heures du matin, Joël Marénaud, chef de culture adjoint au domaine de la Solitude, à Martillac, en Gironde, s’apprête à aller tailler. Il enfile son T-shirt, son pull et, depuis un an, son exosquelette. Un Liftsuit de la marque Auxivo acheté chez HBR Innovation. « Je ne peux plus m’en passer, affirme-t-il. Cela m’est déjà arrivé d’oublier mon sécateur électrique à la maison, mon exosquelette, jamais. »
Âgé de 55 ans, Joël Marénaud ne souffre pas particulièrement des lombaires ni des articulations, mais depuis qu’il porte son Liftsuit, son confort de travail a radicalement changé. « Mes vignes sont établies à 30 cm du sol. Entre la taille et le pliage, je passe trois mois de l’année à moitié penché. L’exosquelette m’aide à me redresser à chaque mouvement grâce à un gros élastique qui se trouve dans le dos. Le bénéfice a été immédiat. Je suis beaucoup moins fatigué en fin de journée. Plus besoin de prendre d’anti-inflammatoire ni d’aller chez le kiné. »
Toujours en Gironde, Sébastien Troquereau, chef de culture adjoint au domaine de Chevalier, à Léognan, porte lui aussi un Liftsuit pour tailler ses 48 000 pieds par an, ce qui a bouleversé son quotidien. « Je peux continuer à faire mon métier, confie-t-il. Je souffre d’une hernie discale. Sans exosquelette, je ne pourrais tout simplement plus travailler. Là, quand je rentre le soir, mon dos tient le coup. »
Tout comme Joël Marénaud, il explique que son exosquelette maintient son dos et facilite son redressement. « Je l’ai même fait essayer à des jeunes en alternance. Les retours ont été très positifs. À la fin de la journée, ils étaient beaucoup moins fatigués et n’avaient presque pas de douleurs au niveau du dos », rapporte-t-il.
Fabrice Bourgogne, propriétaire du domaine Bourgogne-Devaux à Meloisey, en Côte-d’Or, souffre également d’une hernie discale. L’opération semble inévitable, mais elle sera suivie de six mois d’arrêt de travail si bien qu’il préfère attendre aussi longtemps que cela est possible. « Jusqu’à présent, il m’était impossible de tailler toute une journée sans antidouleur, ni siège électrique. Or, quand il pleut ou qu’il vente, le siège électrique n’est pas toujours utilisable. Avec l’exosquelette, je peux tailler debout, à 40 cm du sol, pendant huit heures, sans m’arrêter, quelle que soit la météo. Et le soir, quand je rentre, je peux à nouveau m’asseoir. »
Fabrice Bourgogne a investi l’hiver dernier dans un Exoviti de la marque RB3D. « Je le mets en arrivant à la vigne et le retire pour la pause déjeuner. Une fois enfilé, on ne peut pas s’asseoir avec, ni même se pencher trop bas. Pour tailler un complant, par exemple, je ne peux plus me baisser comme avant, je dois plier les jambes. Porter un exosquelette, n’est pas naturel. Mais c’est un tel confort que ça vaut la peine de changer ses habitudes. »
Jules Stoquart, le responsable innovation et développement durable du Château Lagrange, à Saint-Julien-Beychevelle, a déjà équipé, en trois ans, une quinzaine de salariés avec des Liftsuit. « On a observé moins de douleurs et moins d’arrêts de travail chez les tailleurs souffrant de TMS », rapporte-t-il. Il précise que même les salariés âgés de 25 à 35 ans et qui ne souffrent pas du dos apprécient d’en porter un « juste le matin pour réduire la fatigue musculaire et éviter d’avoir mal au dos l’après-midi car c’est tout de même contraignant ».
Malgré tout, certains salariés refusent d’en porter, quitte à avoir mal. Ils jugent que c’est inconfortable, gênant ou que cela ralentit leur cadence de travail. Mais, pour Jules Stoquart, c’est qu’ils n’ont pas trouvé le modèle ou le réglage qui leur convient.
Au domaine de Chevalier, Sébastien Troquereau confirme. « Si l’exosquelette est trop petit, on est cisaillé entre les cuisses et les épaules, et des douleurs apparaissent en haut du corps, indique-t-il. Et s’il est trop grand, il est inefficace. Le choix du modèle et son réglage sont primordiaux. Pour ma part, j’ai deux réglages différents, un pour la taille et un pour le pliage des baguettes. Comme je me penche beaucoup plus pour le pliage, je tends les deux élastiques du dos un peu plus fort. »
Régis Alcocer, vigneron-coopérateur à Faye-d’Anjou, dans le Maine-et-Loire, a acheté un Hapo d’Ergosanté il y a dix-huit mois. C’était au départ pour l’un de ses saisonniers qui souffrait du dos. Puis, quand ce dernier est parti, il l’a récupéré pour lui. Le vigneron admet que, même si ce n’est pas très lourd et que ça soulage indéniablement le dos, ce n’est pas naturel de porter un exosquelette. « Il faut bien régler les sangles au niveau du torse et autour des cuisses quand on l’enfile. Et il ne faut pas hésiter à le réajuster au cours de la journée. Sous la pression des mouvements, les scratchs au niveau des cuisses se détachent et ça bouge. »
Régis Alcocer rappelle que si l’exosquelette évite de trop forcer sur le dos, il n’empêche pas d’avoir mal dans les jambes, les épaules et le bras le soir, après une journée de taille.
Dans le cadre d’une mission de prévention menée par la MSA du Languedoc, Martine Laurent, adhérente à la coopérative de Tavel et Lirac, a pu essayer en début d’année trois exosquelettes – Hapo, Exoviti et Liftsuit – pendant trois semaines chacun. « J’ai pu comparer et choisir le modèle qui me convient le mieux, et c’est le Hapo qui soulage le mieux mon dos. Avec l’Exoviti, on ne peut pas s’asseoir. Il faut donc le retirer avant de prendre le volant. Pour quelqu’un qui a un parcellaire très morcelé, cela peut être un frein. Le temps de le mettre et de le régler, ça peut facilement prendre une dizaine de minutes. » À Sauveterre, les trois salariés du Château d’Aiguillon ont également participé aux essais. Eux aussi ont apprécié le Hapo, et particulièrement le fait qu’il soit débrayable au niveau du bassin et qu’on puisse le garder pendant la pause déjeuner. Le Château prévoit d’en acheter trois prochainement.