oûteuse série judiciaire pour l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). Cette fin d’année 2023 se sont enchaîné les décisions défavorables devant la justice administrative, de la cour administrative d'appel de Bordeaux ce 21 décembre, invalidant les conséquences financières d’un contrôle de non-accomplissement de travaux du château en appellation Blaye Côtes de Bordeaux (retoqué de 34 000 € pour un défaut d’isolation), au Conseil d'État ce 22 décembre, où la plus haute juridiction administrative a redéfini la vision parcellaire de FranceAgriMer et infirmé son taux de sous-réalisation pour la restructuration d’un vignoble de 3,4 hectares à Valflaunès dans l’Hérault (avec la retenue de 15 000 €). Mais dans cette série récente, c’est une affaire d’un autre niveau financier qui peut interpeler.
Dans sa décision du 28 décembre dernier, la première chambre de la cour administrative d'appel de Paris condamne FranceAgriMer à « verser à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier une somme de 260 062 euros » pour des dépenses de travaux qui auraient dû être considérés comme éligibles d’après la règlementation européenne (115 471 € de fouilles archéologiques, 70 362 € de contrôle technique des travaux, 69 529 € de tuyauterie et de forage, 3 500 € d’étude de bruit et 1 200 € de coordination des travaux*), somme à laquelle s’ajoutera compensation pour les investissements d’« études et ingénierie, maîtrise des températures, cuverie, électricité, tuyauterie et passerelles ». L’enveloppe globale devrait avoisiner 639 223, 42 €, le solde de l’aide retoquée par FranceAgriMer au groupe Laurent-Perrier (coté en Bourse avec les marques Laurent-Perrier, Salon, Delamotte et Champagne de Castellane).
Pour construire une cuverie et un stockage à Tours-sur-Marne, les champagnes Laurent-Perrier ont déposé en janvier 2014 un dossier de demande d'aide à l'investissement auprès de FranceAgriMer, qui a abouti en juillet 2014 à la signature d’une convention actant une aide de 1,7 million €, dont la moitié, 850 000 €, a été versée dans la foulée. Mais quand Laurent Perrier a demandé en décembre 2016 le paiement du solde, 849 964,80 € très précisément, FranceAgriMer n’a pas donné de nouvelles, jusqu’à un paiement limité à 210 741,28 € en septembre 2018. Ayant déposé en vain deux recours gracieux sans réponse pour obtenir le solde de 639 223,42 €, le groupe champenois a FranceAgriMer devant le tribunal administratif de Montreuil, qui lui a partiellement donné raison en juillet 2021. FranceAgriMer se pourvoyant en appel, la machine judiciaire s’est repenchée sur le dossier, pour aller encore plus loin dans son repêchage des aides retirées à Laurent Perrier.
La justice valide les deux principaux arguments du groupe champenois. D’abord l’éligibilité de travaux préalablement obligatoires pour le chantier de sa cuverie (260 062 € de fouilles archéologiques, tuyauterie, contrôle technique*…) en vertu de la réglementation européenne (article 17 du règlement n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008). La juridiction estime ensuite qu’il y a eu une modification rétroactive illégale du régime des sanctions pour les factures dont les dates d’émission sont postérieures à la date limite de réalisation des travaux (ici le 7 juillet 2016, comme la convention de subventionnement datait du 7 juillet 2014) par une décision de son directeur général du 30 décembre 2015 (précédemment « le retard dans la présentation des factures n'emportait l'inéligibilité que des seules dépenses y étant afférentes », le nouveau régime étend « cette inéligibilité à l'ensemble de factures de la même tranche fonctionnelle »), la cour d’appel permett de valider les investissements pour « la maîtrise des températures, la cuverie, l’électricité, la tuyauterie et les passerelles, les études et l’ingénierie » (du moins la partie qui n’a pas été facturée en retard).
Contactée, la maison Laurent-Perrier précise qu’elle ne commente pas ses procédures devant les tribunaux. De même, FrancAgriMer répond à Vitisphere ne pas avoir « pour mission de commenter des décisions de justice », et ce qu’il s’agisse d’éclairer les entreprises candidates sur son application du droit à l’erreur administrative ou sur sa stratégie judiciaire (l’établissement public ne précise pas s’il se pourvoit devant le Conseil d’État).
* : L’exclusion du diagnostic amiante et plomb des aides éligibles a en revanche été confirmée, pour un montant de 11 180 €.