n deux mois, l’enveloppe a été multipliée par quatre. Le 31 janvier, le gouvernement a annoncé que le fonds d’urgence pour soutenir les viticulteurs en mal de trésorerie passait de 20 à 80 millions d’euros. Dans le département le plus doté, la Gironde, Stéphane Gabard, président du syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur s’en félicite. « Au vu des pertes de récolte que nous avons subies, même si on avait eu les 80 millions, cela n’aurait pas été suffisant. Néanmoins, on salue le geste. Cela va permettre d’acheter des intrants, de payer le personnel », appuie-t-il.
Dans le département voisin, Laurence Rival, présidente de la Fédération des vins de Bergerac et Duras, salue la clé de répartition du fonds qui s’appuie sur la production de l’année 2018. « Pour la Dordogne, nous avons reçu 1,41 million d’euros. C’est équitable », indique-t-elle.
Rien de tel dans les Pyrénées-Orientales, où des chefs de file de la viticulture sont allés jusqu’à faire le siège du ministère de l’Agriculture pour obtenir une rallonge. Mi-février, suite à leur mobilisation, le fonds pour leur département est passé d’1,9 million à 6 millions d’euros. « Nos pertes par la sécheresse sont telles qu’on demandait entre 10 et 11 millions. Mais 6 millions, c’est bien ; on a été entendus », salue Guy Jaubert, président des vignerons indépendants des Pyrénées-Orientales.
Dans le Sud-Ouest, Frédéric Ribes, président du syndicat des vins de Fronton, appellation à cheval sur deux départements, assure qu’un supplément a également été obtenu, sans toutefois en révéler le montant. « Les vignerons ont perdu 59 % de leur récolte en moyenne l’an dernier. La somme initiale [230 000 € pour le Tarn-et-Garonne et 180 000 € pour la Haute-Garonne, ndlr] ne correspondait pas aux pertes réelles », indique Frédéric Ribes. Selon la maison des vins de Fronton, ces pertes s’élèveraient entre 10 et 12 millions d’euros pour l’appellation.
Pour leur part, les représentants du vignoble audois alertent « sur le fait qu’il va y avoir un manque », glisse Ludovic Roux. Pour le président départemental des vignerons coopérateurs, l’enveloppe de 9,23 millions d’euros risque fort de ne pas suffire. « Une grosse partie du département est multi-sinistrée par la sécheresse depuis plusieurs années, comme les Pyrénées-Orientales, indique-t-il. Certains vignerons voient leur vigne mourir sous leurs yeux. »
« Il faudrait abonder l’enveloppe », confirme Jean-Marie Fabre, président des vignerons indépendants de France et vigneron à Fitou. Mais avant de demander une rallonge, les Audois attendent de voir le nombre et le montant des aides demandées par les vignerons qui ont jusqu’au 12 mars, dernier délai, pour déposer leur dossier.
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a demandé que les premières aides soient versées aux vignerons avant le début du salon de l’agriculture. Une injonction qui ne sera pas suivie dans tous les départements. Alors que les premiers versements ont commencé dès mi-février dans l’Hérault, il faudra, en Gironde, attendre la fermeture du guichet de dépôt des dossiers. « Tout le monde a besoin d’argent rapidement, mais pour attribuer l’enveloppe au plus juste il faut d’abord connaître le nombre d’exploitants éligibles à l’aide », indique Stéphane Gabard. Les vignerons devront donc patienter au moins jusqu’au 12 mars, pour connaître leur sort.
Le fonds d’urgence n’est pas encore distribué, que d’autres chantiers attendent les représentants de la filière. « Nous négocions au niveau européen pour obtenir une aide pour les coopératives, comme en 2021, et une aide au stockage privé », fait savoir Ludovic Roux, président des vignerons coopérateurs de l’Aude. D’autres échanges ont lieu, cette fois au ministère de l’Économie. « Nous demandons le report des amortissements en fin de plan initial, précise encore Ludovic Roux. Dans l’immédiat, ce sera une charge en moins, de quoi économiser 5 €/hl. »
En Dordogne, Laurence Rival attend des clarifications sur une autre mesure : l’aide à l’arrachage. En plus des 80 millions d’aide d’urgence, le gouvernement a annoncé une enveloppe de « 150 M€ en complément des crédits du programme national vitivinicole (OCM) pour mettre en œuvre une restructuration différée, comprenant une option d’arrachage “sans replantation” en vue d’une diversification agricole ». Mi-février, les modalités d’attribution de cette aide n’étaient pas connues. Laurence Rival est impatiente de les connaître. « Tous les ans, il y a besoin que l’état saupoudre des aides, indique-t-elle. Mais ce qui aidera vraiment les viticulteurs, c’est une aide à l’arrachage, car le problème est structurel. Il y a une déconsommation. Il faut ajuster le potentiel de production. » Selon les évaluations, il faudrait arracher entre 100 000 et 150 000 hectares en France. Un douloureux ajustement.
Dans l’Hérault, où le guichet a ouvert le 12 février, 500 dossiers ont été déposés en seulement trois jours, indique la préfecture. « Trois dossiers ont été mis en paiement ce matin », rapporte le préfet, François-Xavier Lauch, le jeudi 15 février. Deux exploitants ont reçu 5 000 euros chacun et un Gaec 10 000 €. « Une fois tous les dossiers reçus, nous ajouterons un versement complémentaire pour ceux qui ont eu le plus de difficultés », poursuit le préfet. Pour le moment, peu de viticulteurs ont sollicité une aide au titre de la perte de chiffre d’affaires. En effet, dans ce cas, il faut avoir demandé un réaménagement de son endettement bancaire alors que toutes les banques ne le permettent pas. La majorité des demandeurs déplore des pertes de récolte. En tout, l’Hérault bénéficie de 13 millions d’euros. Le Préfecture s’attend à recevoir plus de 2000 dossiers.