es relations diplomatiques entre la Russie et l’Occident ne s’améliorant pas, les appels à sanctionner les vins et spiritueux importés sur le marché russe sont de nouveau d’actualité. Cette fois, l’association russe des producteurs de raisins et de vins exhorte les autorités nationales à établir des droits de douane de 200% sur des vins – tranquilles, effervescents et fortifiés – provenant des pays de l’Otan. Elle demande également à ce que cette mesure soit assortie de quotas sur la part des vins russes commercialisés au détail (20% puis 50%) et dans le circuit CHR (50%), d’après une information publiée par Sputnik Globe.
Il faut dire que malgré la hausse des accises imposées aux vins importés l’an dernier, les importations ont continué à progresser. D’après les chiffres annoncés par cette même association, la part des vins importés sur le marché russe a augmenté de 4 points en 2023 pour atteindre 48%, suite à une hausse de 6% des importations sur les dix premiers mois de l’année. En toute logique, la part des vins locaux a diminué, un recul qui se conjugue à une régression des exportations. En effet, d’après les douanes fédérales russes, les exportations de vins russes ont été divisées par deux l’an dernier par rapport à 2022. Or, le développement du secteur vitivinicole russe représente un objectif cher à Vladimir Poutine, comme en témoigne l’avantage fiscal accordé aux produits russes. Dès le 1er mai 2024, si les accises imposées aux vins passeront à 108 roubles par litre (soit 1,08 €), puis à 112 roubles dès le 1er janvier 2025 et à 116 roubles à partir du 1er janvier 2026, les producteurs russes continueront à bénéficier du remboursement de la majeure partie de ces accises. Cela, à condition que ce montant soit investi dans le développement de la production et de l'augmentation de la superficie des vignobles, rappelle l’association russe.
Outre la demande d’une taxe sur les importations, les autorités russes envisagent de rendre obligatoire l’étiquetage relatif aux accises sur le territoire national. Ce 21 mars, le ministre des Finances Anton Siluanov a affirmé que cette obligation devrait être transférée vers la Russie, les autorités craignant que certains pays puissent interdire l’apposition de timbres fiscaux sur leur sol. « Actuellement, ce processus se déroule dans des entrepôts à l’étranger, notamment dans les pays baltes », a expliqué le ministre à l’agence de presse russe Interfax. « Il faut préparer des propositions législatives visant à interdire cette pratique dans d’autres pays et la transférer sur le territoire de la Fédération de Russie. C’est une tâche importante ». Depuis 2022, la Russie mène des expériences dans ce sens, à commencer par la région de Kaliningrad puis à l’échelle nationale. En attendant que ce dispositif soit au point, le parlement russe a décidé de prolonger de deux ans la phase d’expérimentation, qui devait se terminer au 31 mai 2024. Cette période doit servir à « établir de nouvelles routes logistiques et à créer des infrastructures dédiées ».
Les pays baltes – par ailleurs membres de l’Otan – jouent, en effet, un rôle clé dans les importations de vins et spiritueux en Russie, sans doute permettant à certains opérateurs de contourner les différentes sanctions. Pour prendre l’exemple de la Lituanie, seuls les vins de luxe dont le prix est égal ou supérieur à 300 euros la bouteille sont interdits d’exportation. D’après la presse locale, la Lituanie est devenue le principal fournisseur de vins à la Russie en 2023, devant la Géorgie, l’Italie et l’Espagne, avec des exportations d’une valeur de 95 millions d’euros au premier semestre. Or, comme l’a rappelé le ministre lituanien de l’Economie, « le vin lituanien ne s’exporte pas en Russie ». De son côté, le Comité Vins à Bruxelles relativise le rôle des pays baltes dans les réexportations de vins vers la Russie pour éviter les sanctions : « La Lettonie et la Lituanie ont toujours été une plaque tournante pour les exportations vers la Russie, même avant les sanctions. Il ne s'agit donc pas d'un moyen de contourner une quelconque réglementation », affirme son secrétaire général Ignacio Sanchez Recarte. Pour l’heure, le CEEV précise que la situation concernant une imposition de 200% de taxes sur les vins issus des pays de l’OTAN n’est pas claire et qu’il ne peut pas confirmer l’intention du gouvernement russe d’appliquer une telle mesure.