u Château de Lisennes à Tresses en Gironde Jean-Pierre Soubie ne digère toujours pas la réponse de son assureur. Alors qu’il a perdu les trois quarts de la récolte de ses 16 ha en bio à cause du mildiou, il ne sera pas indemnisé. « J’ai déboursé 16 615 € pour assurer ces vignes. Et l’assureur m’a dit que les dégâts de mildiou ne sont pas pris en compte », déplore-t-il.
En 2023, cette prime d’assurance a représenté 5,6 % de ses charges de l'exploitation. Alors pour l'année 2024, Jean-Pierre Soubie martèle qu'il ne signera pas « aveuglément ». « Je vais mettre les compagnies en concurrence et négocier. Je voudrais en trouver une qui considère le risque mildiou comme un aléa climatique. Je veux bien payer, à condition d'être indemnisé. »
Négocier, c’est la mission de Vincent Piquemal, propriétaire du Domaine de Danis dans le Gers. En janvier, ce vigneron entrera en discussion avec Groupama au nom des vignerons indépendants de Gascogne pour parler du montant des primes.
Vincent Piquemal plaide pour l’assurance. « Il faut assurer un chiffre d'affaires minimum pour surmonter les coups durs. Sinon, il peut y avoir des dépôts de bilan », dit-il. Mais il juge que les contrats sont de moins en moins attractifs. La faute à la moyenne olympique sur laquelle se fondent les compagnies pour calculer le capital assurable.
« A force d'avoir des sinistres, on se retrouve avec une moyenne basse. Dans mon cas, je ne peux assurer que 35 à 37 hl/ha alors que mon potentiel est de 90 hl/ha. Ainsi, si je perds ma récolte, je ne serai indemnisé que sur 37 hl/ha moins la franchise. Pour que l'assurance redevienne attractive, il faudrait qu'on assure le potentiel de production », insiste ce vigneron tout en sachant que cette revendication, déjà ancienne, a peu de chances d’aboutir. En attendant, il espère faire reconnaître les dégâts de mildiou comme une conséquence de l’excès d’eau lequel est pris en charge.
Pour son domaine de Saint-Mont, Joël Boueilh, entend étudier toutes les pistes. « Peut-être que je ne prendrai pas l’assurance multirisque climatique, contrairement à mon habitude. Je vais étudier d'autres possibilités, comme l'assurance paramétrique où l’on assure un risque précis sans prendre en compte la moyenne olympique. Mais ce n'est pas subventionné par l'Europe », détaille le président des Vignerons coopérateurs de France.
Dans le Lot, Charlène Cauzit, a pris sa décision. Depuis 2019, les sinistres s’enchaînent sur son domaine d'Homs. « Je ne peux plus être assurée que sur 30 hl/ha, alors que mon potentiel est de 50 hl/ha. Donc si je ne récolte que 25 hl/ha, en prenant en compte la franchise, je ne touche rien, alors que j'ai perdu la moitié de ma récolte et que les cotisations ne font qu’augmenter : depuis 2019, mon taux de cotisation est passé de 4,57 % à 8,25 % du capital assuré. » En 2024, Charlène Cauzit va se passer d'assurance.
Si les vignerons étaient nombreux dans son cas, cela mettrait un coup de frein à la tendance observée l'année dernière. Groupama rappelle qu'en 2023 « 44% des vignes ont été assurées », soit 15 points de plus qu'en 2022.
Contactée par La Vigne, Groupama ne veut pas encore s’exprimer sur le sujet du montant des primes d’assurance multirisque récolte pour 2024. Chez Pacifica, « à garanties et capitaux égaux, la cotisation va très peu évoluer en 2024, assure Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l'agriculture et de la prévention de la compagnie. Et si la référence historique ne convient pas aux vignerons, nous proposons des franchises de 15 voire de 10 %. Il faut simplement savoir que le supplément de cotisation, entre 20% et 10% de franchise, n'est pas subventionné. »