Quand j’ai vu qu’on avait reçu 10 000 € pour notre exploitation, ça a été un soulagement », se souvient Anne-Sophie Belz-Barral, propriétaire avec son mari du Gaec Le champ des gardes, 18 hectares à Vendémian dans l’Hérault. « On a reçu la facture pour l’engrais 2023 de 5 300 € et celle des plants de 5 500 €. Je sais que je vais pouvoir les payer. Sans l’aide, je risquais de me retrouver dans le rouge. »
Selon ses calculs, il manque 1 000 € par mois à l’exploitation pour payer ses charges. Une conséquence de la mauvaise récolte 2023 et de l’augmentation des charges. « Nous avons perdu 28 % de récolte par rapport à 2022. D’un côté, les acomptes de la coopérative ont baissé et, de l’autre côté, toutes les charges ont explosé », explique cette coopératrice. Pour payer les factures, « je coupe dans nos deux salaires qui ne sont que de 1 100 €/mois. C’est la première année, depuis notre installation en 2018 ».
Si le fonds d’urgence apporte un répit bienvenu à Anne-Sophie Belz-Barral, très peu d’exploitants peuvent en dire autant. L’Hérault, qui dispose d’une enveloppe de 13 millions d’euros, a versé des acomptes de 5 000 € au fur et à mesure de l’instruction des dossiers. Mais la majorité des 27 départements concernés par le fonds d’urgence n’avait encore rien distribué mi-mars.
« Cela fait trois semaines que j’ai déposé mon dossier. En dehors d’un accusé de réception, je n’ai pas eu de réponse [au 13 mars, ndlr]. Je n’ai aucune idée du montant qu’on va avoir », expose Raphaël Bach, propriétaire du domaine de Foussal, 8 ha à Barguelonne-en-Quercy, dans le Lot. Pour le moment, Raphaël Bach, dispose encore de trésorerie. « Je me suis installé, il y a un an avec un fonds de roulement de 24 000 €, grâce à l’aide à l’installation. » Mais ce vigneron indépendant redoute les prochains mois. « Pour ma première année, en 2023 j’ai perdu 50 % de ma récolte. J’ai peur de ne plus avoir de vin à vendre à la sortie de l’été. » Quelle que soit la somme qu’il va toucher, Raphaël Bach la consacrera au remboursement de ses charges parmi lesquels les annuités du prêt qu’il a contracté pour reprendre l’exploitation familiale.
Dans les Pyrénées-Orientales, les montants de l’aide seront établis après le 20 mars, date de clôture des dépôts de dossier. Un coopérateur qui préfère conserver l’anonymat confie qu’il « aimerait avoir déjà reçu le versement car les dépenses pour les engrais et les produits phytosanitaires arrivent ». Ce viticulteur à la tête d’une trentaine d’hectares de vignes, a déclaré une perte de production de 55 % par rapport à 2018, pour candidater à l’aide d’urgence. S’il n’a « aucune idée » de la somme qu’il touchera, il sait déjà qu’il s’en servira d’abord pour rembourser les 7 000 € qu’il doit à des fournisseurs et que l’année sera dure « car les paiements pour la récolte 2023 risquent d’être divisés par deux ou trois ».
Comme lui, Laurent Bellion veut régler ses dettes. Après quatre années difficiles, ce dernier, propriétaire du domaine Eyguestre à Séguret dans le Vaucluse, n’a plus de trésorerie. « J’ai déposé un dossier pour obtenir le fonds d’urgence en justifiant d’une perte d’EBE de plus de 40 % en 2023, par rapport à 2022 », précise-t-il. Avec l’aide, Laurent Bellion souhaite en priorité payer ses fournisseurs auxquels il doit près de 40 000 €.
Pour Christophe Caussé, propriétaire avec sa sœur du domaine Gayssou, 40 ha à Gaillac, dans le Tarn : « L’aide ne nous sortira pas de la panade. Même si on obtient 15 000 €, ce sera une goutte d’eau. Nous avons perdu l’équivalent d’une récolte sur trois ans, soit environ 300 000 € de chiffre d’affaires, et nous avons une dette fournisseur de 30 000 €. » Les petites années ont poussé ce vigneron indépendant à « taper dans les stocks si bien qu’en juin, on n’aura plus rien à vendre. Heureusement, notre banque n’a fait aucune difficulté pour décaler les annuités et nous accorder un nouveau prêt ».
À Portel-des-Corbières, dans l’Aude, Cyril Mombellet, à la tête du domaine La Fount de Lou Vi, a déjà reçu 2 500 € d’acompte. Lui aussi a subi une mauvaise récolte 2023. « En temps normal, je mettais 300 hecto à la coopérative. Là je n’en ai mis que 60, car j’ai préféré conserver l’essentiel de ma récolte pour mes ventes en bouteille. Je vais donc avoir une baisse de chiffre d’affaires d’environ 2 000 € par mois », expose ce vigneron à la tête de 13,5 hectares de vignes, dont 11 en production. S’il obtient l’aide qu’il espère, un peu plus de 10 000 €, Cyril Mombellet pourra tenir jusqu’à la prochaine vendange, sans année blanche bancaire. « Je n’ai pas demandé le décalage des annuités car la vendange à venir pourrait être pire, compte tenu de la sécheresse que nous subissons, explique-t-il. J’ai plutôt fait le choix d’augmenter les volumes de bouteille. L’année prochaine, on verra où on en est. »
À la mi-mars, le cabinet du ministère de l’Agriculture a annoncé que 2 486 605 € avaient déjà été versés sur l’enveloppe globale de 80 millions d’euros. Cette somme a été attribuée à des vignerons de l’Hérault, de l’Aude, du Tarn-et-Garonne et des Bouches-du-Rhône, départements qui avaient déjà procédé à des paiements. Le ministère précise encore que, au 6 mars, 389 dossiers avaient été déposés.