l y a une vingtaine d’années, l’IFV ne tarissait pas d’éloges envers les pulvérisateurs pneumatiques. Assurant une bonne couverture du feuillage avec peu de bouillie par hectare, ces appareils avaient tout pour plaire. «Cette technologie, qui permet de travailler avec des fines gouttes et un volume réduit, a séduit de nombreux vignerons qui veulent un débit de chantier et une autonomie très importants», avoue Sébastien Codis, ingénieur à l’IFV et expert en optimisation de la pulvérisation.
«Dans le Var, l’Hérault ou le Gard, 60% des pulvérisateurs sont des pneumatiques», affirme Renaud Cavalier, conseiller à la chambre d’agriculture du Gard. Même constat du côté de la Champagne ou du Médoc. «Un vigneron sur deux traite avec un pulvérisateur pneumatique», lance Romain Tourdias, directeur de l’antenne du Médoc à la chambre d’agriculture de la Gironde.
Mais les recommandations et le contexte ont changé. «Les préoccupations environnementales se sont renforcées. L’utilisation de produits de contact s’est développée. La qualité de la pulvé et la réduction de la dérive sont devenues nos objectifs numéro1, argue Sébastien Codis. Le jet porté répond davantage à ces nouvelles contraintes que le pneumatique. Sauf exception, le pneumatique ne permet pas de réduire la dérive, en particulier en début de saison, car il est impossible de réduire la vitesse de l’air, une grande vitesse étant en permanence nécessaire pour former les gouttes. Cela entraîne une surconsommation de produits phyto et de carburant. Au contraire, avec le jet porté, on peut réduire la vitesse de l’air en début de campagne, puis l’augmenter au fur et à mesure que la végétation pousse, sans aucune incidence sur la taille des gouttes. Cela offre davantage de souplesse.»
Romain Tourdias rappelle qu’en matière de pulvérisateurs, il faut considérer la technologie – pneumatique ou jet porté – et l’architecture – voûte ou rampe avec des descentes. Dans tous les cas, ce qui compte c’est la distance entre la buse ou le diffuseur et la zone à protéger. «Au maximum 40cm, pour avoir une bonne qualité de pulvérisation et un bon brassage du feuillage, affirme-t-il. Avec un pneumatique à voûte, c’est impossible. Les diffuseurs sont beaucoup trop éloignés de la cible. C’est d’autant plus important que les vignerons privilégient les produits de contact qui nécessitent une meilleure couverture que les systémiques ou les pénétrants.»
Sébastien Codis, voit un autre inconvénient dans les voûtes pneumatiques. «Avec le réchauffement, les étés sont de plus en plus secs, remarque-t-il. Or, quand l’air est sec, que les diffuseurs se trouvent à 1,50m des raisins ou du feuillage et que l’on traite en deçà de 100l/ha, le produit s’évapore avant même d’avoir atteint sa cible. Sans parler des problèmes de dérive.»
Les rampes pneumatiques posent moins de problèmes que les voûtes, leurs diffuseurs étant plus proches de la végétation. Mais comme elles produisent également de fines gouttes et qu’on ne peut pas non plus réduire la vitesse de l’air à la sortie des diffuseurs, elles sont moins performantes pour réduire la dérive que leurs homologues à jet porté.
S’agissant de la taille des gouttes, pour Mathieu Liebart, chef de projet au Comité Champagne, «l’idéal se situe entre 200 et 250 micromètres de diamètre. C’est pour cela qu’en Champagne on recommande de traiter à 150l/ha avec des buses à turbulence de calibre 005, couleur lilas et à 5km/h. Ça permet d’obtenir une goutte de calibre idéal, ni trop fine, ni trop grosse, et une bonne répartition du produit sur la feuille et le grain, avec peu de dérive».
Dans le Gard, Renaud Cavalier, conseiller en agroéquipement à la chambre d’agriculture, recommande de choisir les buses selon les produits employés. «Lorsqu’on applique des produits de contact, que ce soit du cuivre ou du folpel, il vaut mieux utiliser des buses à turbulence type ATR 80 de couleur lilas, mais pas blanche car le risque de bouchage est trop important. Et aux vignerons conventionnels qui emploient des produits pénétrants ou systémiques, on conseille de choisir plutôt des buses antidérive, type IDK de chez Lechler ou CVI de chez Albuz. Les gouttes seront plus grosses, ce qui n’est pas gênant avec des systémiques, et il y aura beaucoup moins de dérive. »
Adel Bakache, conseiller viticole à la chambre d’agriculture de la Gironde est catégorique. «Dans les vignes plantées à plus de 1,50m entre les rangs, si on traite avec des rampes avec une seule descente par interrang, la qualité de la pulvérisation décroche. On perd entre 20 et 50% de couverture et d’efficacité de traitement. Le flux d’air ne brasse pas suffisamment les feuilles et les buses sont trop éloignées de la végétation. La solution idéale serait de traiter avec deux descentes dans le rang.» Une configuration envisageable pour ceux dont tout le vignoble est planté au-delà de 1,50m. «Pour ceux qui dont une partie du vignoble est plantée à 1,50m et une autre partie à 1 mètre, c’est plus compliqué. Dans les vignes plantées à 1 mètre, il est impossible de traiter avec deux descentes. Le chauffeur aurait à peine 10cm de chaque côté pour manœuvrer. La seule solution serait alors d’avoir deux pulvérisateurs. »