ans le décret définissant l’arrachage sanitaire des vignes bordelaises financé par l’État (le dispositif de renaturation*), l’article 4 a fait tiquer plus d’un lecteur attentif en stipulant que « les entreprises en difficulté au sens du point 33, paragraphe 63 des lignes directrices concernant les aides d’État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales susvisées sont exclues du bénéfice du régime d'aide ». Dans sa notice d’explication, la préfecture de Gironde précise que « le comptable ou le banquier doit certifier que l’entreprise ne fait pas l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité au sens de la circulaire N° 6060/SG du Premier Ministre datée du 5 février 2019, et, s'agissant des formes sociétaires, que l'entreprise n'a pas perdu 50% du capital social ou des fonds propres, sur la base des derniers comptes arrêtés ».
Concrètement, le ministère de l’Agriculture explique à Vitisphere que « dans cette circulaire du Premier ministre de 2019 (note n°20, p 31), "les entreprises en mandat ad hoc ou en procédure de conciliation, ou encore les entreprises en plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ne sont pas [...] considérées comme des entreprises faisant l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité" ». Ainsi, seules les entreprises en liquidation seraient exclues de l’aide : celles qui tirent le rideau ? Pas tout à fait, le ministère précise qu’« il convient que le plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ait été adopté pour que l'entreprise ne soit plus considérée comme en difficulté de telle sorte qu'une aide d’État puisse lui être versée. Tant que ce n'est pas le cas, l'entreprise pour laquelle un jugement d'ouverture de procédure collective d'insolvabilité a été pris est en période d'observations, et cette période exclut la possibilité de verser une aide d'Etat. » Les entreprises en observation seraient finalement autant exclues que celles en observation. Ce qui n'est pas sans être inéquitable, la procédure de candidature à l'arrachage sanitaire s'achevant ce mercredi 20 décembre, il suffit à un propriétaire cumulant les mauvais critères de voir la porte fermée alors que sa situation n'a pas été statuée par le tribunal.
L’impact de cette mesure d'exclusion des entreprises en observation sur les demandes en cours de dépôt n’est pas connu à date. Mais son signal reste pour le moins négatif, alors que nombre d’entreprises sont en difficulté dans le vignoble bordelais. « Selon ma lecture du texte, seules les exploitations qui sont en cours de période d’observation, ouverte en raison du prononcé d’un jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sont exclues du dispositif d’arrachage primé fléché renaturation » résume maître Alexandre Bienvenu, l’avocat spécialiste des entreprises viticoles en difficulté notant que « techniquement, des entreprises qui sont en plan ne sont plus en procédure collective (on dit qu’elles sont redevenues in bonis). Il faut donc, soit qu’elles présentent leurs dossiers, arrachent et perçoivent la prime avant de faire ouvrir la procédure collective (ce qui n’est pas très orthodoxe si elles sont en cessation des paiements, sauf à pouvoir bénéficier encore d’un règlement amiable agricole), soit se dépêchent de faire adopter un plan de redressement pour sortir de la procédure et déposer leur dossier, ce qui n’est pas toujours aisé en raison d’une situation financière tendue… »
Interrogeant symboliquement, cette mise à l'écart des entreprises en observation pourrait peser à l'avenir, pour de futures mesures d'aides viticoles.
* : L’outil interprofessionnel de diversification n’est pas concerné, son financement reposant sur des crédits privés.