions Ouvrières (FEAGRA-CCOO), la récolte du prochain millésime français mobilisera 15 000 vendangeurs espagnols », comme en 2014. La sécheresse et la canicule ne sont pas l’apanage de l’Europe. Selon Winesearcher, Napa en Californie se prépare aussi à des vendanges précoces. « La récolte sera plus petite en 2015 après les records des deux années précédentes. C’est un peu tôt pour faire des prévisions sur la qualité », écrit Blake Gray. Néanmoins, l’homme étant incorrigible, il ajoute : « On espère raisonnablement un grand millésime ».
En Amérique, tout est grandLes Américains ont l’art du travestissement. Wine Spectator nous emmène cette semaine en Floride chez les Morans, un couple de collectionneurs de vins qui fortune faite avec la chaîne des Rôtisseurs se construisit une maison au luxe ostentatoire comme seuls les Américains savent les imaginer. Ils ont fini par marier passion et sens des affaires, la maison étant devenue une cave où l’on trouve des Petrus et autres grands crus classés … sous l’escalier : « Nous avons réalisé qu’il y avait sous le grand escalier un espace magnifique que l’on n’exploitait pas. C’était un lieu idéal pour une collection de vin », dit Sandi Morans au journaliste du Wine Spectator. « Le couple a travaillé avec un architecte pour créer une cave majestueuse. On peut voir les bouteilles derrière l’habillage de verre depuis la table de la salle à manger ». Une photo illustre le propos. Elle est à l’image de la notion de luxe du couple. La maison est devenue « une cave à manger », dans la démesure propre à la Floride. La RVF nous conte une autre ambition démesurée, celle du vigneron californien Randall Grahm. Ce dernier « a mis en ligne un programme de financement participatif pour des travaux de recherche pharaoniques. Son ambition est de créer 10.000 cépages, entièrement nouveaux, non OGM, qui combineront résistance aux maladies, adaptation à la sécheresse et caractères organoleptiques irrésistibles ». Il s’appuie sur les agronomes Lydia Gabucci-Bourguignon et Claude Bourguignon, chantres du terroir et sur le vigneron alsacien Jean-Michel Deiss. « La plateforme Popelouchum vineyard a recueilli en une journée 25.240 $US, soit 7% du total nécessaire : 350.000 dollars. Vous pouvez encore acquérir le droit de donner votre nom à un cépage pour 85 dollars ». On est en Amérique.
Par les menusPar les menus
Une histoire de mots Tristan Hordé Editions Argol 90p, 15€
« Nous entrons dans le restaurant, nous avions réservé deux couverts, nous sommes vite placés et l’on nous remet un mince cahier. Sur la première page, la carte ; on tourne et l’on part à la découverte de deux menus avant d’aborder la carte des vins. Carte, menu : les deux choses font tellement partie de nos habitudes, si peu que l’on fréquente des restaurants, que l’on ne s’interroge ni sur leur origine, ni sur le choix des mots qui les désignent ». C’est à cette tâche que le lexicographe Tristan Hordé s’attelle dans un petit ouvrage publié par les éditions Argol auxquelles on doit aussi l’exploration de l’Amer, l’Astringent et l’Acide. Le terrain d’études de Tristan Hordé nous fait remonter à la naissance du restaurant au XVIIIè siècle dont on se dit qu’il ressemble étrangement au XXIè : « Les possibilités d’acheter des plats préparés, étaient devenues abondantes, et il existait une forte concurrence entre rôtisseurs, cuisiniers traiteurs, pâtissiers (qui fabriquaient des pâtés), marchands de vin (qui avaient développé leur commerce en employant des cuisiniers et en louant des chambres), hôtels garnis ». On y apprend que le mot carte, celle des plats et celle des vins, emprunte au latin charta « papier sur lequel on écrit ». Il entre en cuisine au XVIIIè après avoir longtemps désigné « l’appareil en carton qui donnait du volume à l’arrière des robes ». Souvent la sémantique est glissante comme du verglas. Quant au menu, il a longtemps été un simple adjectif désignant les choses de peu. Des « menus d’oies » n’étaient autres que les abatis (pieds, foies et gésiers). Le sens de menu s’élève en devenant « petit, fin », jusqu’au détail et à la liste dans une ellipse qu’illustre encore aujourd’hui l’expression « par le menu détail ». Pendant longtemps, les vins clôtureront « le menu ». Ils seront de Bordeaux et de Beaune, de Macon, de Champagne. Les vins avec leur origine ont quitté la carte des menus et gagné la leur. Par un effet de vases communicants, la généralisation de l’industrie agroalimentaire qui produit des « viandes chargées d’antibiotiques et des légumes imprégnés d’engrais et de pesticides », a conduit la crème des restaurateurs à afficher sur la carte la mention d’origine, ainsi qu’il en a toujours été du vin : « Saint-Jacques de la baie de Morlaix », « cochon de lait de Bigorre ». Le restaurant demeure, sinon dans la réalité, du moins dans les esprits, un modèle du bien boire et du bien manger.