e constat est sans appel pour la filière vin : « on ne passe plus une année sans aléas climatiques, sanitaires, géopolitiques, économiques… » pose Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Si la filière vin est secouée par les éléments extérieurs, elle se heurte à un cadre européen n’arrivant pas à s’adapter s’alarme le vigneron de Fitou (Aude). Alors que le Parlement et la Commission seront renouvelés cette année 2024, « la construction de la prochaine Politique Agricole Commune (PAC 2028-2032) doit s’adapter » plaide le président des caves particulières, pointant qu’« il faut repenser le modèle de réponses aux crises [des filières agricoles]. Le dispositif actuel ne permet pas de réagir rapidement aux coups de butoir multifactoriels ».
Commencé avec les taxes Trump, poursuivi avec la crise Covid et continuant avec les conséquences invasion russe de l’Ukraine, le cycle de déstabilisation de la filière vin aura beaucoup mobilisé dans la filière, dans les ministères et à Bruxelles pour des dispositifs finalement décalés ou sous-dimensionnés par rapport aux besoins. « Il faut énormément de temps et d’énergie pour essayer de mettre en place des outils et les déployer. Le temps de mettre en place les mesures, elles peuvent arriver trop tard et il y a un effet parfois déceptif » résume Jean-Marie Fabre, pour qui « il faut un big bang de l’approche pour disposer de filets de sécurité rapides et efficaces. Y compris des financements à la main des États membres par la subsidiarité (sans cofinancement avec l’Europe). Et sans risque de distorsion de concurrence. »


Plaidant pour une « PAC 2.0 » souple et réactive, le président des Vignerons Indépendants demande « des filets de sécurité » pour déployer plus rapidement des aides en soutien aux crises conjoncturelles, afin que de traiter le mal avant qu’il n’y ait plus de remède possible. Qu’il s’agisse de la distillation de crise, du stockage privé covid, ou des mesures d’arrachage sanitaires, les derniers dispositifs déployés dans le vignoble l’ont été au terme de longs mois de négociations et de circonvolutions, selon un calendrier bien obscur et long en regard de la difficile réalité économique qu’affronte le vignoble. « Face aux crises, notre secteur a besoin d’agilité et de retrouver des outils de gestion » porte donc Jean-Marie Fabre, qui réitère sa demande de création d’un fond de compensation garantissant aux secteurs agricoles des aides compensant la totalité des répercussions de conflits leur étant extérieurs.
Le tout sans que cette extension des outils de la PAC ne déshabille les actions de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin). « Il faut garder notre outil pour accompagner la prise de parts de marché avec un Plan Stratégique National (PSN) sanctuarisé dans ses missions de gain de compétitivité (aides à l’investissement et à la restructuration) et d’agressivité sur les pays tiers pour devenir leaders (aide à la promotion sur les pays tiers) » avance Jean-Marie Fabre, plaidant pour une PAC qui soit renforcée budgétairement après deux baisses du programme sectoriel vitivinicole.
Rêvant d’une PAC agissant avec efficacité et rapidité, Jean-Marie Fabre espère que cette approche d’intervention d’urgences sur les crises, avant que les difficultés ne s’aggravent plus, sera aussi appliquée à la prévention des risques liés au changement climatique. « Il faut des actions d’adaptation et de prévention à l’échelle de la France viticole » alerte Jean-Marie Fabre, connaissant bien, pour la vivre, la crise de la sécheresse qui frappe la zone littorale méditerranéenne. « Les conséquences sont prévisibles s’il n’y a pas d’anticipations : ce territoire ressemblera rapidement au Sud du Portugal si rien n’est fait. Il faut en faire une région test pour l’adaptation au changement climatique. Nous devons, et l’Etat en premier, être aux rendez-vous de l’histoire climatique ! Notre inaction aujourd’hui serait signer la faillite économique et environnementale de notre territoire ! »